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X.

y apprendre la morale, dont ils étoient mieux inftruits par la tradition de l'églife: mais pour convertir les payens, chez lefquels l'autorité de ce philofophe étoit d'un grand poids. Quant à nos vieux docteurs, comme ils ne citent aucun paffage de Platon, ni aucun de ses ouvrages en particulier : je crois qu'ils ne le connoiffoient que par Ariftote & par les autres anciens qui en parlent.

Jugeons maintenant de la morale de nos Moeurs des écoles par les effets, je veux dire

étudians,

1. Cont. A ead. 3.n.

8.

par

les mœurs des maîtres & des difciples. Je trouve dans les maîtres beaucoup de vanité, d'oftentation & d'attachement à leurs fentimens. Car de quelles autres fources pouvoient venir tant de queftions inutiles, de vaines fubtilitez & de diftinctions frivoles? S. Auguftin ne fouffroit pas ces défauts même à fes écoliers. Dans un de fes premiers ouvrages rapportant une difpute entre deux jeunes hommes qu'il inftruifoit, Trigetius & Licentius, il fait ainfi parler le premier: Eft-il permis de revenir à ce que l'on a accordé legerement? S. Auguftin répond: Cela n'eft pas permis entre ceux qui difputent, non pour trouver la verité, mais pour montrer leur efprit par une oftentation puerile. Pour moi, non-feulement je le permets, mais je l'ordonne. Et Licentius ajoute: Je croi qu'on n'a pas fait peu de progrès dans la philofophie, quand on préfere le plaifir de trouver la verité à celui de l'emporter dans la difpute: c'eft pourquoi je me foumets volontiers à cet ordre.

1. de Ord... En une autre occafion Trigetius ayant avan6. 10. *, 29. cé une propofition dont il avoit honte, ne vouloit pas qu'on l'écrivit. Car en ces fçavantes converfations, S. Auguftin faifoit écrire tout ce qu'on disoit de part & d'autre. Licen

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tius fe mit à rire de la confufion où il voyoit fon compagnon ; & S. Auguftin leur dit: Eftce donc ainfi qu'il faut faire? ne fentez-vous point le poids de nos pechez & les ténébres de notre ignorance ? C'étoit dans l'intervalle de fa converfion & de fon baptême. Si vous voyez, du moins avec des yeux auffi foibles que les miens, combien ce ris est insensé, vous le changeriez bien-tôt en larmes. N'augmentez pas, je vous prie, ma mifere : j'ai bien affez de mes maux, dont je demande à Dieu la guérison tous les jours, quoique je voie bien que je fuis indigne de l'obtenir fi-tôt. Si vous avez quelque amitié pour moi, fi vous comprenez combien je vous aime, & avec quelle ardeur je vous defire le même bien qu'à moi-même : accordez-moi cette grace; Si c'eft de bon cœur que vous me nommez votre maître ? payez-moi mon falaire, foyez vertueux. Ses larmes l'empêcherent d'en dire davantage. Ce n'étoit toutefois ni à des docteurs qu'il parloit ainfi, ni à des clercs: c'étoit à de jeunes écoliers qui n'étoient pas même encore baptifez. Voyez fa lettre à Diofcore, où il montre fi folideAng. et. ment combien un Chrétien doit peu fe met- 118. al. 56. tre en peine d'être eftimé fçavant, ou de fçavoir en effet les opinions des anciens philofophes.

Orat. 27.

Gregor.

Voyez les difpofitions que demande S. Gre-init. 33. 7. goire de Nazianze pour parler de théologie: 530. je ne dis pas pour l'enseigner, ou pour l'étu- Hift. liv. dier dans les formes, mais fimplement pour en XVII. n. 52. parler. Vous pouvez voir la méthode que Tham. in fuivoit Origene pour amener à la religion orig. p. 62. Chrétienne les gens de lettres & les rendre can Hift. liv. pables de l'étudier folidement. Enfin le Peda- v. n. 56. IV. gogue de S. Clement Alexandrin montre avec c. 37. quel foin on difpofoit tous les Chrétiens en

Hift. livre LXXV. n. 26.

LXXVI. n.

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39.

général à la doctrine de l'évangile ; & que l'on metttoit toujours pour fondement la converfion des mœurs.

Oferai-je après cela vous faire confiderer les mœurs de nos étudians, telles que je les ai reprefentées dans l'histoire fur le témoignage des auteurs du temps? Vous avez vû qu'ils étoient tous les jours aux mains, & entre eux, & avec les bourgeois que leurs premiers priviléges étoient pour interdire aux juges féculiers la connoiffance de leurs crimes: que le pape fut LXXVIII. n. obligé d'accorder à l'abbé de S. Victor la faculté de les abfoudre de l'excommunication proLXXIX. 7. noncée par les canons contre ceux qui frapent les clercs: que leurs querelles commençoient ordinairement au cabaret à l'occafion du vin & de la débauche, & s'étendoient jufques aux meurtres & aux dernieres violences. Enfin vous voyez l'affreuse peinture qu'en fait Jacques de Hift. Eccl. Vitri témoin oculaire. Cependant tous ces étudians étoient clercs, & destinez à fervir ou à Hift. Eecl. liv. LXXXVI, gouverner les églifes.

47.

8.7.

2,00

Je vois bien que la conftitution des univerfitez contribuoit à ces défordres : car encore qu'elle eût fes avantages, comme j'ai marqué d'abord, elle avoit auffi fes inconvéniens. Il étoit difficile de contenir par une exacte discipline cette multitude de jeunes gens dans l'âge le plus bouillant, car ce n'étoit pas des enfans qui étudioient. Ils étoient raffemblez de divers pays, & déja divifez par la diverfité des nations, des langues, des inclinations : loin de leurs parens, de leurs évêques, de leurs feigneurs. Ils n'avoient pas le même refpect pour des maîtres étrangers à qui ils payoient un falaire, & qui fouvent étoient de baffe naiffance. Enfin les maîtres mémes étoient divifez, & par la diverfité de leurs opinions, &

par la jaloufie de ceux qui étoient moins fuivis contre ceux qui l'étoient plus ; & ces divifions paffoient aux difciples. Vous en avez vû un exemple bien fenfible dans la fameuse querelle entre les religieux mendians & les docteurs féculiers, à la tête defquels étoit GuilHift. liv. laume de S. Amour. Combien de chicane & LXXXIV. n. de mauvaise foi dans le procedé de ces doc- 14. combien de calomnies contre leurs adverfaires? Mais les religieux de leur côté n'auroient-ils point mieux fait de fe contenter d'être doctes, fans être fi jaloux du titre de docteurs, & de fe moins prévaloir de leur crédit à la cour de Rome & à celle de France?

teurs,

Un autre inconvénient des univerfitez, eft que les maîtres & les écoliers n'étoient occupez que de leurs études : ils étoient tous clercs & plufieurs bénéficiers, mais hors de leurs églifes, fans fonctions & fans exercice de leurs ordres. Ainfi ils n'apprenoient point tout ce qui dépend de la pratique : la maniere d'inftruire, l'administration des facremens la conduite des ames; comme ils auroient pû l'apprendre chez eux en voyant travailler les évêques & les prêtres, & fervant fous leurs ordres. Les docteurs des univerfitez étoient purement docteurs, uniquement appliquez à la théorie, ce qui leur donnoit tant de loifir d'écrire & de traiter fi au long des queftions inutiles ; & tant d'occafions d'émulation & de querelles, en voulant rafiner les uns fur les autres. Dans les premiers fiécles les docteurs étoient des évêques accablez d'occupations plus férieuses. Voyez la lettre de faint Auguftin à Diofcore que j'ai déja citée.

XI.

Théologie

Paffons aux études fupérieures, & commençons par la théologie. On enseignoit toujouts pofitive,

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la même doctrine quant au fonds, car JefasChrift n'a jamais ceffé d'affifter fon églife fuivant fa promeffe: mais il fe mêloit de l'imperfection dans la maniere de l'enfeigner. On convenoit que le fondement de la théologie eft l'écriture entendue fuivant la tradition de l'égli fe, mais on s'attachoit plus au fens fpirituel qu'au litteral: foit par le mauvais goût du tems, qui faifoit méprifer tout ce qui étoit fimple & naturel, foit par la difficulté d'entendre la lettre de l'écriture: faute de fçavoir les langues originales, je veux dire le grec & l'hébreu, & de connoître l'hiftoire & les mœurs de cette antiquité fi reculée. C'étoit plûtôt fait de donner des fens mysterieux à ce que l'on n'entendoit pas; & cette maniere d'expliquer l'Ecriture étoit plus au goût de nos docteurs accoutumez à fubtilifer fur tout.

Je fçai que les fens figurez ont été de tout temps reçus dans l'églife: nous les voyons dans les peres des premiers fiécles, comme faint Juftin & S. Clement Alexandrin. Nous en voyons dans l'écriture même : comme l'allégorie des deux alliances fignifiées par les deux femmes d'Abraham : mais puifque nous fçaGul. iv. vons que l'épitre de S. Paul aux Galates n'eft

pas moins écrite par infpiration divine que le livre de la Genefe, nous fommes également affurez de l'hiftoire & de fon application ; & cette application eft le fens litteral du paffage de S. Paul. Il n'en eft pas de même des fens figurez que nous lifons dans Origene, dans faint Ambroife, dans faint Augustin ; nous pouvons les regarder comme les pensées particulieres de ces docteurs, à moins que nous ne les trouvions autorifez par une tradition plus ancienne ; & nous ne devons fuivre ces explications, qu'en tant qu'elles contiennent des vé

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