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fous Charles le chauve : celles de faint Germain de Paris, de faint Germain d'Auxerre, de Corbie: celle de Reims fous Hincmar & fes fucceffeurs, celle de Lion dans le même tems. Les Normans défolerent enfuite toutes les provinces maritimes de France, & les études fe conferverent dans les églifes & les monafteres les plus reculez vers la Meufe, le Rhin, le Danube & au-delà : dans la Saxe & le fonds de l'Allemagne, où les études fleurirent fous le regne des Ottons. En France l'école de Reims fe foûtenoit, comme on voit par Frodoard & Gerbert, & j'efpere en montrer un jour la fuite jufques au commencement de l'Univerfité de Paris.

XXII.

La plupart des écoles étoient dans les mo→ nafteres, & les cathédrales mêmes étoient fer- Monafleres; vies par des moines en certains pais, comme

en Angleterre & en Allemagne. Les chanoi- Hift. liv. nes, dont l'inftitution commença au milieu du XL111, n. huitiéme fiécle par la regle de faint Chrode- 37. gang, menoient prefque la vie monaftique, leurs maifons s'appelloient auffi monafteres. Or je compte les monafteres entre les principaux moyens dont la providence s'eft fervie, pour conferver la religion dans les tems les plus miférables. C'étoit des afiles pour la doctrine & la pieté, tandis que l'ignorance, le vice, la barbarie inondoient le reste du monde.

On y fuivoit l'ancienne tradition, foit pour la célébration des divins offices, foit pour la pratique des vertus chrétiennes : dont les jeunes voyoient les exemples vivants dans les anciens. On y gardoit des livres de plufieurs fiécles & on en écrivoit de nouveaux exemplaires, c'étoit une des occupations des moines ; & il ne nous refteroit guere de livres fans les bibliotheques des monafteres.

Le lecteur fenfe ne peut être trop fur fes gardes contré les préventions des proteftans & des catholiques libertins, au fujet de la profeffion monaftique. Il femble chez ces fortes de gens, que le nom de moine foit un titre pour méprifer ceux qui le portent, & un reproche fuffifant contre leurs bonnes qualitez. Ainfi chez les anciens payens le nom de Chrétiens décrioit touTertul. apo- tes les vertus. C'eft un honnête-homme, difoitlag. c. 3. on, c'eft dommage qu'il eft Chrétien. On se fait une idée générale d'un moine, comme d'un homme ignorant, crédule, fuperftitieux, intéreffé, hypocrite; & fur cette fauffe idée on ju ge hardiment des plus grands hommes, on dédaigne de lire leurs vies & leurs écrits, on interprete malignement leurs plus belles actions. S. Gregoire étoit un grand pape, mais c'étoit un moine: les premiers qu'il envoya prêcher la foy aux Anglois étoient des hommes apoftoliques, c'eft dommage qu'ils fuffent moines. Vous qui avez vû dans cette hiftoire leur conduite & leur do&rine, jugez par vous-mêmes de l'opinion que vous en devez avoir. Souvenez-vous que faint Bafile & faint Jean Chryfoftôme ont loué & pratiqué la vie monastique, & voyez fi c'étoit des efprits foibles.

Je fçai, que dans tous les tems il y a eu de mauvais moines, comme de mauvais Chrétiens : c'est le défaut de l'humanité & non de la profeffion; auffi de tems en tems Dieu a fufcité de grands hommes pour relever l'état monaftique, comme dans le neuvième fiécle Hift. liv. faint Benoift d'Aniane, & dans le dixième les .V. 7. 37. premiers abbez de Clugny. C'eft de cette fainte congrégation que font forties les plus grandes lumieres de l'églife pendant deux cents ans : c'êtoit là que fleuriffoient la pieté & les études. Que fi elles n'étoient pas telles que 500. ans

auparavant fi ces bons moines ne parloient pas latin comme faint Cyprien & faint Jerô me: s'ils ne raifonnoient pas auffi jufte que S. Auguftin, ce n'eft pas parce qu'ils étoient moines, c'eft parce qu'ils vivoient au dixiéme fiècle. Mais trouvez d'autres hommes plus habiles du même tems. J'avoue toutefois, que les moines les plus parfaits de ces derniers tems l'étoient moins que les premiers moines d'Egypte & de Palestine ; & j'en trouve deux caufes, la richeffe & les études. Les premiers n'étoient pas feulement pauvres en particulier, mais en commun: ils habitoient, non pas des forêts que l'on peut défricher, mais des déferts dè fables arides, où ils bâtiffoient eux-mêmes de pauvres cabanes, & vivoient du travail de leurs mains : c'eft-à-dire, des nattes & des paniers qu'ils portoient vendre aux prochaines habitations. Voyez ce que j'en ai dit en fon lieu fur le rapport de Caffien & des autres. Ainfi Hift. i). ils avoient trouvé le fecret d'éviter les incon- XX. ^2. §. véniens de la richeffe & de la mendicité, de ne dépendre de perfonne & ne demander rien à perfonne.

Nos moines de Clugny étoient pauvres en particulier, mais riches en commun : ils avoient comme tous les moines depuis plufieurs fiécles, non-feulement des terres & des beftiaux, mais des vaffaux & des ferfs. Le prétexte du bien de la communauté eft une des plus fubtiles illufions de l'amour propre. Si faint Odon & faint Mayeul euffent refufé une partie des grands biens qu'on leur offroit, l'églife en eût été plus édifiée & leurs fucceffeurs euffent gardé plus long-tems la regularité. S. Nil de Čalabre eft de tous ceux de ce tems-là celui qui me Hift. liv. femble avoir mieux compris l'importance de la LVI. pauvreté monaftique. En effet les grands reve- 51.

22.

nus engagent à de grands foins, & attirent des differends avec les voisins: qui obligent à folliciter des juges & à chercher la protection des puiffances, fouvent jufques à user de complaifance & de flaterie. Les feperieurs & les procureurs qui travaillent fous leurs ordres font plus chargez d'affaires que de fimples peres de famille, on doit faire part à la communauté des affaires, au moins les plus importantes; ainfi plufieurs retombent dans les embarras du fiéele, aufquels ils avoient renoncé : fur-tout les fupérieurs, qui devoient être les plus intérieurs & les plus fpirituels de tous.

D'ailleurs les grandes richeffes attirent la tentation des grandes dépenfes. Il faut bâtir une églife magnifique, l'orner & la meubler richement; Dieu en fera plus honoré : il faut bâtir les lieux réguliers, donner aux moines toutes les commoditez pour l'exactitude de l'obfervance, & ces bâtimens doivent être spaeieux & folides, pour une communauté nombreufe & perpétuelle. Cependant l'humilité en fouffre, il eft naturel que tout cet extérieur groffiffe l'idée que chaque moine fe forme de foi-même ; & un jeune homme, qui fe voit tout d'un coup fuperbement logé, qui fçait qu'il a part à un revenu immenfe, & qui voit au deffous de lui plufieurs autres hommes, eft bien tenté de fe croire plus grand, que quand il étoit dans le monde fimple particulier & peutChr. Caff. être de baffe naiffance. Quand je me représente l'abbé Didier occupé pendant cinq ans à bâtir fomptueufement l'église du mont Caffin, faifant venir pour l'orner des colomnes & des marbres de Rome & des ouvriers de C. P. & que d'un autre côté je me représente faint Pacôme fous fes cabanes de rofeaux, tout occupé de prier & de former l'intérieur de fes moi

lib. II. C. 26.28.

nes; il me femble que ce dernier alloit plus droit au but, & que Dieu étoit plus honoré chez lui.

Les études firent encore une grande difference entre ces anciens moines & les modernes. Les anciens n'étudioient uniquement que la morale chrétienne, par la méditation continuelle de l'écriture & la pratique de toutes lesvertus. Du refte c'étoit de fimples laïques, dont plufieurs ne fçavoient pas lire. Nos moines d'Occident étoient clercs pour la plupart dès le feptiéme fiécle, & par conféquent lettrez ; & l'ignorance des laïques obligeoit les clercs à embraffer toutes fortes d'études. Les premiers abbez de Clugny furent des plus fçavans hommes de leur tems; & leur fçavoir les faifoit rechercher par les évêques & les papes, & même par les princes: tout le monde les confultoit, & ils ne pouvoient fe difpenfer de prendre part aux plus grandes affaires de l'églife & de l'état. L'ordre en profitoit, les biens augmentoient, les monafteres fe multiplioient: mais la régularité en fouffroit; & des abbez fi occupez au dehors, ne pouvoient avoir la même application pour le dedans, que faint Antoine & faint Pacôme qui n'avoient point d'autres affaires & ne quittoient jamais leurs folitudes.

D'ailleurs l'étude nuifoit au travail des mains, pour lequel on ne trouvoit plus de tems: principalement depuis que les moines eurent ajoûté au grand office ceux de la Vierge & des morts Confuet. & un grand nombre de pfeaumes au-delà. Or Clun. 1. 1. le travail eft plus propre que l'étude à confer- c. 2. 3. 30. ver l'humilité ; & quand on retranche la plus

grande partie des fept heures de travail ordon- Reg. c. 48. nées par la regle de faint Benoît, ce n'eft plus Hift. liv. proprement la pratiqner: c'est peut-être une XXXII.2.15. bonne obfervance, mais non pas la même.

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