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tendant de ces richeffes & de ces honneurs, dont ils prétendent se fervir pour gagner des

ames.

Revenons aux évêques, & concluons, que ce n'eft qu'ignorance & groffiereté qui leur a fait croire que les feigneuries unies à leurs fiéges étoient utiles pour foûtenir la religion. Je ne vois que l'églife Romaine où l'on peut trouver une raifon finguliere d'unir les deux puif fances. Tant que l'empire Romain a fubfifté, il renfermoit dans fa vafte étendue prefque toute la Chrétienté: mais depuis que l'Europe eft divifée entre plufieurs princes indépendans les uns des autres, fi le pape eût été fujet de l'un d'eux, il eût été à craindre que les autres n'euffent eû peine à le reconnoître les fchifmes n'eufpour pere commun & que fent été fréquens. On peut donc croire que c'est par un effet particulier de la providence, que le pape s'eft trouvé indépendant & maître d'un état affez puiffant pour n'être pas aifement opprimé par les autres fouverains, afin qu'il fût plus libre dans l'éxercice de fa puiffance fpirituelle & qu'il pût contenir plus facilement tous les autres évêques dans leur devoir. C'étoit la pensée d'un grand évêque de notre

tems.

Mais en général, fi l'union des deux puiffances étoit utile à la religion, ce devroit être pour établir & maintenir les bonnes mœurs qui font le fruit de la doctrine chrétienne. Car J. C. n'eft pas venu feulement nous enseigner des véritez fpéculatives: il eft venu comme dit S. Paul, fe purifier un peuple qui lui fût agréable & appliqué aux bonnes œuvres. Si c'eft le but de la vraye politique & le premier devoir des princes chrétiens, à plus forte raison, c'eft celui des eccléfiaftiques dont la profeffion

eft de fanctifier les autres. C'eft à ceux qui ont voyagé chez les princes eccléfiaftiques à nous dire ce qui en eft: fi l'on y voit moins de vices fcandaleux, fi l'on y commet moins de crimes, s'il y a plus de fûreté fur les chemins & de fidelité dans le commerce: en un mot, fi leurs fujets fe diftinguent par la pureté de leurs mœurs de ceux des princes féculiers.

Je n'ai pas même oui dire que les états des eccléfiaftiques foient plus heureux que les autres pour le temporel. Au contraire comme ce n'eft pas la profeffion de ces princes d'être guerriers, leurs peuples font plus exposez aux infultes des ennemis du dehors. Ces états n'étant point héréditaires, les parens & les miniftres du prince ne fongent qu'à profiter du préfent, fouvent aux dépens du peuple: fans étendre leurs foins à l'utilité publique pour multiplier les habitans, cultiver les terres, favorifer l'induftrie, faciliter le commerce, faire fleurir les arts, attirer dans l'état l'abondance & les commoditez de la vie. Ces grandes vûes conviennent mieux à des républiques ou à des princes qui confiderent leur poftérité.

Nous n'avons point vû chez les Grecs d'évêques feigneurs: parce que malgré l'affoibliffement de leur empire, ils ont toujours confervé la tradition des loix Romainès & les maximes de la bonne antiquité, fuivant lefquelles toute la puiffance publique réfidoit dans le fouverain & n'étoit communiquée aux particuliers que par les magiftratures & les charges, mais ne leur étoit jamais abandonnée en propriété. Auffi les Grecs étoient-ils fort fcandalifez de voir nos évêques poffeder des seigneuries, & pour les défendre, lever des troupes, les conduire en perfonne & porter les armes. Un d'eux difoit que le pape n'étoit pas un

évêque, mais un empereur. Ce que je dis des

évêques Grecs fe doit entendre auffi des Sy- Chr. Caff. riens & des autres Orientaux, avant qu'ils IV. c. 116. fuffent fous la domination des Mufulmans: car depuis ils ont été plûtôt efclaves que feigneurs.

XI.

La puiffance fpirituelle du pape s'étant tellement étendue par les conféquences tirées des Legats, fauffes décretales, il fut obligé de commettre à d'autres fes pouvoirs; car il étoit impoffible qu'il allât partout, ni qu'il fit venir àalui tout le monde. De là vinrent les légations fi fréquentes depuis l'onziéme fiécle. Or les légats étoient de deux fortes, des évêques ou des abbez du pais, ou des cardinaux envoyez de Rome. Les légats pris fur les lieux étoient encore differents: les uns établis par commiffion particuliere du pape, les autres par la prérogative de leur fiége; & ceux-ci fe difoient légats nez, comme les archevêques de Mayence & de Cantorberi. Les légats venus de Rome fe nommoient légats à latere pour marquer que : pape les avoit envoyé d'auprès de fa perfonne, & cette expreffion étoit tirée du concile de Sardique.

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Les légats nez ne souffroient pas volontiers que le pape en commît d'autres au préjudice de leurs privileges: mais le pape avoit plus de confiance en ceux qu'il avoit choifis, qu'en des prélats qu'il connoiffoit peu ou qui ne lui convenoient pas. Or entre ceux qu'il choififfoit les plus favorables étoient ceux qu'il prenoit fur les lieux, parce qu'ils étoient plus capables de juger & d'ordonner avec connoiffance de caufe, que des étrangers venus de Ivo. cp 109. loin. Auffi avez-vous vù avec quel inftance 91. Yves de Chartres prioit les papes de ne point Hift. livre

LXVII..! I.

envoyer de ces légats étrangers; on n'en re- Roger. bocevoit point en Angleterre non plus qu'en ved p. 476.

France qui n'eût été demandé par le roi. Les évêques fouffroient avec peine de fe voir préfider par des évêques étrangers: encore moins par un prêtre ou un diacre cardinal, fous prétexte qu'il étoit légat: car jusques-là tous les évêques avoient rang avant les cardinaux qui ne l'étoient pas.

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Mais ce qui rendoit les légats à latere plus odieux c'étoit le fafte, le luxe, l'avarice. Ils ne voyageoient ni à leurs dépens, ni à ceux pape, mais du pais où ils étoient envoyez ; marchoient à grand train, c'eft-à-dire, avec une fuite au moins de vingt-cinq chevaux : car c'eft à quoi le troifiéme concile de Latran les avoit réduits. Par tout où ils paffoient, ils fe faifoient défrayer magnifiquement par les évêques & les abbez: jufques-là que les monafteres étoient quelquefois réduits à vendre les vafes facrez de leurs églifes pour fournir à de telles dépenfes. Vous en avez vû des plaintes. Ce n'eft pas tout, il falloit encore leur faire des préfens: ils en recevoient des princes à qui ils étoient adreffez & fouvent des parties aufquelles ils rendoient justice, du moins les expéditions n'étoient pas gratuites. Enfin les légations étoient des mines d'or pour les cardinaux, & ils en revenoient d'ordinaire chargez de richeffes. Vous avez vû ce qu'en dit S. Bernard v. Confid. avec quelle admiration il parle d'un légat défintéreffé.

3.4 5.

Le fruit le plus ordinaire de la légation étoit un concile, que le légat convoquoit au lieu & au tems qu'il jugeoit à propos. Il y préfidoit, il y décidoit les affaires qui se présentoient & y publioit quelques réglemens de difcipline, avec l'approbation des évêques qui le plus fouvent ne faifoient qu'applaudir: car il ne paroît pas qu'il y eût grande délibération. Ainfi

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s'abolirent infenfiblement les conciles provinciaux, que chaque métropolitain devoit tenir tous les ans fuivant les canons : la dignité des archevêques offufquée par celle de légats dégénéra en titres & en cérémonies comme d'avoir un pallium & faire porter une croix devant eux: mais ils n'eurent plus d'autorité fur leurs fuffragans, & on ne vit plus que des conciles de légats. Or pour le dire en paffant je ne doute point que les fréquentes légations n'ayent été la fource du rang diftingué, qu'ont tenu depuis les cardinaux de l'églife Romaine: car chaque églife avoit les fiens, c'est-à-dire, des prêtres & des diacres attachez à certains titres. Mais comme on voyoit dans ces conciles les cardinaux légats au-deffus, non-feulement des évêques, mais des archevêques, des primats, des patriarches: on s'accoûtuma à joindre au titre de cardinal l'idée d'une dignité qui ne cédoit qu'à celle du pape. L'habit de cérémonie des cardinaux confirme cette pensée : la chape & le chapeau étoient l'habit de voyage, qui convenoit aux légats: le rouge étoit la Georg. Acrs couleur du pape, & c'étoit pour le mieux re- pol. n. 17. préfenter que les légats le portoient selon la remarque d'un hiftorien Grec.

Voilà cependant un des plus grands changemens qu'ait fouffert la difcipline de l'églife, la ceffation des conciles provinciaux, & la diminution de l'autorité des métropolitains. Ce bel ordre fi fagement établi dès la naiffance de l'églife & fi utilement pratiqué pendant huit ou dix fiécles, devoit-il donc être renverfé fans déliberation, fans examen, fans connoiffance de caufe? Mais quelle raifon en auroit-on pû alleguer? Des légats étrangers qui ne fçavoient ni les moeurs ni la langue du pays & qui n'y fejournoient qu'en paffant,

P

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