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liv.

conquêtes de Jacques roi d'Arragon, & de S. Ferdinand roi de Caftille, tellement continuées par leurs fucceffeurs, qu'ils ont enfin chaffé les Mores de toute l'Efpagne. En même tems on préchoit la croifade en Allemagne contre les payens de Pruffe, de Livonie & des pays voifins: tant pour les empêcher d'inquiéter les nouveaux Chrétiens, que pour les engager à fe convertir eux-mêmes. Un autre objet de LXXX. *. 43. la croifade étoient les hérétiques, comme les Albigeois en France, les Stadingues en Allemagne, & les autres: enfin on la préchoit contre les princes excommuniez & rébelles à l'églife, comme l'empereur Frederic II. & fon fils Mainfroi. Et parce que les papes traitoient d'ennemis de l'églife tous ceux avec lefquels ils avoient quelque différend, méme pour des intérêts temporels, ils publioient auffi contre eux la croifade, qui étoit leur derniere reffource contre les puiffances qui leur réfistoient.

Or ces croifades en fi grand nombre se nuifoient l'une à l'autre : les croifez divifez en tant de corps différens, ne pouvoient faire de grands exploits ; & ce fut la principale caufe de la perte de la terre fainte. Les Espagnols ou les Allemands aimoient mieux gagner l'indulgence fans fortir de chez eux: les papes avoient plus à cœur la confervation de leur état temporel en Italie, que celle du royaume de Jérufalem, & la deftruction de Frederic & de Mainfroi, que celle des Sultans d'Egypte & de Syrie. Ainfi les fecours qu'attendoient les Chrétiens d'Orient étoient détournez ou retardez, & la multitude des croisades fit avorter l'entreprise qui en avoit été l'unique objet. Les croifades fi multipliées tournerent à mépris; on ne s'empreffoit plus à écouter ceux

qui les prêchoient : & pour leur attirer des auditeurs, il fallut promettre à quiconque affifteroit à leurs fermons des indulgences de quelques jours ou de quelques années.

L'extenfion de Pindulgence pléniere nuifit encore à la croisade. D'abord on ne l'accordoit qu'à ceux qui prenoient les armes & marchoient en perfonne à la terre fainte: ensuite on ne crut pas en devoir priver ceux qui ne pouvant faire eux-mêmes le fervice, contribuoient au fuccès de l'entreprise : les vieillards, les infirmes, les femmes, donnoient de leurs biens pour la fubfiftance des croifez. On l'étendit à tous ceux qui contribuoient aux frais de la guerre fainte à proportion de la fomme qu'ils donnoient, foit de leur vivant, foit par teftament: les croifez qui ne pouvoient accomplir leur vœu pour quelque obftacle furvenu depuis, en étoient difpenfez, moyennant une pareille aumône, & quelquefois fans grande caufe. Toutes ces contributions montoient à de groffes fommes, dont le recouvrement se faifoit par des commiffaires du pape, foit des Templiers, foit des freres mandians ou d'autres, que l'on accufoit quelquefois de ne s'en pas acquitter fidélement.

VII.

autres

pofitions.

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Mais ces contributions volontaires étoient cafuelles, & l'expérience fit voir qu'il falloit Décimes & des fonds certains pour faire fubfifter les croifez, qui la plupart n'étoient pas en état de fervir à leurs dépens. Il fallut donc venir à des impofitions & des taxes; & comme le fujet de cette guerre étoit la défense de la religion, on crut devoir en prendre les frais fur les tiens confacrez à Dieu, c'est-à-dire, fur les revenus eccléfiaftiques. La premiere impofition de ce genre fut la décime Saladine à l'occafion de la perte de Jérufalem. Les hommes fenfez en

Hift. liv.
EXXIV
Pet. ep. 11.

VIII.

d'affaires

aux papes.

IS.

prévirent les conféquences, & vous avez vů avec quelle force Pierre de Blois s'éleva contre cette nouveauté fi préjudiciable à la liberté du clergé & à l'immunité des biens eccléfiaftiques. En effet cet exemple de la troifiéme croifade fut fuivi dans toutes les autres: nom feulement pour la terre fainte, mais pour quelque fujet que ce fut, & les papes prétendant avoir droit de difpofer de tous les biens eccléfiaftiques, demandoient au clergé tantôt le vingtiéme, tantôt le dixiéme ou même le cinquième de leurs revenus, foit pour les croifades, foit pour les affaires particulieres de l'églife Romaine, & faifoient quelquefois part de ces levées aux rois qui entroient dans leurs intérêts. Vous avez vû les plaintes du clergé de France & celui d'Angleterre fur ce fujet.

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Ces levées n'étoient qu'une petite partie des. Surcroit affaires temporelles que les croifades attiroient au pape, qui en étoit toujours le premier moteur car ces guerres, pour être entreprises par motif de religion, n'étoient pas dans l'exécution différentes des autres guerres. Il falloit toujours lever des troupes, pourvoir à leur fubfiftance, leur donner des chefs, les faire partir, regler leur route & leur embarquement, depuis qu'on eut pris la voie de la mer; fortifier des places, y mettre des munitions, & faire tout le refte des préparatifs néceffaires. C'étoit le pape qui regloit les entreprises, qui difpofoit des conquêtes, qui ratifioit les traitez de paix ou de tréve; & comme il ne pouvoit pas le mettre en perfonne à la tête des croifez, il Y avoit toujours en chaque armée un légat, cardinal pour l'ordinaire, muni de pouvoirs très-amples, & avec autorité fur tous les chefs: c'étoit comme un généraliffime. Mais

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pape lui donnant cette autorité, ne lui don

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noit

pas la capacité de commander une armée, & fouvent il trouvoit les chefs militaires d'un avis différent du fien touchant les projets d'une campagne & leur exécution: ce qui produifoit Hift. livre entre eux des divifions, comme celle du légat Pélage avec le roi de Jérusalem.

LXXXVIII,N,

15.

Il arrivoit fouvent qu'un prince après s'être eroife, & avoir fait ferment de partir à un certain jour, différoit fon voyage, foit qu'il fe repentit de fon vœu par légereté, foit qu'il lui Turvînt chez lui des affaires plus preffées, comme une révolte de fes fujets, ou l'invasion d'un prince voifin. Alors il falloit avoir recours au pape pour obtenir dispense du ferment & prorogation du terme, & fi le pape ne goûtoit pas les raifons du prince croifé, il ne lui épargnoit pas les cenfures eccléfiaftiques. Telle fut la Hift. livre fource du fameux différend entre le pape Gre- LXXVIII. n. goire IX. & l'empereur Fideric II. qui attira 41. LXXIX. 36, 2, la ruine de ce prince & de fa maison, plongea l'Allemagne dans une anarchie de trente ans, & mit l'Italie dans une divifion dont elle ne s'eft point relevée. Telle fut auffi la caufe de la que relle entre Boniface VIII. & Philippe le Bel, qui fut pouffée à de fi grandes extrêmitez, & dont la fin fut fi funefte à ce pape.

Le prince croifé difoit en ces occafions: Je fuis prêt d'accomplir mon vou; mais je veux auparavant pourvoir à la sûreté de mon royaume, foumettre mes fujets rebelles, ou défarmer un tel prince mon voifin, qui fe prévaudroit de mon abfence. Le pape répondoit: la croifade eft l'affaire commune de la religion à la quelle doivent céder tous les intérêts particuliers. Remettez vos différends entre mes mains, comme juge, ou comme arbitre je vous rendrai bonne justice: vous êtes, en qualité de croifé, fous la protection spéciale de

IX.

d'Orient.

67.

l'églife Romaine: quiconque vous attaquera pendant votre absence, fera déclaré fon ennemi.

Les nouveaux feigneurs établis en Orient, comme le roi de Jérufalem, le prince d'Antioche, le comte de Tripoli donnoient aux papes d'autant plus d'affaires, que leur con duite à l'égard des infidéles, & leurs démê→ lez entre eux regardoient directement la confervation de la terre fainte. Ajoutez-y les affaires des évêques Latins établis en ces pays depuis la conquête, & vous verrez que la croifade feule & fes fuites fourniffoient aux papes plus d'occupation que n'en ont les plus grands potentats. Or ils prenoient tellement à cœur les affaires de la terre fainte, que plufieurs font morts de chagrin de leur mauvais fuccès.

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Le clergé Latin d'Orient mérite une attenClergé Latin tion particuliere. Vous avez vu qu'auffi-tôt après la conquête d'Antioche, de Jérufalem Hift. livre & des autres villes, on y établit des patriarLXIV. n. 58. ches & des évêques Latins, & on en ufa de même après la conquête de C. P. Je vois bien que la diverfité de la langue & du rit obligeoit les Latins à avoir leur clergé particulier; mais je ne fçai s'il étoit à propos de fe tant preffer, & de tant multiplier les évêques pour les Latins, qui étoient en fi petit nombre. Le patriarche de Jérufalem, par exemple, n'auroit-il pas aifément gouverné Péglife de Bethléem, qui n'en eft qu'à deux lieues ? Les croifez étoient venus au fecours des anciens Chrétiens du pays, Syriens, Arméniens ou autres, qui avoient tous leurs évêques établis par une longue fucceffion. Cependant je vois dans nos hiftoires peu de mention de ces pauvres. Chrétiens & de leurs évêques, finon à

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