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Philippe, du moment qu'il fe verroit maître des Thermopyles, feroit aveuglément tout ce que vous fouhaitteriez; qu'il fortifieroit Thefpie & Platée, réprimeroit l'infolence des Thébains, perceroit la (4) Cherfonéfe à fes dépens, & vous donneroit l'Eubée & Orope en échange d'Amphipolis. Car tout cela vous fut dit ici, dans cette Tribune; & vous ne l'avez pas oublié, je le fais bien quoique vous foyez d'ailleurs fi prompts à oublier le tort qu'on vous fait.

Pour comble d'ignominie, vous

avez

mofthéne eut fortement excité le peuple à ne point conclure la paix, ce Philocrate monte dans la Tribune, & débute brufquement par dire: Il n'eft pas étonnant, Athéniens, que mofthene & moi nous penfions différemment; car il boit de l'eau, & moi je bois du vin. Un tel début fit beaucoup rire le peuple d'Athénes, qui, pour être plus fpirituel qu'un autre, ne laiffoit pas d'être peuple.

(4) La Cherfonéfe de Thrace ne tenoit au continent que par une langue de terre d'environ cinq mille pas. Or, pour la mettre à couvert des incurfions, quelqu'un avoit imaginé de percer cette langue de terre. Philip

avez, fur de frivoles (f) promeffes, lié par votre Traité vos defcendans même. Tant on vous a féduits!

Mais à quel propos rappeler ces réflexions? Pourquoi veux-je que vos perfides confeillers foient citez? Je vais, le Ciel m'en foit témoin vous parler fans déguisement, & à cœur ouvert. En vous faisant cette demande, ma vuë n'eft point d'obtenir que devant eux, pour les injures dont autrefois ils me chargérent, vous me donniez préfentement des loüanges. Ils fauroient faire valoir cet affront, comme un nouveau moyen de s'attirer des largeffes de Philippe. Ce n'eft pas que je cherche non plus à me répandre en vains difcours. Mais le motif qui m'anime,

pe qui favoit qu'Athénes portoit vivement les intérêts de la Cherfonéfe, fit femblant de vouloir exécuter ce projet.

(5) Wolfius & M. de Tourreil ont donné ici dans un contre-fens, dont j'ai été garanti par les doctes Remarques de M. Lucchéfini fur la Traduction de Wolfius. Car il eft jufte qu'en nommant ceux qui ont failli, je nomme celui qui m'a empêché de les imiter.

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m'anime, c'eft que les entreprises de Philippe me font envifager un avenir encore plus trifte pour vous, que ne l'eft le préfent. Car je vois les chofes s'acheminer. Puiffent mes conjectures être fauffes, mais je crains que déjà le moment fatal ne foit pas loin.

Quand il fera donc venu, & que vous ferez pleinement inftruits de vos calamitez, non plus par la voix de vos Orateurs, mais par une expérience actuelle: tranfportez alors de colére, vous courrez fans doute à la vengeance. Or je vois qu'en pareil cas fouvent on fe jette, non pas fur les coupables, mais fur les premiers qui fe rencontrent. A moins donc que ceux de vos Ambassadeurs, qui favent vous avoir vendus à Philippe, ne confeffent leur prévarication; il est à craindre qu'un jour la peine due à leur crime, ne tombe fur ceux qui auront pris à tâche d'en détourner les funeftes effets.

Ainfi, pendant que l'état de nos affaires nous permet encore de con

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férer ensemble fur nos intérêts communs, je vous demande à tous quelque connoiffance que vous puiffiez en avoir d'ailleurs, de vous bien informer, & de vous bien ressouvenir quel eft l'homme, par les confeils de qui la Phocide & les Thermopyles ont été abandonnées ; & qui par cette trahison ouvrant à Philippe le chemin du Péloponéfe & de l'Attique, vous réduit préfentement à délibérer, non plus fur les intérêts des autres Grecs, ni fur des affaires étrangères, mais fur les moyens de vous défendre vous-mêmes, & de n'avoir pas la guerre jufque dans le fein de votre patrie.

En quelque temps que commence cette guerre, qui ne pourra qu'exciter parmi nous un murmure univerfel, datez-la du jour que la paix fut concluë. Car fi ce jour-là vous n'aviez pas été féduits, Athénes feroit tranquille. Par mer, Philippe n'étoit point affez fort pour defcendre dans l'Attique par terre, il n'eût pu franchir les Thermopyles, ni traverfer la Phocide: il eut par confé

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SECONDE PHILIPPIQUE,

quent été contraint, ou d'observer pacifiquement les régles de l'équité, ou de s'engager dans une guerre auffi hazardeufe pour lui, que celle qui l'avoit forcé à rechercher la paix.

J'en ai dit affez pour vous faire fentir à quels périls on vous a expofez. Faffent tous les Dieux que vous n'en ayez pas de preuves plus évidentes! Car quelque fupplice qu'ait mérité un traitre, fi cependant, pour le juger coupable, vous attendez que les maux publics atteftent fa trahison, je defire qu'il ne foit point puni.

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