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principalement fur les mœurs : y joindre l'étude de la géographie & de la chronologie: voilà les fondemens de la critique. Je conviens que c'eft un long & pénible travail : mais il eft néceffaire pour s'affurer de la vérité des faits; on ne la trouvera jamais par le feul raisonnement, & cependant de ces faits dépend fouvent la conduite de la vie. Vous venez de voir en quels inconveniens on eft tombé pour avoir cru en des pieces fauffes. On s'eft accoûtumé de plus à recevoir fans choix toutes fortes de narrations faute de principes pour les diftinguer, & de-là font venues tant de legendes fabuleuses, tant de faux miracles, tant de vifions & de relations frivoles, comme nous voyons entr'autres dans les dialogues du moine Cefaire.

Les maximes rapportées par Gratien tou- Hift. livre chant l'immunité des cleres, font le fonde- LXXV. n. ment de la réponse que le pape Innocent III. 14. Gest. fit à l'empereur de C. P. au commencement de Inn. n. 63. c. folitat. 6. fon pontificat, & dont est tirée une décretale de majorit. celebre. En cette lettre le pape donne des ex- &c. plications forcées au paffage de S. Pierre alle- 1. Pet. 11. gué par l'empereur, pour montrer que tous 13. les Chrétiens fans exception doivent être foûmis à la puiffance temporelle. L'apôtre, dit-il, parloit ainfi pour exciter les fideles à l'humilité: le roi eft fouverain, mais feulement de ceux qui reçoivent de lui les chofes temporelles, c'eft-à-dire des laïques, comme fi l'églife n'avoit pas auffi reçû fon temporel de la puiffance féculiere. Le pape continue, que le prince n'a pas reçû fa puiffance du glaive fur tous les méchans; mais feulement fur ceux qui ufant du glaive font foumis à fa jurifdiction. Par où il entend encore les feuls laïques: pour procurer aux clercs criminels l'exemption des peines temporelles, c'eft-à dire l'impunité. I

VIII.

ajoûte que perfonne ne doit juger le ferviteur d'autrui: fuppofant que les clercs ne font pas ferviteurs du prince. Enfin il rapporte l'allegorie des deux grands luminaires que Dieu a placé dans le ciel, pour fignifier, dit-il les deux grandes dignitez, la pontificale & la royale. Comme fi dans une difpute férieuse il étoit permis d'avancer pour principe une allégorie arbitraire, que l'on n'a qu'à nier pour la réfuter. C'eft ainfi que l'on éludoit les autoritez de l'écriture les plus formelles, pour foûtenir les préjugez tirez des fauffes décretales.

Or le pape Innocent III. ne pouvoit s'aMoins de dreffer plus mal qu'à un empereur Grec pour ehangemens débiter ces maximes inconnues à l'antiquité. on Orient. Les princes Latins ignorans pour la plupart jufques à ne fçavoir pas lire, croyoient fur ces matieres tout ce que leur difoient les clercs dont ils prenoient confeil; & ces clercs avoient tous étudié aux mêmes écoles & puifé dans la même fource, qui étoit le décret de Gratien.. Chez les Grecs tous les honnêtes gens étudioient, les laïques comme les clercs, & ils s'inftruifoient dans les livres originaux, l'écriture, les peres, les anciens canons: mais ils ne connoiffoient point les fauffes décretales fabriquées en Occident & écrites en Latin. Auffi avoient-ils confervé l'ancienne discipline fur tous les points que j'ai marquez. Vous avez vû que tous leurs évêques & les patriarches même étoient jugez & fouvent dépofez dans des conciles qu'on ne demandoit point au pape la permiffion de les affembler, & qu'on n'appelloit point à lui de leurs jugemens. On ne s'adreffoit point à lui pour les translations d'évêques ni les érections d'évêchez: on fuivoit les canons compris dans l'ancien code de l'églife Grecque. Je ne dis pas

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que cette églife fût exemte d'abus: j'en ai marqué plufieurs en diverfes occafions; & je fçai que les patriarches de C. P. s'étoient attribué une autorité exceffive par la faveur des empereurs, qui avoient même beaucoup empieté fur la puiffance eccléfiaftique: mais enfin on gardoit toûjours à l'extérieur les anciennes formalitez, on connoiffoit & on refpe&oit

es canons.

`ner que

Vous direz peut-être, il ne faut pas s'étonles Grecs ne s'adreffaffent pas au pape, foit pour les appellations, foit pour le refte, puifque dès-le tems de Photius, ils ne le reconnoiffoient plus pour chef de l'églife. Mais s'y adreffoient-ils auparavant? Et dans le tems où ils étoient le plus unis avec l'église Romaine, obfervoient-ils rien de ce que j'appelle nouvelle difcipline? ils n'avoient garde de le faire, puifque les Latins même ne le faifoient pas : & que cette difcipline étoit encore inconnue à toute l'églife. Au refte ne vous y trompez pas, le fchifme des Grecs n'eft pas fi ancien que l'on croit communément: je le montrerai dans un autre discours, mais en attendant je vous avertis qu'il n'a guere été formé avant la prife de C. P. par les Latins. D'ailleurs je ne vois point que dans les difputes que nous avons eu avec les Grecs depuis le tems de Leon IX. & de Michel Cerularius, nous leur ayons reproché qu'ils tenoient des conciles fans la permiffion du pape & le refte des articles dont il s'agit; & je ne vois point non plus que Gregoire VII. & fes fucceffeurs ayent cité à Rome des évêques Grecs & les ayent traitez comme ils traitoient les Latins : ils fçavoient bien qu'ils n'auroient pas obéi.

IX,

Puiffance temporelle

Leon IX, & les papes qui entreprirent de réparer les ruines du dixième fiécle & de re- de l'églife,

mettre l'églife Romaine dans fon luftre : voulurent auffi rétablir fa puiffance temporelle qu'ils fondoient premierement fur la donation de Conftantin, puis fur celles de Pepin, de Charlemagne, de Louis le debonnaire & d'Otton. Tout le monde fçait aujourd'hui ce que c'eft que la donation de Conftantin ; & fa fauffeté eft plus univerfellement reconnue que Hift. livre celles des décretales d'Ifidore: mais du tems de ces papes la vérité de cette piece n'étoit pas revoquée en doute, S. Bernard la fuppofoit n. so. part. quand il difoit au pape Eugene qu'il n'étoit pas 16. p. 385. feulement fucceffeur de faint Pierre mais de Hift. livre Conftantin: elle étoit connue & reçûe dès le IV. Confid. neuviéme fiécle; & à peine a-t-on commencé à s'en défabufer vers le milieu du quinziéme. Les Grecs mêmes la recevoient, comme il paroît dans Théodore Balfamon, qui la rapporte toute entiere, & prétend y fonder les prérogatives du fiége de C. P.

ŁI.”. 14.
Liv. 74.

XXXIV. n. 2.

6. 2,

Godefroi de Viterbe dans fon abregé d'hiftoire dédié au pape Urbain III. parlant de la donation de Conftantin, dit que plufieurs eftimoient que l'églife avoit été plus fainte pendant les trois premiers fiécles, mais que depuis elle étoit plus heureufe. Qui que ce foit qui ait avancé cette belle fentence, il avoit des fentimens bien bas & bien au-deffous non feulement de l'évangile, mais de la philofophie humaine. Quiconque penfe tant foit peu au-deffus du vulgaire, voit aifément que le vrai bonheur de cette vie eft dans la vertu & non pas dans les richeffes: mais à qui croit l'évangile, il n'eft pas permis d'en douter. Jefus-Chrift s'en eft expliqué affez clairement par fon exemple & par fes difcours : puifqu'étant maître de toutes les richeffes & de toutes les grandeurs humaines il les a fouveraine→

ment méprisées ; & n'a laiffé pour tout partage en ce monde à fes difciples que la pauvreté & les fouffrances. Or j'en reviens toûjours à cette queftion: fi l'on a découvert dans l'onzième fiécle une fageffe inconnue auparavant, & fi Leon IX. & Gregoire VII. étoient plus éclai rez que S. Leon & S. Gregoire.

Ces grands papes n'avoient pas encore affez bien fouillé dans leurs archives pour y trouver la donation de Conftantin : ils n'étoient ni princes fouverains, ni feigneurs temporels, & toutefois ils ne fe plaignoient pas que rien manquât à leur pouvoir, & n'avoient pas du tems de reste après leurs occupations fpirituelles. Ils étoient perfuadez de la distinction des deux puiffances que le pape Gelafe a fi bien exprimées quand il dit que les empereurs mêmes font foumis aux évêques dans l'ordre de la religion; & que dans l'ordre politique les évêques, même celui du premier fiége, obéiffent aux loix des empereurs.

Ce n'eft pas qu'il ne foit permis aux eccléfiaftiques comme aux laïques, de poffeder toutes fortes de biens temporels. Vous avez vu que dès les premiers tems, même fous les empereurs payens, les églifes avoient des immeubles & que les évêques avoient en propriété toutes fortes de biens, même des efclaves. D'où il s'enfuit qu'ils ont pû auffi poffeder des feigneuries: depuis que par la foibleffe des fouverains & par la mauvaise politique, les juftices font devenues patrimoniales, & la puiffance publique laiffée en propriété à des particuliers. Car fous l'empire Romain on ne connoiffoit rien de femblable, & perfonne n'étoit feigneur que le fouverain; mais depuis que les feigneuries ont été attachées à certaines ter res, en donnant ces terres à l'église on leur a

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