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monarque fouverain. Superieur à tous les fouverains, même quant au temporel car s'il a le pouvoir de les établir & de les dépofer, en quelque cas & avec quelque formalité que foit, par puiffance directe ou indirecte: s'il a, dis-je, ce pouvoir, il faut le dire fans détour, il eft feul véritablement fouverain ; & pendant mille ans l'églife a ignoré ou négligé ses droits.

que

Gregoire VII. fe laiffa encore entraîner à la prévention déja reçuë, que Dieu devoit faire éclater fa juftice en cette vie. De-là vient dans fes lettres il promet à ceux qui feront fideles à faint Pierre la profperité temporelle, en attendant la vie éternelle ; & menace les rébelles de la perte de l'une & de l'autre. Jufques-là, que dans la feconde fentence d'excommunication contre le roi Henri, adreffant Hift. livre la parole à faint Pierre, il le prie d'ôter à ce VIII. 1. prince la force des armes & la victoire. Afin, ajoûte-t'il, de faire voir à tout le monde, que vous avez tout pouvoir au Ciel & fur la terre. Il croyoit fans doute que Dieu, qui connoiffoit la bonté de fa caufe & la droiture de fes intentions, exauceroit fa priere: mais Dieu ne fait pas des miracles au gré des hommes, & il femble qu'il voulut confondre la témérité de cette prophétie. Car quelques mois après, il fe donna une fanglante bataille, où le roi Rodolfe fut tué, quoique le pape lui eût promis la victoire ; & le roi Henri, tout maudit qu'il étoit, demeura victorieux. Ainfi la maxime que Gregoire fuppofoit, fe tournoit contre luimême : & à juger par les évenemens, on avoit lieu de croire que fa conduite n'étoit pas agréa ble à Dieu. Loin de corriger le roi Henri il ne fait que lui donner occafion de commettre de nouveaux crimes: il excite des guer

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res cruelles, qui mettent en feu l'Allemagne & l'Italie : il attire un fchifme dans l'églife, on l'affiége lui-même dans Rome,il eft obligé d'en fortir & d'aller en éxil à Salerne.

Ne pouvoit-on pas lui dire: Si vous difpofez des profperitez temporelles, que ne les prenezvous pour vous-même ? Si vous n'en difpotez pas, pourquoi les promettez-vous aux autres? Choififfez entre les perfonnages d'apôtre ou do conquerant: le premier n'a de grandeur & de puiffance qu'intérieure & fpirituelle, au-dehors ce n'eft que foibleffe & que fouffrance: le fecond a befoin de tout ce qui frappe les fens des royaumes, des armées, des tréfors pour les entretenir. Vous ne pouvez allier deux états fi oppofez, ni vous faire honneur des fouffrances, que vous attirent des entreprises mal concertées.

Jufqu'ici, j'ai principalement confideré le relâchement de l'ancienne difcipline & les autres tentations, dont Dieu a permis que fon église fût attaquée depuis le fixiéme fiécle jusques au douzième. Voyons maintenant les moyens par lefquels il l'a confervée, pour accomplir fa promeffe d'être toûjours avec elle & de ne jamais permettre qu'elle fuccombât aux puiffances de l'enfer.

XIX. Succeffion

Premierement la fucceffion des évêques a continué fans interruption dans la plupart des églifos depuis leur premiere fondation. Nous d'évêques, avons la fuite des évêques de chaque fiége dans les recueils intitulez la Gaule Chrétienne, l'Italie facrée & les autres femblables: plufieurs églifes ont leurs hiftoires particulieres, & quant aux autres, on trouve de tems en tems les noms de leurs évêques dans les conciles, dans les hiftoires générales, ou dans d'autres aces autentiques. C'est la preuve de la tradi

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XX.

tion. Car dans tous les lieux où nous voyons un évêque, il eft certain qu'il y avoit une êglife, un clergé, l'exercice de la religion, une école chrétienne, & on eft en droit de supposer qu'on y enfeignoit la même doctrine que dans les autres églifes Catholiques, tant que l'on trouve cette eglife particuliere en communion avec elles. L'indignité des pafteurs n'a point interrompu cette tradition. Qu'un évêque ait été fimoniaque, avare, débauché, ignorant: pourvû qu'il n'ait été ni hérétique ni fchifmatique, la foi & les regles de la difcipline n'auront pas laiffé de fe conferver dans le corps de fon églife: quoique fon mauvais exemple ait pû nuire à quelques particuliers.

C'eft ce qui eft arrivé principalement à Rome. Dieu a permis que pendant le dixiéme fiécle ce premier fiége fût rempli de fujets indignes, par l'infamie de leur naiffance, ou par leurs vices perfonnels : mais il n'a pas permis qu'il s'y foit gliffé aucune erreur contre la faine doctrine, ni que l'indignité des perfonnes nuisit à l'autorité du fiége. Ces tems d'ailleurs fi malheureux n'ont point eu de fchifme; & ces papes fi méprifables en eux-mêmes ont été reconnus pour chefs de toute l'églife, en Orient comme en Occident & dans les provinces du Nort les plus reculées. Les archevêques leur demandoient le pallium, & on s'adreffoit à eux comme à leurs prédéceffeurs pour les tranf lations d'évêques, les érections de nouvelles églifes, les conceffions de priviléges. Sous ces indignes papes Rome ne laiffoit pas d'être le centre de l'unité catholique.

Pendant les cinq fiécles que nous repaffons Conciles, on a continué de tenir des conciles ; & même trois généraux, le fixiéme, le feptiéme & le huitiéme. Il eft vrai que les conciles provin

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ciaux n'ont plus été fi fréquens que dans les fix premiers fiécles: principalement en Occident, où la conftitution de l'état temporel n'y étoit pas favorable, tant par les incurfions des barbares, que par les guerres civiles, ou particu hieres entre les feigneurs. Mais on fe fouvenoit toûjours qu'on les devoit tenir, & on rappelloit fouvent l'ordonnance du concile de Nicée de les tenir deux fois l'an. Les papes en montroient l'exemple & en tenoient ordinairement un en Carême, & l'autre au mois de Novembre: comme nous voyons fous Leon IX. Alexandre II. & Gregoire VII. & ce dernier, tout jaloux qu'il étoit de fon autorité, ne faifoit rien fans concile.

J'ai marqué les inconvéniens des conciles nationaux, foit d'Efpagne fous les rois Goths, foit de France fous la feconde race de nos rois : mais c'étoit toûjours des conciles. Les évêques s'y trouvoient enfemble, ils s'entretenoient de leurs devoirs, ils s'inftruifoient: on y examinoit les affaires eccléfiaftiques, on y jugeoit les évêques mêmes. L'écriture & les canons étoient les regles de ces jugemens, & on les lifoit avant que d'opiner fur chaque article. Vous en avez vû une infinité d'exemples.

XXI.

Ecoles &

docteurs.

Quoique les fçavans fuffent rares & les études imparfaites, elles avoient cette avantage que l'objet en étoit bon: on étudioit les dogmes de fucceffion de la religion dans l'écriture & dans les peres, & la difcipline dans les canons. Il y avoit peu de curiofité & d'invention, mais une haute eftime des anciens: on fe bornoit à les étudier', les copier, les compiler, les abreger. C'eft ce que l'on voit dans les écrits de Bede, de Raban & des autres théologiens du moyen âge : ce ne font que des recueils des peres des fix premiers fiécles, & c'étoit le moyen le plus für pour conferver la tradition,

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La maniere d'enseigner étoit encore la même des premiers tems. Les écoles étoient dans les églifes cathédrales, ou dans les monafte res: c'étoit l'évêque même qui enseignoit, ou fous fes ordres quelque clerc, ou quelque moine diftingué par fa doctrine; & les difciples en apprenant la fcience eccléfiaftique fe formoient en même-tems fous les yeux de l'évêque aux bonnes mœurs & aux fonctions de leur miniftere. Les principales écoles étoient d'ordinaire dans les métropoles: mais il fe trouvoit fouvent de plus habiles maîtres dans les églifes particulieres, & alors il étoit permis de les fuivre. Or j'eftime important pour la preuve de la tradition, de marquer comment les étu¬ des ont paffe fucceffivement d'un pays à l'autre, & quelles ont été en chaque tems les écoles les plus célébres en Occident. Jufques au tems de faint Gregoire je n'en voi point de plus illuftre que celle de Rome: mais elle tomba dès le même fiécle, comme nous avons vû par l'aveu fincére du pape Agathon. Cependant le moine faint Augustin & les autres, que faint Gre¬ goire avoit envoyez planter la foi en Angleterre, y formerent une école, qui conferva des études tandis qu'elles s'affoibliffoient dans le refte de l'Europe: en Italie par les ravages des Lombards, en Espagne par l'invafion des Sarafins, en France par les guerres civiles. De cette école d'Angleterre; fortit faint Boniface l'apôtre de l'Allemagne, fondateur de l'école Hift. liv. de Mayence & de l'abbaye de Fulde, qui étoit XIV. . 18. le féminaire de cette églife. L'Angleterre donHift. Hv. na enfuite à la France le fçavant Alcuin, qui LIV. ". 44 dans fon école de Tours forma ces illuftresd if

ciples dont j'ai marqué dans l'histoire les noms, les écrits & les fucceffeurs. Delà vint l'école du palais de Charlemagne, très - célébre encore

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