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ritez conformes à celles que nous trouvons ailleurs dans l'écriture prife en fon fens litteral. Car c'eft à ce fens qu'il en faut toujours revenir pour fonder un dogme, c'eft le feul qui puiffe fervir de preuve dans la difpute.

De tous les peres latins je n'en vois point qui ait tant donné dans les fens figurez, que faint Gregoire, qui a toujours été compté avec juftice entre les principaux docteurs de l'églife, particulierement en Angleterre, dont il étoit comme l'Apôtre. Or l'Angleterre a fourni des docteurs à l'Allemagne & à la France pendant le huitiéme & le neuvième siècle. D'où il peut être arrivé que le goût des allégories ait paffé dans nos écoles avec le refpect pour faint Gregoire & la lecture affidue de fes ouvrages. Mais ce n'eft pas ce qu'ils contiennent de plus utile, & on trouvera bien plus à profiter dans fes lettres, où l'on voit fi bien la difcipline & les véritables régles du gouverne→ ment eccléfiaftique.

L'eftime des fens figurez a fait rechercher avec empreffement la fignification des noms propres & leur étymologie pour y trouver des myfteres mais cette recherche ne pouvoit être heureuse fans la connoiffance du génie des langues, & du rapport des lettres & des prononciations. Outre que la fignification des noms peut bien faire connoître pourquoi ils ont été donnez, mais non pas donner lieu à en tirer des conféquences. Ór la liberté d'expliquer ainfi l'écriture a été pouffée à un tel excès, qu'elle l'a enfin rendue méprisable aux gens d'efprit mal inftruits de la religion; ils l'ont regardée comme un livre inintelligible, qui ne fignifioit rien par lui-même & qui étoit le jouet des interprétes. Les autres plus religieux n'ont ofé la lire, défefperant de l'en

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tendre fans le fecours de tant de commentaires dont on la chargeoit tous les jours ; & qu'ils croyoient néceflaires pour en pénétrer les myf teres. Ainfi le respect & le mépris ont produit le même effet de renoncer à l'étude de l'écriture fainte.

L'ufage le plus pernicieux des allégories eft Abus des d'en avoir fait des principes pour en tirer des allégories. conféquences contraires au vrai fens de l'écriture, & établir de nouveaux dogmes: telle eft

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la fameufe allégorie des deux glaives. JefusChrift près de fa paffion dit à fes disciples,qu'il Luc. xx11. faut qu'ils ayent des épées, pour accomplir la prophétie qui portoit qu'il feroit mis au nombre des méchans. Ils difent: Voici deux épées. Il répond: C'eft affez. Le fens litteral est évident. Mais il a plû aux amateurs d'allégories de dire que ces deux glaives, tous deux également materiels, fignifient les deux puiffances par lefquelles le monde eft gouverné, la spirituelle & la temporelle. Que Jefus-Christ a dit: C'eft affez, & non pas : C'est trop, pour montrer qu'elles fuffifent, mais que l'une & l'autre eft néceffaire. Que ces deux puiffances appartiennent à l'églife, parce que les deux glaives fe trouvent entre les mains des apôtres: mais que l'églife ne doit exercer par ellemême que la puiffance fpirituelle, & la temporelle par la main du prince, auquel elle en accorde l'exercice. C'eft pourquoi Jesus-Chrift Jo. xv111. dit à S. Pierre: Mets ton glaive dans le fourreau. Comme s'il difoit : Il eft à toi : mais tu

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ne dois pas t'en fervir de ta propre main, c'est au prince à l'employer par ton ordre & fous ta direction.

Je demande à tout hpmme fenfe, fi une telle explication eft autre chofe qu'un jeu d'ef prit, & fi elle peut fonder un raifonnement

férieux.

n'a

férieux. J'en dis autant de l'allégorie des deux Gen, I. 15. luminaires, que l'on a auffi appliquée aux deux puiffances en difant que le grand luminaire eft le facerdoce, qui comme le foleil éclaire par fa propre lumiére ; & que l'empire eft le moindre luminaire, qui comme la lune, qu'une lumiere & une vertu empruntée. Si quelqu'un veut appuyer fur ces applications de l'écriture & en tirer des conféquences, on en eft quitte pour les nier fimplement, & lui dire que ces paffages font purement historiques : qu'il n'y faut chercher aucun myftere; que les deux luminaires font le foleil & la lune & rien plus ; & les deux glaives deux épées bien tranchantes, comme celle de S. Pierre. Jamais on ne prouvera rien au-delà.

Čependant ces deux allégories fi frivoles font les grands argumens de tous ceux qui depuis Gregoire VII. ont attribué à l'églife autorité fur les fouverains, même pour le temporel, contre les textes formels de l'écriture & la tradition conftante. Car Jefus-Chrift dit nettement fans figure & fans parabole : mon royau-. Ja, xvIII. me n'eft point de ce monde. Et ailleurs, par- 26. lant à fes difciples : les rois des nations exer- Luc. xx11, cent leur domination fur elles; mais il n'en sera 25. pas ainfi de vous. Il n'y a ni tour d'efprit, ni raifonnement qui puiffe éluder des autoritez fi précifes, d'autant plus que pendant sept ou huit fiécles au moins on les a prifes à la lettre fans y chercher aucune interprétation myftérieufe. Vous avez vû, comme tous les anciens, entr'autres le pape S. Gelafe, diftinguent Gelaf. ep. 2. nettement les deux puiffances; & ce qui eft Hift. liv. plus fort, vous avez vû que dans la pratique xxx. W. 31, ils fuivoient cette doctrine, & que les évêques & les papes mêmes étoient parfaitement foumis, quant au temporel, aux rois & aux T

Hift. liv.

empereurs, même payens ou hérétiques. Le premier auteur où je trouve l'allégorie LXVII.2. 26. des deux glaives eft Geofroi de Vendôme au Geof. opufc. commencement du douziéme fiécle. Jean de Sarifberi l'a pouffé jufques à dire, que le Policrat. I. prince ayant reçu le glaive de la main de l'éV. c. 3. glife, elle a droit de le lui ôter; & comme d'ailleurs il enfeigne qu'il eft non-seulement

permis, mais louable de tuer les tirans, on voit aifément jufques où vont les conféquenHift. liv. ces de fa doctrine. La plupart des docteurs du LXX. n. 25. même fiécle ont infifté fur l'allégorie des deux glaives; & ce qui eft plus furprenant, les princes mêmes & ceux qui les défendoient contre les papes, ne la rejettoient pas : ils fe contentoient d'en reftraindre les conféquences, C'étoit l'effet de l'ignorance craffe des laïques, qui les rendoit efclaves des clercs pour tout ce qui regardoit les lettres & la doctrine. Or ces clercs avoient tous étudié aux mêmes écoles & puifé la même doctrine dans les mêmes liHift. liv. vres. Aufsi avez-vous vû que les défenfeurs de LX111.2.10. l'empereur Henri IV, contre le pape Gregoire VII. fe retranchoient à dire qu'il ne pouvoit

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être excommunié; convenant que s'il l'eût été, Liv, LXXXI. il devoit perdre l'empire. Frederic II. fe foumettoit au jugement du concile univerfel, & convenoit que s'il étoit convaincu des crimes qu'on lui imputoit, particuliérement d'héréfie, il méritoit d'être dépofé. Le confeil de S. Louis n'en fçavoit pas davantage, & abandonnoit Frederic au cas qu'il fût coupable : & voilà jufques où vont les effets des mauvaises études.

LXXXII. n. 34.

Car un mauvais principe étant une fois pofé, attire une infinité de mauvaises conféquences quand on le veut réduire en pratique : comme cette maxime de la puiffance de l'églife

fur le temporel. Depuis qu'elle a été reçue, vous avez vû changer la face extérieure de l'églife: les évêques ne fe font plus occupez de la priere & de la converfion des pécheurs : mais de négocier entre les princes des traitez de paix ou d'alliance, de les exciter à la guerre contre les ennemis de l'églife, ou même les y contraindre par les cenfures eccléfiastiques, & fouvent par les armes. Et comme l'argent eft le nerf de la guerre, il a fallu pour fubvenir à ces pieuses entreprises, faire des impofitions fur le clergé & fur le peuple, foit en donnant des indulgences, foit en menaçant des cenfures. Ainfi joignant ces affaires générales à celles que donnoient à chaque prélat fes feigneuries, ils fe font trouvez accablez d'affaires fêculiéres contre la défense de l'Apôtre, & ont cru fervir plus utilement l'é- 2. Tim 1st glife, que s'ils rempliffoient leurs devoirs ef- 4. fentiels.

XIII.

Revenons à l'étude de la théologie. Outre l'écriture, elle s'appuie fur la tradition; mais Tradition pour fonder un article de foi, la tradition doit être perpétuelle & univerfelle, reçue de tout tems & attestée par le confentement de toutes les églifes, lorfque la queftion a été examinée & approfondie. Tels font les dogmes contenus dans les fymboles & les autres décifions des conciles généraux, ou dans les écrits autentiques de la plupart des docteurs depuis la naiffance de l'églife. Il faut donc rejetter toutes les prétendues traditions fondées fur des piéces fauffes, ou fur des opinions fauffes, particulieres ou nouvelles; & on appelle nouveau en cette matiere tout ce dont on connoît le commencement depuis les apôtres. Car, comme dit Tertullien, il ne nous eft pas permis Prafcript. d'inventer, ni même de rien chercher après 6. 8.

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