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XVII.

Les Canoniftes du treiziéme fiécle fuivirent Canoniftes. la même méthode & le même ftile que les théologiens; mais ils ne conferverent pas fi bien la tradition pour le fond de la doctrine étant perfuadez, comme il eft vrai, que la difcipline n'eft pas auffi invariable que la foi. J'ai montré dans le difcours précédent les fources de ce changement, l'autorité des fauffes décretales & de tout le décret de Gratien, l'opinion que le pape n'étoit point foumis aux canons & que fon pouvoir étoit fans bornes. Dès-lors on s'éloigna de plus en plus des maximes de l'antiquité, on ne fe mit point en peine de les connoître: la jurifprudence canonique devint arbitraire & par conféquent incertaine, par la multitude exceffive de nouvelles conftitutions dérogeant les unes aux au tres, enfin par les difpenfes des loix qu'on n'ofoit abroger. Les docteurs qui expliquoient dans les écoles le décret de Gratien & les décrétales de Grégoire IX. y firent des glofes qui font devenues fameufes, quoique l'utilité n'en foit pas grande, fi ce n'est par les renvois; car elles indiquent affez bien les chapitres & les paffages qui ont rapport les uns aux autres. Mais ces gloffateurs n'expliquent point les mots difficiles des anciens canons, ils ne les entendoient pas eux-mêmes, & ils ne rapportent guéres les caufes ou les occafions hiftoriques des conftitutions. Ce qu'ils appellent en pofer le cas ne confifte qu'à mettre en marge les propres paroles du texte. Quelquefois pour montrer leur érudition ils donnent des étymologies, mais fouvent ridicules, comme celle de Diabolus au commencement Glof. in c. 1. de fum, des décrétales. Leur principale application eft de tirer des inductions & des conféquences des paroles du texte, pour les appliquer à quel

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que autre fujet, & ordinairement pour y fonder quelque chicane.

1. LXIX,

45.

Car c'étoit l'efprit qui regnoit alors; voyez 1. Confid. é les plaintes que fait faint Bernard des avocats 9. 10. Hift. qui plaidoient en cour de Rome, & par-là jugez des autres tribunaux : voyez les canons du grand concile de Latran, & encore plus ceux du premier concile de Lyon, & vous verrez jufques à quel excès étoit dès-lors montée la fubtilité des plaideurs, pour éluder toutes les loix & les faire fervir de prétexte à l'injuftice: car c'eft ce que j'appelle efprit de chicane. Or les avocats & les praticiens en qui dominoit cet efprit étoient des clercs, ils étoient alors les feuls qui étudiaffent la jurifprudence civile ou canonique, comme la médecine & les autres fciences: il étoit bien défendu aux moines d'en faire profeffion publique, mais non pas aux clercs féculiers. Si la vanité feule & l'ambition de se distinguer fourniffoit aux philofophes & aux théologiens tant de mauvaises subtilitez pour difputer fans fin & ne fe confeffer jamais vaincus, combien l'avidité du gain y excitoit-elle plus puiffamment les avocats, & qu'étoit-ce qu'un tel clergé ? L'efprit de l'évangile n'eft que fincérité, candeur, charité, défintéreffement: des clercs fi dépourvus de ces vertus étoient bien éloignez de les enfeigner

aux autres.

Les évêques & les autres fupérieurs les mieux intentionnez étant inftruits aux mêmes écoles

n'en fçavoient pas affez pour remédier à ces. maux: nous le voyons par leurs constitutions qui ne tendent la plupart qu'à regler le détail de la procédure & pourvoir à des inconvéniens particuliers, fans aller à la fource du mal. Il falloit reprendre l'édifice par les fondemens, en formant un nouveau clergé, choi

fi comme autrefois entre les plus parfaits du peuple, examiné par de longues épreuves & élevé au facré ministere par la feule confidéra. 6. tion du mérite. Voyez ce que j'en ai dit au second difcours. Sans ces fages précautions les meilleures loix font méprifées & par conféquent inutiles. Mais pour former un tel clergé il eût fallu que les évêques euffent renoncé à leurs intérêts particuliers; qu'ils n'euffent pas defiré d'avancer leurs parens dans les dignitez eccléfiaftiques, & qu'ils euffent eu la force de réfifter aux princes, qui vouloient en pourvoir leurs enfans à la décharge des familles. Il eût fallu du moins connoître l'ancienne difcipline mais on n'étudioit plus les livres où l'on eût pû l'apprendre.

XVIII. Plan des meilleures Études.

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Etudions-les à préfent, nous qui les avons entre les mains : remontons aux conftitutions apoftoliques, aux canons de Nicée & des autres premiers conciles, de S. Gregoire Thaumaturge & de S. Bafile, aux lettres de S. Cyprien & des autres peres : j'ai marqué dans T'histoire celles que j'ai cru les plus propres à nous inftruire de l'ancienne difcipline. Et comme nous ne pouvons nous tranfporter hors de notre fiécle, ni changer l'ufage felon lequel nous vivons étudions auffi les conftitutions modernes & les livres des canoniftes, mais contentons-nous de les fuivre, autant qu'il eft befoin, pour nous conformer à l'état préfent des affaires fans les admirer, & nous boucher les yeux pour ne pas voir leurs défauts, leur groffiereté, leur ignorance de l'antiquité, leurs mauvaises fubtilitez, la baffeffe de leurs fentimens. Souvenons-nous toujours de la nobleffe & de la pureté des anciens canons, qui ne tendoient qu'à conferver les bonnes mœurs & à fortifier la pratique de l'évangile,

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On pourroit de même à proportion rétablir l'étude de la théologie, & l'ouvrage est déja bien avancé. Les univerfitez ont eu le malheur de commencer dans un tems où le goût des bonnes études étoit perdu; mais on l'a retrouvé peu à peu depuis plus de deux cens ans, comme vous verrez dans la fuite de l'hiftoire, & elles en ont profité. On a étudié curieusement les langues fçavantes, on a cultivé & perfectionné les langues vulgaires. On s'eft appliqué à l'histoire, à la critique, à la recherche des livres originaux en chaque genre, on en a fait des éditions correctes. Il ne refte qu'à profiter du bonheur de notre fiécle & mettre en euvre la matiere fi bien préparée.

Or j'eftime que le meilleur moyen est de garder dans l'étude la fobriété que faint Paul nous Rom. x11.3. recommande dans les fentimens, n'étudiant que ce que nous pouvons fçavoir, & commençant toujours par le plus important. "Lifons affiduement l'écriture fainte, nous arrêtant au fens littéral le plus fimple & le plus droit, foit pour les dogmes, foit pour les mœurs. Retranchons toutes les queftions préliminaires de la théologie en général & de chaque traité en particulier : entrons d'abord. en matiere, voyons quels textes de l'écriture nous obligent à croire la Trinité, l'Incarnation & les autres myfteres : & comment l'autorité de l'églife a fixé le langage néceffaire pour exprimer ce que nous en croyons. Contentons-nous de fçavoir ce que Dieu a fait foit que nous le connoiffions par notre expérience ou par fa révélation, fans entrer dans les queftions dangéreufes du poffible ou du convenable.

Quant à la morale, il faut s'en tenir aux grands principes fi clairement propofez dans V

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l'écriture: la charité, la fincérité, l'humilité, le défintéreffement, la mortification des fens, & furtout le bien garder de croire que le chemin du ciel fe foit applani avec le tems, & que le relâchement des derniers fiécles ait prescrit Jo. IV. 23 contre l'évangile. Jefus-Chrift eft venu au Tit. 11. 14′ monde, non pour établir un culte extérieur & inftituer de nouvelles cérémonies: mais pour faire adorer fon pere en efprit & en vérité: pour se purifier un peuple agréable à Dieu & appliqué aux bonnes œuvres. Toute morale qui ne tend pas à former un tel peuple n'est pas la fienne.

I.

Groifades.

SIXIE'ME DISCOURS fur l'Hiftoire Ecclefiaftique. CROISA DE S.

Es croitades font une partie confidéraOrigine des ble de l'hiftoire de l'églife pendant le douziéme & le treiziéme fiécle, & font une des principales fources du changement de la difcipline vous en avez vû la fin: confidérons auffi leur commencement & leurs progrez. Hift. liv. L'origine des croifades furent les pélerinages à la terre fainte, devenus fréquens depuis le 3. disc. n. 5. regne de Conftantin, après que la croix fut

11. n. 32.

trouvée, & les faints lieux rétablis. On y venoit de toute la Chrétienté bornée prefque à l'empire Romain, dont la grande étendue rendoit le voyage facile, même de Gaule, d'Efpagne & des autres provinces les plus reculées; & cette liberté continua pendant trois cens ans, nonobftant la chute de l'empire

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