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n'y eut jamais de fouverain qui fût mieux qu'elle diftinguer les hommes d'un vrai mérite, fe les attacher & les récompenfer à propos. Si les grands hommes qu'elle a mis en place ne furent pas toujours heureux, ils fe montrerent au moins toujours dignes de l'être.

Le prince Charles s'étant retiré dans Prague, le roi de Pruffe fit bloquer cette ville, & y fit jetter à diverfes reprises une quantité prodigieuse de bombes. Les Autrichiens firent plufieurs forties pour ruiner les batteries des affiégeans. Vers le milieu de juin, le comte de Daun réfolut de faire lever le fiége & de combattre le roi de Pruffe. Ce général ayant reçu tous fes renforts, marche vers Prague. Frédéric, inftruit de ce projet, prend avec lui l'élite de fes troupes, joint l'armée du comte de Bévern & fe difpofe à recevoir les Autrichiens. Daun fait fes difpofitions, & le dix-huit juin, à deux heures après midi, le combat commence. La gauche de l'armée pruffienne s'avance pour attaquer l'aîle droite des Autrichiens; dans un inftant, cette aîle eft prise de front & par le flanc droit. Le choc violent des Pruffiens entame & ébranle la cavalerie

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autrichienne; le comte de Serbelloni, quoique bleffé, s'élance le fabre à la main, contre les Pruffiens, & rétablit l'avantage de fon côté. L'infanterie fe battoit alors avec un acharnement affreux; fix fois les bataillons de Frédéric font mis en déroute, fix fois ils reviennent à la charge avec la même intrépidité; Daun & le roi de Pruffe étoient par-tout. Le prince Charles de Lobkovitz, le prince d'Esterhasi, & le comte Odonell firent pendant toute l'action, le devoir de commandans & de foldats. Vers les fept heures, l'excès de la fatigue fépare les combattans, ils prennent, comme de concert, une demie-heure de repos. Frédéric veut faire un dernier effort, il raffemble fes meilleures troupes pour fondre fur ces redou tables bataillons qui l'ont repouffé tant de fois; il fe met lui-même à leur tête. Daun ordonne à la cavalerie de fa gauche de fondre fur l'ennemi & de le prendre en flanc: ce mouvement & la vigoureuse résistance de fon infanterie, décident enfin le fuccès de cette terrible journée. Les Pruffiens perdirent dix mille hommes dans cette bataille mémorable. Frédéric fe retira fort en défordre; le foir

même, il fe rendit au camp devant Prague, & `la nuit du 20, il passa précipitamment l'Elbe à Brandeiff, tandis que fon armée, battue à Chotemitz, fe retiroit à Nimbourg où elle paffa le même fleuve. Vingt-deux drapeaux, quarante-cinq pièces de canon, quantité de caiffons d'artillerie & de munitions, furent les glorieux trophées de cette victoire, qui ne coûta pas cinq mille hommes aux Autrichiens.

En apprenant la nouvelle de cette grande victoire, l'empereur & l'impératrice-reine se transporterent chez la maréchale Daun pour la lui annoncer, & partager avec elle la fatisfaction que leur caufoient les fuccès du maréchal vainqueur. Cette distinction flatteuse étoir bien capable d'enflammer le courage des rivaux du général. Ils eurent tous part aux bienfaits de l'impératrice-reine. Cette princeffe, ingénieuse à trouver des moyens de récompenfer dignement fes fujets, perpétua le fouvenir de la victoire de Chotemitz, en établissant un ordre militaire auquel elle donna son nom & dont elle décora les braves officiers qui s'étoient fignalés à cette fameuse journée. Cette victoire n'auroit rien eu de plus frappant que

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tant d'autres dont l'histoire eft remplie; mais ce qui en rendra le fouvenir immortel, c'est la démarche que firent l'empereur & l'impératrice auprès de la maréchale; démarche qui, loin de dégrader leur majesté impériale, en relevera l'éclat aux yeux de la postérité; c'est l'établis fement de l'ordre militaire de Marie-Thérèse, dont l'impératrice décora fes braves généraux; c'est enfin la diftinction particuliere qui fut accordée au maréchal Daun par l'empereur & par l'impératrice. Ils lui donnerent la permiffion de faire lui-même une promotion dans leurs armées. Ce témoignage d'eftime & de confiance fut d'autant plus flatteur pour le maréchal, qu'il lui fourniffoit l'occafion de donner des marques de fon amitié à fes rivaux d'honneur. Le choix qu'il fit dans cette promotion, le couvrit d'une autre espèce de gloire qui, fans être auffi éclatante que celle de la victoire, n'en mérite pas moins les plus grands éloges. En accordant les intérêts de fa fouveraine avec ceux de fa grande âme, il fut fervir également bien l'impératrice-reine & fes amis, & profiter de fa faveur, pour la faire rejaillir fur ceux que l'amitié lui avoit attachés.

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Les avantages qui fuivirent la victoire de Chotemitz, furent la levée du fiége de Prague, & l'évacuation de la Bohême. Le roi de Pruffe, pour couvrir fa fuite, avoit laiffé auprès de Prague un corps de vingt mille hommes fous les ordres du maréchal Keith. Le prince Charles, qui étoit toujours dans Prague, avoit remarqué des mouvemens dans l'armée du roi de Pruffe, qui abandonnoit les travaux du fiége. Ne fachant rien de la bataille de Chotemitz, il avoit réfolu d'attaquer les troupes qui étoient reftées dans les lignes; il fortoit de la ville à la tête de vingt-quatre mille hommes, lorfqu'il reçut la nouvelle de la victoire. Le courage des troupes redouble en ce moment, elles fe jettent dans les retranchemens, & après un combat de deux heures, elles parviennent à en déloger les Pruffiens.

Tandis que les armes de l'impératrice-reine avoient de fi brillans fuccès en Bohême, celles de fes alliés frappoient de grands coups dans la Weftphalie. En moins de huit jours, le prince de Soubise, à la tête des François prend Wefel, enleve au roi de Pruffe l'état de Clèves & de Gueldres, & pouffe les Pruffiens

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