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de l'églife & l'honneur du faint fiége après les défordres du dixiéme fiécle, s'éloignerent le plus de l'ancienne modération qu'ils ne connoiffoient plus, ou qu'ils ne croyoient pas convenable à leur tems; & enfin Gregoire VII. pouffa la rigueur des cenfures au-delà de ce qu'on avoit vû jufques alors. Ce pape né avec un grand courage & élevé dans la difcipline monaftique la plus reguliere, avoit un zéle ardent de purger l'églife des vices dont il la voyoit infectée, particulierement de la fimonie & de l'incontinence du clergé mais dans un fiécle fi peu éclairé, il n'avoit pas toutes les lumieres néceffaires pour regler fon zéle ; & prenant quelquefois de fauffes lueurs pour des veritez folides, il en tiroit fans hésiter les plus dangéreufes conféquences. Son grand principe étoit ; qu'un fuperieur eft obligé à punir tous les crimes qui viennent à fa connoiffance, fous peine de s'en rendre complice ; & il repete fans ceffe dans fes lettres cette parole du prophéte: Maudit foit celui qui n'enfanglante pas XLVIII 10. fon épée : c'eft-à-dire, qui n'éxécute pas l'ordre de Dieu, pour punir fes ennemis. Sur ce fondement, fi-tôt qu'un évêque lui étoit déferé comme coupable de fimonie, ou de quelqu'autre crime, il le citoit à Rome; & s'il manquoit d'y comparoître, pour la premiere fois il le fufpendoit de fes fonctions, pour la feconde il l'excommunioit: fi l'évêque perfiftoit dans fa contumace, le pape le dépofoit, défendoit à fon clergé & à fon peuple de lui obéir, fous peine d'excommunication; leur ordonnoit d'élire un autre évêque, & s'ils y manquoient, il leur en donnoit un lui-même. C'eft ainsi qu'il proceda contre Guibert archevêque de Ravenne, qui lui rendit bien la pareille, en fe faifant élire pape par le parti du roi Henri. Je fuis ef

Jerem

XVIA.

des rois.

frayé quand je vois dans les lettres de Gregoire VII. les cenfures pleuvoir, pour ainfi dire, de tous côtez: tant d'évêques dépofez par tout, Lombardie, en Allemagne, en France.

en

Le plus grand mal, c'eft qu'il voulut soûteDépofition nir les peines fpirituelles par les temporelles, qui n'étoient pas de fa compétence. D'autres l'avoient déja tenté : j'ai marqué que les évêques imploroient le fecours du bras féculier, pour forcer les pécheurs à la pénitence, & que les papes avoient commencé plus de deux cens ans auparavant à vouloir regler par autorité les droits des couronnes. Grégoire VII. fuivit ces nouvelles maximes, & les pouffa encore plus loin: prétendant ouvertement, que comme pape il étoit en droit de dépofer les fouverains rébelles à l'églife. Il fonda cette prétention principalement fur l'excommunica. J. 10. tion. On doit éviter les excommuniez, n'avoir aucun commerce avec eux, ne pas même leur dire : Bonjour, fuivant l'pôtre. Donc un prince excommunié doit être abandonné de tout le monde: Il n'eft plus permis de lui obéir, de recevoir fes ordres, de l'approcher: il eft exclus de toute focieté avec les Chrétiens. Il eft vrai que Gregoire VII. n'a jamais fait aucune décifion fur ce point, Dieu ne l'a pas permis. Il n'a prononcé formellement dans aucun concile, ni par aucune décrétale, que le pape a droit de dépofer les rois : mais il l'a fuppofé pour conftant, comme d'autres maximes auffi peu fondées, qu'il croyoit certaines. Il a commencé par les faits & par l'execution.

Et il faut avouer qu'on étoit alors tellement prévenu de ces maximes, que les défenfeurs du roi Henri fe retranchoient à dire, qu'un fouverain ne pouvoit être excommunié. Mais

Greg. 1. 1

f. 2. hift;

liv. LXI.

il étoit facile à Gregoire VII. de montrer que la puiffance de lier & de dêlier a été donnée aux apôtres généralement, fans exception de perfonnes, & comprend les princes comme les 36. autres. Le mal eft qu'il ajoûtoit des propofitions exceffives: que l'églife ayant droit de juger des chofes fpirituelles, elle avoit droit à plus forte raifon de juger des temporelles, que le moindre exorcifte eft au-deffus des empe- hift. liv. Þj reurs, puifqu'il commande aux démons: quen 34. la royauté eft l'ouvrage du démon, foudé fur l'orgueil humain, au lieu que le facerdoce eft l'ouvrage de Dieu enfin, que le moindre Chrétien vertueux eft plus véritablement roi qu'un roi criminel; parce que ce prince n'eft plus un roi, mais un tyran: maxime que Ni- Nic. 1. epift. colas I. avoit avancée avant Gregoire VII. & ad Advent. qui femble avoir été tirée du livre apocryphe t. 8. conc. p. des conftitutions apoftoliques, où elle fe trou- 487.F.conft. ve expreffément. On peut lui donner un bon apoft. liv. fens, la prenant pour une expreffion hyperbolique, comme quand on dit qu'un méchant homme n'eft pas un homme: mais de telles hyperboles ne doivent pas être réduites en pratique. C'eft toutefois fur ces fondemens que Gregoire VII. prétendoit en général, que fuivant le bon ordre c'étoit l'églife qui devoit diftribuer les couronnes & juger les fouverains; & en particulier il prétendoit que tous les princes Chrétiens étoient vaffaux de l'églife Romaine, lui devoient prêter ferment de fidélité, & payer tribut. J'ai rapporté les preuves de ses prétentions fur l'empire & fur la plupart des royaumes de l'Europe.

VIII. C. 2

Voyons maintenant les conféquences de ces hift. liv. principes. Il fe trouve un prince indigne & LXVII. chargé de crimes comme Henri IV. roi 17. d'Allemagne, car je ne prétens point le juki

fier. Il eft cité à Rome, pour rendre compte de fa conduite, il ne comparoît point. Après plufieurs citations le pape l'excommunie: il méprife la cenfure. Le pape le déclare déchu de la royauté, abfout fes fujets du ferment de fidelité, leur défend de lui obéir, leur permet, ou même leur ordonne d'élire un autre roi. Qu'en arrivera-t'il? des féditions & des guerres civiles dans l'état ? des fchifmes dans l'églife. Ce roi dépofé ne fera pas fi miférable, qu'il ne lui refte un parti, des troupes, des places: il fera la guerre à fon competiteur, comme Henri fit à Rodolfe. Chaque roi aura des évêques de fon côté, & ceux du parti oppofé au pape ne manqueront pas de prétextes, pour l'accufer d'être indigne de fa place. Ils le dépoferont bien ou mal, & feront un anti-pape comme Guibert, que le roi fon protecteur mettra en poffeffion à main armée.

Allons plus loin. Un roi déposé n'eft plus un roi: donc s'il continue à fe porter pour roi, c'eft un tyran: c'est-à-dire un ennemi public, à qui tout homme doit courir fus. Qu'il fe trouve un fanatique qui ayant lû dans Plutarque la vie de Timoleon ou de Brutus, fe perfuade que rien n'eft plus glorieux, que de délivrer fa patrie: ou qui prenant de travers les exemples de l'Ecriture, fe croye fufcité comme Aod, ou comme Judith, pour affranchir le peuple de Dieu : voilà la vie de ce prétendu tyran expofée au caprice de ce vifionaire, qui croira faire une action héroïque & gagner la couronne du martyre. Il n'y en a par malheur que trop d'exemples dans l'hiftoire des derniers fiécles, & Dieu a permis ces fuites affreufes des opinions outrées fur l'excommunication, pour en désabuíer; au moins par l'experience.

Revenons donc aux maximes de la fage antiquité. Un fouverain peut être excommunié comme un particulier, je le veux : mais la prudence ne permet prefque jamais d'ufer de ce droit. Suppofez le cas très-rare, ce feroit à l'évêque auffi bien qu'au pape ; & les effets n'en feroient que fpirituels, c'eft-à-dire qu'il ne feroit plus permis au prince excommunié de participer aux facremens, d'entrer dans l'églife, de prier avec les fideles, ni aux fideles d'exercer avec lui aucun acte de religion: mais fes fujets ne feroient pas moins obligez de lui obéir, en tout ce qui ne feroit point contraire à la loi de Dieu. On n'a jamais prétendu, au moins dans les fiécles de l'églife les plus éclairez, qu'un particulier excommunié perdit la proprieté de fes biens ou de fes elclaves, ou la puiffance paternelle fur fes enfans. Jefus-Chrift en établiffant fon évangile, n'a rien fait par force, mais tout par perfuafion, fuivant la remarque de faint Auguftin. Il a de vera redit que fon royaume n'étoit de ce monde, lig, c. 16. u. & n'a pas voulu fe donner seulement l'auto- 31. rité d'arbitre entre deux freres. Il a ordonné to. XVIII. de rendre à Cefar ce qui étoit à Cefar, quoique Luc. x11. 4 36. ce Cefar fut Tibere, non-feulement payen, 1. Pet. 11. mais le plus méchant de tous les hommes. En 13. 18. un mot il eft venu réformer le monde, en con- Rome. X111, vertiffant leurs cœurs, fans rien changer dans 1. 2. &c. l'ordre exterieur des chofes humaines. Ses apôtres & leurs fucceffeurs ont fuivi le méme plan, & ont toujours prêché aux particuliers, d'obéir aux magiftrats & aux princes; & aux efclaves d'être foumis à leurs maîtres, bons ou mauvais, Chrétiens ou infideles. Ce n'eft qu'après plus de mille ans, vous l'avez vû, qu'on s'eft avifé de former un nouveau fyftême ; & d'ériger le chef de l'églife em

pas

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