페이지 이미지
PDF
ePub

VI.

que j'ai voulu fuivre dans le choix des matériaux de cette hiftoire.

Quant à la maniere d'écrire, je vois deux méMéthode thodes pratiquées par les auteurs : l'une de pour écrire rapporter tout au long les paffages des originaux, enforte que l'auteur ne parle que pour

l'hiftoire.

en faire la liaison : l'autre d'en prendre la substance & compofer l'histoire d'un ftile égal & continu. La premiere méthode eft celle des Centuriateurs & de Baronius; & on peut dire auffi que M. Hermant dans fes vies l'a plus fuivie que l'autre. Elle paroît la plus sûre & la plus folide. C'eft comme produire les pieces dans un procès: le lecteur n'a qu'à juger par lui-même. Mais cette méthode engage à une grande longueur & à de fréquentes répétitions. Car comme le même fait eft fouvent raconté par différens auteurs, avec quelque diverfité de circonftances, il faut les rapporter tous, autrement le lecteur ne feroit pas pleinement inftruit. De plus en transcrivant les paffages entiers, on fe charge de tous les défauts des originaux, de leur obfcurité, de leur longueur, de leurs phrafes & de leurs paroles fuperfluës: ce qui ne fait que fatiguer le lecteur, quand ce ne feroit que par la bigarrure du ftile. Les ouvrages même les mieux écrits deviennent très-défagréables, quand on n'en voit que des pieces hors de leur place. Car tout ce qui fert de preuve à l'histoire, n'est pas l'hiftoire, on la tire de toutes fortes d'écrits, des lettres, des fermons, des panégiriques. Ce que faint Grégoire de Nazianze a dit fort éloquemment dans l'oraifon funebre de faint Bafile, devient froid & ennuyeux au milieu d'une hiftoire, où l'on ne cherche que le fimple fait: au lieu que dans les difcours figurez les faits ne font le plus Louyont que touchez, & toujours enveloppez &

ornez: on ne les déméle qu'avec beaucoup d'application. Ainfi le lecteur de Baronius eft réduit à faire une étude pénible, au lieu de l'inftruction facile qu'il cherchoit : c'eft plutôt la matiere de l'hiftoire qu'il trouve bien préparée, que l'hiftoire même. D'ailleurs on fe trompe fi l'on prétend que cette méthode laiffe au lecteur la liberté entiere de juger. Le choix des faits & des paffages dépend toujours de l'auteur, fouvent il fupprime ce qui eft contraire à ses préjugez: & quant aux paffages qu'il rapporte, fouvent il les détourne ou les affoiblit, par les réflexions & les differtations que cette méthode attire néceffairement. Car en rapportant les paffages, il faut expliquer les termes obfcurs, lever les contradictions, concilier les divefitez. De tout cela ensemble réfulte une prodigieufe longueur des livres, qui cft un plus grand mal que l'on ne croit, puifque c'eft une des fources de l'ignorance: car qui a le loifir & le courage de lire tant de gros volumes?

L'autre méthode eft d'écrire d'un ftile uniforme, prenant feulement la fubftance des originaux, fans s'affujettir à leurs paroles. C'eft celle de M. Godeau, de M. Mainbourg & de la plupart des hiftoriens anciens & modernes ; & c'eft fans doute la plus agréable pour les lecteurs, mais ce n'eft pas la sûre. Quand l'auteur a l'efprit brillant & l'imagination fertile, il a peine à fe contenir dans les bornes étroites de la vérité ; & à ne pas ajouter du fien quelques réflexions qui lui poroiffent judicieufes, quelques fentences, quelques defcriptions, ou du moins quelques épithétes. J'ai cru prendre un milieu entre ces deux méthodes, en écrivant d'un ftile fuivi & qui n'eft qu'une narration continue mais employant autant qu'il m'a été poffible, les paroles des originaux, traduites

VII.

doctrine.

fidélement en notre langue fur le grec & fur le latin. J'ai cru toutefois ne point donner d'atteinte à la vérité en retranchant les paroles inutiles, & ajoutant celles qui m'ont paru néceffaires, pour éclaircir les paffages obfcurs. J'ai mis en marge les citations, afin que les fçavans puiffent juger fi mon hiftoire eft fidéle; & jexhorte tous ceux qui en font capables à la vérifier & à lire eux-mêmes les originaux. Les propres paroles des auteurs frappent tout autrement, & je puis m'être quelquefois trompé dans le choix ou la traduction. Mais j'écris principalement, comme j'ai dit, pour ceux qui ne peuvent lire les originaux, faute d'avoir les livres en main, ou d'entendre affez bien le grec & le latin, ou d'avoir le loifir de lire les traductions françoifes qui en ont été faites, de comparer & de concilier les auteurs.

C'eft en faveur de ces lecteurs, que j'ai interExtraits de rompu la narration par quelques extraits de doctrine. J'ai cru faire plaifir à ceux à qui les livres eccléfiaftiques ne font pas familiers, en leur donnant dans un feul livre ce qu'ils ne liroient jamais autrement, & qui ne doit pas leur être indifférent, s'ils ont de l'amour pour la religion. Ils verront dans ces extraits plufieurs faits généraux des mœurs, de cérémonies & de traditions anciennes, qu'il feroit difficile de rapporter autrement, & qui ne devoient pas être omis: comme ce que j'ai tiré des apologies de S. Juftin & de Tertulien, & des autres ouvrages de ce dernier. On verra dans ces extraits les paffages les plus formels, pour prouyer les véritez catholiques contre les hérétiques des derniers fiécles. Enfin on y verra quels étoient ces grands hommes, qui ont établi & foutenu la religion : puisqu'après leurs actions rien ne les fait tant connoître que leurs paro-"

les. Ces extraits font plus fréquens & plus longs dans les premiers fiécles, dont l'autorité eft plus grande, & qui fervent de fondement à toute la fuite. Il eft difficile, quand on veut être Chrétien, de résister à la tradition conftante des disciples des apôtres; d'ailleurs les auteurs les plus anciens font en petit nombre, & la plupart fi peu connus, que leurs ouvrages paroîtront à plufieurs des curiofitez: car qui connoît la lettre de S. Clément pape & le livre du pafteur, hors les fçavans de profeffion? Cependant ce que j'en ai tiré & de S. Clément Alexandrin peut donner l'idée de la véritable piété; & montrer que ce n'eft pas une inven→ tion des moines, ni un rafinement des derniers tems. Le feul inconvénient que je trouve aux extraits en général, c'eft qu'ils allongent mon ouvrage que je fouhaitois extrêmement faire court, pour le rendre utlie.

Je ne mets pas au nombre de ces extraits les formules de foi & les canons des conciles: elles me paroiffent des parties néceffaires de l'hiftoire, pour faire entendre le dogme & la difcipline. C'eft comme dans une hiftoire profane les traitez de paix & d'alliance, les loix & les réglemens de police: dont il faut au moins mettre la fubftance. Ces piéces ne font pas agréables, il eft vrai: mais je n'écris ni un poëme, ni un roman & je demande des lecteurs férieux & attentifs. Les actes des martyrs m'ont paru néceffaires, afin qu'un fi grand objet fit fur les efprits une auffi forte impreffion qu'il le mérite; & j'ai cru le devoir rapporter dans leur fimplicité originale, parce que ce font des pieces autentiques pour la plupart, des interrogatoires en bonne forme & des procès-verbaux de queftion, qui ferojent preuve en justice. Par le plaifir qu'ils m'ont donné, j'ai

[ocr errors]

jugé qu'ils en donneroient à quiconque aime
le vrai & le naturel, & je ne vois point de lec-
ture plus propre à nourrir la piété. Ces avanta-
ges m'ont paru préférables à l'uniformité & à
l'élégance du ftile. Après les martyrs les plus
grands fpectacles font les moines : c'eft pour-
quoi j'ai mis affez au long la vie des premiers
& des plus illuftres, m'arrêtant plus aux vertus
qu'aux miracles. Quoique ces vies foient affez
connues & entre les mains de tout le monde :
j'aurois cru, en les omettant omettre une

partie confidérable de mon fujet, qui ne com-
prend pas moins les mœurs que la difcipline &
la doctrine. Or les mœurs s'apprennent bien
mieux par les exemples finguliers, que par des
obfervations générales: rien ne fait tant con-
noître les hommes que le détail de leurs dif-
cours & de leurs actions. Au refte je ne me pro-
pofe point de ne dire que des chofes nouvelles.

Je n'ai pas cru devoir remonter jusqu'à la
naiffance de J. C. parce que fon hiftoire est af-
fez connue des Chrétiens, & on ne la peut
mieux apprendre que par la lecture continuelle
des évangiles. Quiconque s'imagine la pou-
voir mieux écrire ne l'entend pas, & nous n'en
fçavons rien ou prefque rien, que ce qui eft
dans le texte de l'écriture. Il n'en eft pas de
même de l'hiftoire des apôtres: outre les actes,
il y a plufieurs faits confidérables dans les épî-
tres de S. Paul, & dans les auteurs étrangers
du même tems, comme Joseph & Philon. Jo-
feph furtout est précieux, par le foin qu'il a
pris d'écrire la ruine de Jérufalem, & de véri-
fier ainfi, fans y penfer, les prophéties de J. C.

Quant à l'ordre des tems, je n'ai pas cru m'y VIII. devoir attacher trop fcrupuleufement. Il ne Regles de chronologie, convient qu'à un hiftorien contemporain comme Tacite, de faires des annales; écrivant des

faits

[ocr errors]
« 이전계속 »