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vent du deffein, font plus parfaits em France que partout ailleurs. Mais comme la Peinture ne dépend pas autant des caufes morales, que les arts dont je viens de parler, elle n'y a point fait de progrès proportionnés aux fecours! qu'elle a reçus quatre vingt ans depuis.

SECONDE RÉFLEXION,

Que les Arts parviennent à leur élévation par un progrès fubit, & que les effets des caufes morales ne les fçauroient foutenir fur le point de perfection où ils fem→ blents'être élevés par leurs propres forces

Voilà ma premiere raifon pour mon trer que les hommes ne naiffent pas avec autant de génie dans un pays que dans un autre, & que dans le même pays ils ne naiffent pas avec autant de génie dans un tems que dans un autre tems. La feconde ne me paroît pas moins forte que la premiere. C'eft qu'il arrive des tems où les hommes portent en peu d'années jufqu'à un point de per fection furprenant, les arts & les pro feffions qu'ils cultivoient prefque fans aucun fruit depuis plufieurs fiécles. Ge

prodige furvient, fans que les caufes morales faffent rien de nouveau, à quoi l'on puiffe attribuer un progrès fi miraculeux. Au contraire, les Arts & les Sciences retombent, quand les caufes morales font des efforts redoublés pour les foutenir fur le point d'élévation, où il femble qu'une influence fecrette les eût portés..

Le Lecteur voit déja quels faits je vais employer pour montrer que le progrès des beaux Arts vers la perfection, devient fubit tout-à-coup, & que ces Arts franchiffent en peu de tems un long efpace, fautent de leur levant à leur midi. Dès le treiziéme fié. cle, la Peinture renaquit en Italie fous le pinceau de Cimabué (a). Il arriva bien que plufieursPeintres fe rendirent illuftres dans les deux fiécles fuivans mais aucun ne fe rendit excellent. Les ouvrages de ces Peintres fi vantés de leur tems, ont eu en Italie le fort que les poëfies de Ronfard ont eu en France: on ne les recherche plus.

En mil quatre cens quatrevingt, la Peinture étoit encore un art groffier en Italie, où depuis deux cens ans on (a) Né en 1249..

ne ceffoit de la cultiver. On deffinoit alors fcrupuleusement la nature, mais avec tant de foin, qu'on pouvoit compter les poils de la barbe & des cheveux. Les draperies étoient des couleurs trèsbrillantes & rehauffées d'or. Enfin la main des ouvriers avoit bien acquis quelque capacité, mais les ouvriers n'avoient pas encore le moindre feu, la moindre étincelle de génie. Les beautés qu'on tire du nud dans les corps représentés en action, n'avoient point été imaginées de perfonne. On n'avoit point fait encore aucune découverte dans le clair-obfcur, ni dansla perfpective aëtienne, non plus que dans l'élégance des contours & dans le beau jet des draperies. Les Peintres fçavoient arranger les figures d'un tableau, mais c'étoit fans fçavoir les difpofer fuivant les regles de la compofition pittorefque aujourd'hui fi connues.. Avant Raphaël & fes contemporains, le martyre d'un Saint n'émouvoit aucun des fpectateurs. Les affiftans

que le Peintre introduifoit à cette action: tragique, n'étoient-là que pour remplir l'efpace de la toile que le Saint

& les bourreaux laiffoient vuide.

A la fin du quinziéme fiécle, la Pein ture qui s'acheminoit vers la perfection à pas fi tardifs, que fa progreffion étoit comme imperceptible, y marcha toutà-coup à pas de géant. La Peinture encore Gothique a commencé les ornemens de plufieurs édifices, dont les derniers embelliffemens font les chefsd'œuvres de Raphaël & de fes contemporains. Le Cardinal (a) Jean de Médicis, qui ne vieillit point fous le chapeau, puifqu'il fut fait Papeà trentefept ans, renouvella la décoration de P'Eglife de S. Pierre in Montorio, & il commença d'y faire travailler peu de tems après qu'il eut reçu la pourpre. Les Chapelles qui font à main gauche en entrant, & qui furent faites les premieres, font ornées d'ouvrages. de peinture & de fculpture d'un goût médiocre, & qui tient encore du Go thique. Mais les Chapelles qui font vis à vis, furent ornées par des ouvriers qu'on compte parmi les Artifans de la premiere claffe. La premiere en entrant dans l'Eglife, eft peinte par Fra Sebaf tien del Piombo Une autre eft enrichie (a) Leon X..

de ftatues faites par Daniel de Voltere. Enfin on voit au-deffus du maître autel la Transfiguration de Raphaël, tableau prefque auffi connu des nations que l'Eneide de Virgile.

La deftinée de la Sculpture fut la même que celle de la Peinture. Il fembloit que les yeux des Artifans, jufques-là fermés, fe fuffent ouverts par quelque miracle. Un Poëte diroit que chaque nouvel ouvrage de Raphaël faifoit un Peintre. Cependant les caufes morales ne faifoient rien alors en faveur des Artifans, que ce qu'elles avoient fait fans fruit depuis deux fiéeles. Les ftatues & les bas-reliefs antiques, dont Raphaël & fes contemporains fçavoient fi bien profiter, avoient été devant les yeux de leurs devanciers, qui n'en avoient fçu faire ufage. Si l'on déterroit quelques ouvrages antiques que ces devanciers n'euffent pas vus, com. bien en avoient-ils vus qui périrent, avant que Raphaël pût les voir ? Pourquoi ces devanciers ne faifoient-ils pas fouiller dans les ruines de l'ancienne Rome, comme le firent Raphaël & fes contemporains? C'eft qu'ils n'avoient point de génie. C'eft qu'ils ne recon

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