gramme. Essayez dans la société un trait piquant, ou un mot flatteur; s'il produit généralement l'effet que vous en attendez, vous aurez fait une bonne épigramme, ou un joli madrigal. Il rejette surtout l'affectation et le jeu de mots trop soigneusement recherchés; il admet cependant quelquefois ce dernier lorsqu'il se présente naturellement; par exemple, dans le suivant: A madame Rossignol. Le nom de Rossignol vous convient à merveille, L'abbé LATTAIGNANT. Le mérite ne consiste pas seulement dans la pensée, mais encore dans la manière de l'exprimer. Le mot le plus heureux, délayé dans des vers lâches et sans grâce, ne fera aucune impression, tandis qu'un tour aimable rajeunira une pensée ordinaire. Le mélange harmonieux des rimes et des mesures donne un nouveau prix au madrigal. On ne peut dicter de préceptes à ce sujet ; l'oreille et le goût sont les seuls maîtres que l'on doive consulter. Les anciens ne connaissaient d'autre madrigal que leur épigramme. Elle renfermait presque toujours (comme nous l'avons fait remarquer dans l'avant-propos sur l'épigramme) un sentiinent ou une image fraîche et riante. Les premiers madrigaux qui furent faits en France manquèrent de finesse et de précision. On nommait ainsi quelques vers renfermant une pensée amoureuse, présentée avec lenteur, avec embarras, où la même idée, répandue sur tout l'ouvrage, ne laissait aucune différence entre les premiers vers et les derniers. Marot, que, malgré ses expressions et ses tours vieillis, on citera toujours pour modèle, nous a laissé, mais en trop petit nombre, de très-jolis madrigaux, sans les désigner autrement que sous le titre générique d'épigrammes. En voici un exemple : Puisque de vous je n'ai autre visage, Peut-on joindre plus de charme à plus de naïveté ? Les deux derniers vers renferment un sentiment exquis. \ Le madrigal, en arrivant jusqu'à nous a subi le changement qui s'est généralement opéré dans tous les genres de poésies. Il est devenu plus souple, plus délié, mais peutêtre aussi plus frivole, et portant plus sur les mots que sur la pensée. Nous ne citerons pas les poètes français qui se sont distingués dans ce genre aimable; ils sont en grand nombre. Le madrigal est aussi français que l'épigramme et la chanson. Nous désignerons, par exemple, Voltaire, qui n'eut point d'égal dans la poésie légère, et qui réussit surtout dans le madrigal. Il suffira de citer ceux-ci : Toujours un peu de vérité Se mêle au plus grossier mensonge. Je vous aimais, et j'osais vous le dire... A une Dame qui le prêchait sur la Trinité. Oui, j'en conviens, chez moi la Trinité Après avoir cité Voltaire, s'il était permis de parler de Pradon, nous ne pourrions résister au plaisir de transcrire son madrigal à une dame qui lui écrivait des lettres trop spirituelles. Vous n'écrivez que pour écrire; Ces vers sont charmans : ils feraient desirer que l'auteur eût fait quelques madrigaux semblables de plus, et quelques tragédies de moins. Nous croyons ne pouvoir mieux terminer cet avant-propos qu'en citant un madrigal qui réunit le mérite des vers à celui de la pensée. C'est un roi de la féve qui parle. Eglé, je te fais souveraine. Au sort je dois ma royauté; Tu dois la tienne à ta beauté: Le destin m'a fait roi, l'amour seul te fait reine. Demain tu seras toujours belle. Ces vers ingénieux et peu connus sont du petit père André, prédicateur renommé pour son esprit et son originalité. On ne lit plus guère ses sermons; mais son madrigal est resté, et peut, dans tous les tems, offrir un modèle de goût et de délicatesse. |