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ftile.

IV.

autres abfolument pour leur faire place; & c'eft principalement le défaut de cette obfervation, qui rend tant d'histoires feches & ennuieufes.

On croit y remédier par l'élégance du ftile, Qualité du par les fentences & les réflexions ingénieufes. Souvent les ignorans y font pris, & ne laiffent pas d'admirer & de louer une hiftoire qui les ennuie, & dont ils ne retiennent rien.Les gens sensez ne se payent ni d'épithetes,ni de grandes phrafes, ni de jeux d'efprit, ni de fentences, ni en un mot de tout ce qui n'eft que de l'auteur: ils cherchent des faits folides, fur lesquels ils puffent eux-mêmes porter leur jugement.Pour peu que l'auteur foit judicieux, il doit penfer que plufieurs de fes lecteurs le feront plus que -lui,il ne doit pas les prévenir,ni leur ôter le plaifir de faire leurs réflexions: fon devoir eft feulement de leur en fournir la matiere.D'ailleurs s'il fe donne la liberté de juger des perfonnes & des actions,ou feulement de les qualifier par des épithétes; il témoigne de la paffion, il prend parti & fe rend fufpect. Le plus sûr eft donc de s'en tenir à la fimple narration,& ne faire depuis le commencement de l'ouvrage jufqu'à la fin, que raconter des faits fans préambules, fans tranfitions affectées, fans réflexions, enforte que le lecteur ne foit occupé que des chofes qu'il apprend,comme fi elles fe paffoient réellement devant les yeux; & qu'il n'ait pas le loifir de penfer fi elles font bien ou mal écrites, fi elles font écrites, s'il a un livre entre les mains, s'il y a un auteur au monde. C'eft ainfi qu'Homere écrivoit ; & c'est ainfi, pour nous propofer un modéle plus digne, qu'écrivoient Moife, Samuel & les autres hiftoriens facrez.Quiconque fçait les goûter, trouve qu'ils ont atteint la perfection de l'hiftoire par le choix judicieux des faits, la clarté de la narration, la vivacité des

peintures, & la fimplicité du ftile qui leur at

tire la créance.

pas en

S'il faut retrancher les réflexions,à plus forte raifon les differtations & les difcuffions de critique. Après qu'un bâtiment eft achevé on ôte les échaffauts, les machines, & enfin les cintres des voûtes. Ce n'eft pas que tous ces fecours n'ayent été néceffaires pour le bâtiment, & qu'on ait pû les employer fans beaucoup d'induftrie & de dépenfe: mais ils ne feroient plus qu'embarraffer & défigurer l'ouvrage. Ainfi T'hiftorien doit examiner avec tout le foin poffible les faits qui méritent d'entrer dans fon hiftoire, n'y rien mettre & n'en rien rejetter que pour des bonnes raifons. Mais il ne doit rendre compte au public, par des digreffrons fréquentes & incommodes au lecteur, qui ne cherche que des faits. Surtout quand par l'examen on trouve que des faits sont faux ou inutiles, j'eftime que la critique ne doit aboutir qu'à les paffer fous filence: & rien ne me paroît plus fatiguant dans une hiftoire, qu'une longue differtation qui fe termine à ne m'aprendre rien. Çar encore qu'il foit vrai que les autres fe font trompez, je ne compte pas pour connoiffance, utile par rapport à l'hiftoire cette connoiffance de leurs erreurs: je m'attache au fonds & aux faits qu'il faut croire ou rejetter. L'auteur doit donc prendre fur lui toute la peine,pour procu-, rer au lecteur le plaifir d'apprendre facilement des faits utiles. Il eft vrai qu'en fuivant cette méthode, la plus grande partie du travail de l'auteur demeurera cachée: mais il lui importe peu s'il eft raisonnable, & moins encore s'il est Chrétien, & s'il n'attend fa récompense que de celui qui voit dans le fecret.

V.

Regles de

Dans l'examen des faits je vois deux excès à éviter, l'un de crédulité, l'autre de critique, critique.

Or ce n'eft pas feulement la fimplicité qui rend trop crédules: il y a des gens qui le font par politique & par mauvais rafinement. Ils croyent le peuple incapable ou indigne de connoître la vérité; & regardent comme néceffaire de l'entretenir dans toutes les opinions qu'il a reçuës fous le nom de religion, craignant d'ébranler le folide en attaquant le frivole. Dans le fonds ces politiques fuperbes font eux-mêmes trèsignorans faute de connoître la religion, ils ne la prennent point férieufement, & n'y font attachez que par les préjugez de l'enfance & par des intérêts temporels. Ils n'ont jamais examiné les preuves folides de l'évangile, ni goûté l'excellence de fa morale & l'efpérance des biens éternels. C'eft pourquoi ils n'ofent apprcfondir, ils craignent de cornoître l'antiquité, fçachant bien qu'elle ne leur eft pas favorable: ils veulent croire que l'on a toujours vécu comme aujourd'hui, parce qu'ils ne veulent pas changer de mœurs comme s'il pouvoit jamais être utile de fe tromper: ou fi la vérité pouvoit devenir fauffe, à force d'être examinée. Graces à Dieu la religion Chrétienne a été mise à toute épreuve ; & elle ne craint que de n'être pas connue.

L'autre efpéce de gens trop crédules font des Chrétiens fincéres, mais foibles & fcrupuleux, qui refpectent jufqu'à l'ombre de la religion, & craignent toujours de ne croire pas affez. Quelques-uns manquent de lumiere,d'autres fe bouchent les yeux & n'ofent fe fervir de leur efprit: ils mettent une partie de la piété à croire tout ce qu'ont écrit des auteurs catholiques, & tout ce que croit le peuple le plus ignorant.Pour moi j'eftime que la vraie piété confiste à aimer la vérité & la pureté de la religion, & à obferver avant toutes chofes les préceptes marquez ex

IV. C. 2.

preffément dans l'écriture. Or je vois que S.Paul 1. Tim.111, recommande plufieurs fois à Tite & à Timo- Tim. thée d'éviter les fables; & qu'entre les défordres

IV. 4.

des derniers tems,il prédit que l'on fe détournera Tit. 1. 14, de la vérité pour s'appliquer à des fables: je vois 2. Pet. 1, que les doctes fables ne font pas moins rejettées 16. par S. Pierre, que les contes de vieilles par S. Paul; & comme il condamne les fables Judaïques, je crois qu'il auroit condamné les fables chrétiennes, s'il y en eût eu dès-lors. Que diront à cela ceux que la timidité rend fi crédules? n'auront-ils point de fcrupule de méprifer une telle autorité? Diront-ils que jamais il n'y a eu de fables chez les Chrétiens? il faudroit démentir toute l'antiquité,& quand nous n'aurions que la légende dorée de Jacques de Voragine, elle n'eft que trop fuffifante. La donation de Conftantin n'eft pas crûe méme à Rome : la papeffe Jeanne crue autrefois par les catholiques eft abandonnée & réfutée par les Proteftans. Baronius, fans doute bon catholique, a rejetté quantité d'écrits apocryphes & de fables avancées par Métaphrafte & par plufieurs autres.

La critique eft donc néceffaire: fans manquer de refpect pour les traditions,on peut examiner celles qui font dignes de créance:on le doit même,fous peine de manquer de refpe&taux vraies, en y en mélant des faufes. Sans douter de la toute-puiffance de Dieu,on peut & on doit examiner files miracles font bien prouvez,pour ne pas porter faux témoignage contre lui,en lui en attribuant qu'il n'a pas faits. Tous ces faits particuliers ne font rien à la religion.Que S.Jacques ne foit jamais venu en Espagne,'ni fainte Madeleine en Provence: que nous ignorions l'hiftoire de S. Grégoire & de fainte Marguerite: l'évangile en fera-t'il moins vrai? Serons-nous moins obligez à croire la trinité & l'incarnation;

à porter notre croix,à renoncer à nous-mêmes, ̄ & à mettre toute notre espérance dans le ciel ? Les traditions univerfellement reçues,touchant les dogmes de la foi, l'administration des facremens & les pratiques de piété ne peuvent être trop refpectées : la plupart même se trouvent marquées dans les écrits des premiers fiécles. Mais ce refpect ne doit pas être étendu à tous les faits, que l'ignorance ou la malice, abufant de la crédulité des peuples, a introduit depuis fept ou huit cens ans. Car les fables fe découvrent tôt ou tard ; & alors elles donnent occafion de fe défier de tout, & de combattre les véritez les mieux établies. C'eft un des prétextes les plus fpécieux des Proteftans, pour calomnier l'églife catholique. Ils ont perfuadé aux peuples que nous avions oublié J. C. pour n'adorer que les faints: que notre religion étoit réduite à des cérémonies extérieures, le culte des images, les pélerinages, les confrairies,que nous avions fupprimé l'écriture, pour substituer à fa place des légendes fabuleufes.

Sur ce fondement ils ont donné dans l'ex-~ trémité oppofée, ils ont outré la critique, jufques à ne laiffer rien de certain; & la mauvaise émulation de paroître fçavans, a entraîné quelques catholiques dans cet excès. Il y en a qui n'ofent croire ni miracles, ni vifions,de peur de paroître trop fimples; & fi j'avois voulu fuivre les avis qui m'ont été donnez, j'en aurois fupprimé plufieurs. Mais j'ai trouvé des efprits plus élevez, & au-deffus des efprits forts, qui m'ont raffuré. Ils m'ont repréfenté qu'il n'y a plus de religion, fi nous ne lui donnons pour fondement la créance des faits furnaturels ; & que ces preuves fenfibles de la puiffance divine ont converti le monde idolâtre, bien plus que les raifonnemens & les difputes. Un véritable Chrétien

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