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paraifon de ce qu'il avoit vu dans la Grece. Les Perfes étoient fous Darius, ce que font aujourd'hui les Perfans qui habitent le même pays qu'eux, c'està dire, des Ouvriers très patiens & trèshabiles, quant au travail de la main, mais fans génie pour inventer, & fans talent pour imiter les plus grandes beautés de la nature.

L'Europe n'eft que trop remplie aujourd'hui d'étoffes, de porcelaines, & des autres curiofités de la Chine & de l'Afie Orientale. Rien n'eft moins pit→ torefque que le goût de deffein & de coloris qui regne dans ces ouvrages. On a traduit plufieurs compofitions poëtiques des Orientaux. Quand on y trouve un trait mis en fa place, ou bien une aventure vfaisemblable, on l'admire': c'eft en dire affez. Aufli toutes ces traductions qui ne fe réimpriment guéres, n'ont qu'une vogue paffagere qu'elles doivent à l'air étranger de l'original, & à l'amour incon fidéré que bien des gens ont pour les chofes fingulieres. La même curiofité qui fait courir après les compatriotes des Auteurs de ces écrits, lorfqu'ils paroiffent en France vêtus à la mode

de leur pays, fait lire avec empreffe ment ces traductions, quand elles font nouvelles.

Si les Brachmanes & les anciens Perfes avoient eu quelques Poëtes du mérite d'Homere, il eft à croire que les Grecs qui voyageoient pour enrichir leurs Bibliotheques, comme d'autres peuples naviguent aujourd'hui pour fournir leurs magafins, fe le feroient approprié par une traduction. Un de leurs Princes l'eût fait traduire en Grec, ainfi qu'on dit qu'un des Ptolomées y fit mettre la Bible, quoique ce Prince payen ne la regardât que com. me un livre que des hommes auroient été capables de compofer.

Quand les Efpagnols découvrirent le Continent de l'Amérique, ils y trou verent deux grands Empires floriffans depuis plufieurs années, celui du Mexique & celui du Pérou. Depuis longtems on y cultivoit l'art de la Peintu re. Les peuples d'une patience & d'une fubtilité de main inconcevable, avoient même créé l'art de faire une efpece de Mofaïque avec les plumes des Oifeaux. Il eft prodigieux que la main des hommes ait eu affez d'adreffe pour

arranger

arranger & pour réduire en forme des figures coloriées, tant de filets différens. Mais comme le génie manquoit à ces peuples, ils étoient, malgré leur dextérité, des Artifans groffiers. Ils n'avoient ni les regles du deffein les plus fimples, ni les premiers principes de fa compofition, de la perfpective & du clair- obfcur. Ils ne fçavoient pas même peindre avec les minéraux & les autres couleurs naturelles qui viennent de leur pays. Dans la fuite ils ont vu des meilleurs tableaux d'Italie, dont les Espagnols ont tranfporté un grand nombre dans le nouveau monde. Ces Maîtres leur ont encore enfeigné com→ me il falloit fe fervir des pinceaux & des couleurs, mais fans pouvoir en faire des Peintres intelligens. Les Indiens qui ont fi bien appris les autres arts que les Efpagnols leur ont enfeignés, qu'ils font devenus, par exemple, meilleurs Maçons que leurs maî tres, n'ont rien trouvé dans les tableaux d'Europe qui fût à leur portée, que la vivacité des couleurs brillantes. C'est ce qu'ils ont imité avec fuccès. Ils y furpaffent même leurs originaux, à ce que j'ai ouï dire à des perfonnes Tome II.

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qui ont vu dans le Mexique plufieurs coupoles peintes par des Artifans Indiens.

Les Chinois fi curieux des peintures de leur pays, ont peu de goût pour les tableaux d'Europe, où, difent-ils, on voit trop de taches noires. C'eft ainfi qu'ils appellent les ombres. Après avoir fait réflexion fur toutes les chofes que je viens d'alléguer, & fur plufieurs autres connues généralement, & qui prouvent notre propofition, on ne Içauroit s'empêcher d'être de l'opinion de M. de Fontenelle, qui dit, en par lant des lumieres & du tour d'efprit des Orientaux: (a) En vérité, je crois toujours de plus en plus qu'il y a un certain génie qui n'a pas encore été hors de notre Europe, ou du moins qui ne s'en eft pas beaucoup éloigné.

Non feulement il eft des pays où les caufes morales n'ont jamais fait éclore de grands Peintres, ni de grands Poëtes; mais ce qui prouve encore davantage, il y a eu des tems où les caufes morales n'ont pas pû former de grands Artifans, même dans les pays, qui en d'autres tems en ont produit (a) Pluralité des mondes. Sixième foir

avec facilité, & pour parler ainfi, gratuitement. La nature capricieuse, à ce qu'il femble, n'y fait naître ces grands Artifans, que lorfqu'il lui plaît.

Avant Jules II l'Italie avoit eu des Papes libéraux envers les Peintres & les gens de lettres, fans que leur magnificence eût fait prendre l'effort à aucun Artifan, & l'eût fait atteindre au point de perfection où font parvenus les hommes de fa profeffion qui fe manifefterent en fi grand nombre fous le Pontificat de ce Pape. Durant long tems Laurent deMédicis avoit fait à Florence cette dépenfe royale qui obligea le monde à lui donner le furnom de Magnifique, & la plus grande partie de fes profufions étoient des libéralités qu'il diftribuoit avec difcernement à toutes fortes de vertus. Les Bentivoles avoient fait la même chose à Boulogne, & les Seigneurs de la Maifon d'Eft à Ferrare. Les Vifcomti & les Sforces avoient été les bienfaiteurs des beaux Arts à Mi lan. Perfonne ne parut alors dont les Ouvrages puiffent tenir un rang parmi ceux qui fe font faits dans la fuite, & lorfque les fciences & les arts eurent été, pour ainsi dire renouvellés. Il fem

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