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Hift. 1. LX.

8.52.

5.Dife.n.16. dues impraticables, en les multipliant felon le nombre des péchez, d'où étoit venue l'invention de les commuer, pour en racheter des années entieres en peu de jours. Or entre les commutations de pénitence on employoit depuis longtems les pélerinages de Rome, de Compoftelle ou de Jérufalem, & la croifade ajoutoit les périls de la guerre. On crut donc que cette pénitence valoit bien les jeûnes, les prieres & les aumônes que chaque pénitent pouvoit faire en particulier, & qu'elle feroit plus utile à l'église, fans être moins agréable à Dieu.

L'indulgence tenoit lieu de folde aux croifez, & je ne vois, pas dans les premiers voyages de levée de deniers pour l'entretien de ces troupes. La premiere fut la décime Saladine à l'occafion de la troifiéme croifade, mais comme l'indulgence ne donnoit pas la nourriture corporelle, on fuppofoit que les croifez. fubfifteroient à leurs dépens ou aux frais des riches qui voudroient bien les entretenir; & cette dépenfe très-considérable dans un fi long voyage devoit être comptée pour une grande partie de la pénitence. L'indulgence ne laiffa pas d'être acceptée avec joie, même à ces conditions.

Les nobles qui fe fentoient la plupart chargez de crimes, entr'autres de pillages fur les églifes & les pauvres, s'eftimerent heureux d'avoir pour toute pénitence leur exercice ordinaire, qui étoit de faire la guerre, avec efperance, s'ils y étoient tuez, de la gloire du martyre. Auparavant une partie de la pénitence étoit de ne point porter les armes & de ne point monter à cheval: ici l'un & l'au tre étoit non-feulement permis, mais commandé en forte que les croifez changeoient

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feulement d'objet, fans rien changer à leur ma-
niere de vie. La nobleffe entraînoit le petit peu-
ple, dont la plûpart étoit des ferfs attachez aux
terres, & entierement dépendans de leurs fei-
gneurs, & plufieurs fans doute aimoient mieux
les fuivre dans ce voyage, que de demeurer
chez eux occupez à l'agriculture & aux mé-
tiers. Ainfi fe formerent ces armées immenses
Hift. liv.
que vous voyez dans l'histoire : il fembloit qu'il LXIV. n. 11.
n'y eût qu'à marcher vers la terre fainte pour 45. 46.
affurer fon falut.

Les eccléfiaftiques fe croiferent comme les
autres: mais ce devoit être par un motif diffé-
rent, pour inftruire les croifez, les confoler &
leur adminiftrer les facremens, non pour ra-
cheter eux-mêmes leurs pénitences; car fui-
vant les vraies regles, les pénitences canoni-
ques n'étoient pas établies pour les clercs :
quand ils avoient failli, on fe contentoit, fui-
vant le canon des apôtres, de les dépofer, & Can. 24.
les réduire à l'état des laïques, fans y ajouter
d'autre peine, pour ne les pas punir deux fois.
Peut-être néanmoins qu'on n'y regardoit pas
de fi près dans l'onziéme fiécle, & que les ec-
cléfiaftiques, dont il n'y avoit que trop de
coupables, cherchoient auffi-bien que les lai-
ques à expier leurs péchez par la croifade. Ce
qui eft certain, c'eft qu'ils le croyoient permis
de porter les armes, & de s'en fervir en cette
guerre & en toutes les autres contre les infi-
déles. Vous avez vû les évêques de Hongrie Hift. Itv.
armez contre les Tartares, lorfqu'ils défole- LXXXI.
rent ce royaume en 1241. Les prélats du cin- 48.
Hift. liv.
quiéme fiécle n'en usoient pas ainfi : le pape S. XXVIII. n.
Leon & S. Loup évêque de Troyes, n'arrête-39. XXVII.~.
rent Attila que par leurs prieres & leurs rai- 49.
fons; & ceux qui ne pouvoient arrêter ces bar-
bares par la douceur, fe laiffoient maffacrer

X

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Matyr. 14.

Dee:mb. 21.
Aug.

XVII. n. 49.

7.

comme S. Nicaife de Reims, & S. Privat de Givaudan; & l'église approuvoit tellement leur conduite, qu'elles les compte entre les martyrs.

Les moines même & leurs abbez fe croiferent, quoique cette dévotion les éloignât plus que les autres de leur vocation qui étoit la soliGreg. de tude & la retraite. J'ai rapporté en fon lieu la Ennt. Hier réponse de faint Gregoire de Nyffe à un folitaiHift. liv. re de Cappadoce, qui l'avoit confulté fur le S. Bern. ep. voyage de Jérufalem, & vous avez vû qu'il l'en détourne abfolument, quoiqu'il ne s'agît Ep. 256. que d'un fimple pélerinage. Vous avez vû les Hift. liv. reproches que fit S. Bernard à Arnold abbé de LXIX. 2. 14. Morimond de s'être croifé, & la fermeté avec laquelle il refufa lui-même de prendre la conduite de la feconde croisade, & toutefois à celle qui fe fit du tems d'Innocent III. nous voyons des abbez du même ordre de Citeaux. Leurs devoirs effentiels en fouffroient; leur monaftere n'en étoit pas mieux gouverné, & à leur retour, ni eux, ni les moines de leur fuite n'y rapportoient pas un efprit de plus grande régularité. J'en dis de même à proportion des évêques & de leur clergé.

Villehard.

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l'exécution de la croifadc.

Les armées s'étant affemblées & mifes en Fautes dans marche à la premiere croifade, l'exécution ne répondit pas aux intentions du pape Urbain & du concile de Clermont. Il avoit alors peu y de discipline dans la plupart de nos armées, & moins encore dans celles des croisez compo¬ fées de volontaires de diverfes nations, & conduites par des chefs indépendans les uns des autres, fans qu'aucun eût le commandement général: fi ce n'étoit le légat du pape, peu capable de contenir de telles troupes. Auffi les croifez n'attendirent-ils pas pour exercer des actes d'hoftilité, qu'ils fuffent fur les terres des infidéles, ils pilloient & brûloient partout

S

1

S

fur leur paffage, chez les Hongrois, les Bul-
gares, les Grecs, quoique tous Chrétiens, &
faifoient main-baffe fur quiconque vouloit ré-
primer leurs violences. Il en périfsoit plufieurs
en ces occafions, & leur nombre étoit notable
ment diminué, quand ils arriverent en Afie.
L'empereur Alexis qui regnoit alors, avoit eu
de grands différends avec Robert Guichard
duc de Pouille, & à fon défavantage, de forte
que voyant Boemond fils de Robert au milieu
de la Grece à la tête d'une armée formidable, il
fe crut perdu, ne doutant point que ce préten-
du pélerin ne visât à fa couronne; ainfi il ne
faut pas s'étonner s'il nuifit aux croisez de tout
fon pouvoir, & fi au défaut de la force, il em-
ploya contre eux l'artifice, fuivant le génie de
fa nation.

'

Les croifez étoient mal inftruits de l'état des pays qu'ils alloient attaquer : nous le voyons par les relations de leurs exploits, où les noms des lieux, des peuples, des princes font étran gement défigurez. Il ne paroît point qu'ils euf fent de routes certaines: ils étoient réduits à prendre des guides fur les lieux, c'est-à-dire, fe mettre à la merci de leurs ennemis, qui fou Hift. liv. vent les égaroient exprès, & les faifoient pé- LXIX. ?, 28. rir fans combat, comme il arriva à la feconde croisadet - Ils s'affoiblirent encore dès le premier voyage, en partageant leurs troupes pour conferver diverfes conquêtes, Nicée, Antioche, Edeffe, au lieu de tout réserver pour celle de Jérufalem qui étoit le but de l'entreprife. Mais les différens chefs avoient leurs vues particulieres, & le plus habile de tous étoit le Normand Boëmond, qui fe fit donner Antioche, plus foigneux, autant qu'on en peut juger, d'établir fa fortune que de fervir la religione 2

Ils arriverent enfin à Jérufalem, l'affiége rent & la prirent par un fuccès qui tient du miracle; car il n'étoit pas naturel qu'au travers de tant d'obstacles une entreprise fi mal conduite eût une fi heureuse fin. Peut-être Dieu l'accorda-t'il à quelques bons chevaliers qui marchoient droit en cette entreprise par efprit de religion, comme Godefroi de Bouillon, dont les hiftoriens du tems louent autant la piété & la fimplicité que la valeur : mais les Chrétiens gâterent cette victoire par la manieHift. liv. re dont ils en uferent, paffant tous les MufulLXXIV, n.6f, mans au fil de l'épée, & rempliffant Jérufalem de fang & de carnage. Efperoient-ils donc les exterminer & abolir cette religion avec ce grand empire, qui s'étendoit depuis l'Espagne jufqu'aux Indes? & quelle idée donnoient-ils aux infidéles de la religion chrétienne? N'auroit-il pas été plus conforme à l'efprit de l'évangile de les traiter avec douceur & humanité, fe bornant à affurer la conquête & la liberté du pélerinage aux faints lieux ? Par une telle conduite on auroit affermi le repos des anciens Chrétiens du pays, on auroit rendu aimable la domination des nouveaux venus, & on auroit procuré la converfion de quelques infidéHift. liv. les. Saladin, quand il reprit Jérufalem, en usą XXIV. 7.11, d'une maniere plus digne des Chrétiens, & fçut bien leur reprocher la barbarie de leurs peres.

Mais encore quel fut le fruit de cette entreprife, qui avoit ébranlé & épuifé tout l'Euro pe? Le nouveau royaume de Jérufalem déféré au bon Godefroi, par le refus des plus grands feigneurs de la croifade, qui ayant accompli leur vou, fe prefferent de retourner chacun chez eux. Or on ne trouvera guéres d'exemple dans l'hiftoire d'un plus petit royaume,foit pour

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