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l'occafion de leurs plaintes contre les Latins:
ainfi fous prétexte de les délivrer des Mu-
fulmans, on leur imposoit une nouvelle fer-
vitude.

Le premier foin de ces évêques Latins fut
de bien fonder le temporel de leurs églifes,
& de leur acquérir des feigneuries, des villes
& des fortereffes, à l'exemple de ce qu'ils
voyoient deçà la mer ; & ils n'étoient
pas
moins curieux de les conferver. Aufli à peine
furent-ils établis qu'ils eurent de grands dé-
mêlez avec les feigneurs, comme le patriar-
che de Jérufalem avec le roi pour le domai-
ne de la ville: ils n'en avoient pas moins
pour la jurifdiction fpirituelle, foit entre eux,
foit avec les chevaliers des ordres militaires,
trop jaloux de leurs priviléges. Pour vuider
tous ces différends il falloit recourir à Rome,
où les patriarchés mêmes étoient fouvent
obligez d'aller en perfonne : quelle distraction
pour ces prélats, & quel furcroît d'affaires
pour les papes! Mais quel fcandale pour les
anciens Chrétiens d'Orient & pour les infi-

déles.

Selon l'efprit de l'évangile ce clergé Latin auroit dû s'appliquer principalement à l'inftruction & la correction des croisez, pour former comme un chriftianifme nouveau, le plus approchant qu'il eût été poffible de la pureté des premiers fiécles, & capables d'attirer par le bon exemple les infidéles dont ils étoient environnez. Enfuite ce clergé auroit pu travailler à la réunion des hérétiques & des fchifmatiques, & à la converfion des infidéles mêmes: car c'étoit le moyen de rendre utile la croifade. Mais notre clergé Latin n'en sçavoit pas affez pour avoir des vûes fi pures & fi élevées : il étoit tel en Palestine que deçà la

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mer, ou même plus ignorant & plus corromHift. livre pu, témoin les deux patriarches, Raoul d'AnLXVI. n. 17 tioche & Arnoul de Jérufalem ́ furnommé LXVIII.53. Malcouronne.

X.

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Après la perte de Jérufalem le patriarche auffi-bien que le roi, fe retira dans la ville d'Acre, où il résida jufques à la perte entieré de la terre fainte, & quoique fon patriarchat ne fût plus que titulaire, il y avoit raison de le garder, tant que l'on efpera de regagner Jérufalem. Il en eft de même du patriarche d'Antioche, de celui de C. P. & des autres évêques Latins de Grece & d'Orient. Mais depuis que les croifades ont ceffé, & qu'il n'y a plus eu d'efpérance raisonnable de rétablir ces prélats dans leurs églifes, il femble qu'on auroit dû ceffer de leur donner des fucceffeurs & de perpétuer ces vains titres. D'autant plus que cet ufage éloigne toujours les Grecs & les autres fchifmatiques de fe réunir à l'église, voyant la cour de Rome pleine de ces évêques in partibus, dans des emplois peu convenables à leur dignité.

Après le clergé confiderons les ordres miliOrdres mi- taires, nouvelle espéce de religieux inconnue Jitaires. à l'antiquité. Jufques au douziéme fiécle on s'étoit contenté de croire la profeffion des armes permise aux Chrétiens & compatible avec le falut: mais on ne s'étoit pas encore avifé d'en faire un état de perfection, & d'y joindre les trois vœux effentiels à la vie religieufe. En effet l'obfervation de ces vœux demande de grandes précautions contre les tentations ordinaires de la vie, la folitude, ou du moins la retraite, pour éloigner les occafions de péché le recueillement, la méditation des véritez éternelles, & la priere fréquente pour arriver à la tranquillité de l'ame & à la pureté

de

de cœur. Or il femble bien difficile d'allier ces pratiques avec la vie militaire, toute d'action & de mouvement, où l'on eft continuellement expofé aux tentations les plus dangéreuses, ou du moins aux paffions les plus violentes.

C'eft pour cela que les guerriers auroient plus de befoin que les autres hommes de cultiver leur efprit par la lecture, la converfation & les fages réflexions. Comme je les fuppofe naturellement hardis & courageux, le bon ufage de leur raifon leur eft plus néceffaire qu'aux autres pour bien employer leur courage, & le contenir dans de juftes bornes. La V. Plat.Rep. valeur feule ne fait que des brutaux; la raifon 1. 2. p. 375. feule ne fait pas des braves; elles ont befoin edit. Serr. l'une de l'autre. Or nos anciens chevaliers étoient fans aucune étude, & ne fçavoient pas

LXVIII.

55.

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lire pour la plûpart: d'où vient que la priere Reg. to. X. commune des Templiers ne confiftoit qu'à conc. p. 923. affifter à l'office chanté par leurs clercs. Je Hift. livre doute que d'ailleurs ils fuffent affez en garde contre les tentations inféparables de l'exercice. des armes & que dans les combats même ils confervaffent affez de fang froid, pour ne se laiffer emporter à aucun mouvement de colere ou de haine, à aucun defir de vengeance, à aucun fentiment qui ne fût conforme à l'humanité & à la juftice. Selon l'ancienne difcipline de s. Bafil. ad l'églife, on confeilloit quelque efpece de péni- Amphil. c. tence à ceux qui avoient tué, même dans les 13. guerres les plus juftes; & nous voyons un refte Hift. livre de cette difcipline après la bataille de Fontenai

en 840.

Je veux croire que les Templiers & les autres chevaliers des ordres militaires ont donné de grands exemples de vertu dans leur premiere ferveur mais il faut convenir qu'elle se ralentit bien-tôt, & qu'on voit de grandes

XVII. 22. 4.
XLVIII.7.7.

plaintes contre eux dès le douzième fiécle, peu après leur inftitution. Ils abufoient de leurs privileges, les étendant à l'infini, mêprifant les évêques dont ils étoient exemts, & n'obéiffant au pape même qu'autant qu'il leur Hift. livre plaifoit. Ils ne gardoient point les traitez avec ». les infidéles & quelquefois ils s'entendoient 21.LXXXIII. avec eux pour trahir les Chrétiens: plufieurs

LXXIII.

n. 18.

menoient une vie corrompue & fcandaleufe. Enfin les crimes des Templiers vinrent à un tel excès, qu'on fut obligé de les abolir au concile général de Vienne avant les deux cens ans accomplis depuis leur inftitution; & les faits dont ils furent accusez font fi atroces, qu'on ne peut les lire fans horreur, & qu'on a peine à les croire, quoique prouvez par des procédures autentiques.

Quant aux ordres militaires qui fubfiftent, je refpecte l'autorité de l'églife qui les a approuvez, & la vertu de plufieurs particuliers de chaque corps : nous avons vu de notre tems des chevaliers de Malthe pratiquer une haute perfection. Mais je laiffe à la confcience de chacun à examiner s'il vit en vrai religieux, & s'il observe fidélement fa regle. Je prie furtout ceux qui embraffent ce genre de vie, & les parens qui y engagent leurs enfans, de le faire avec grande connoiffance de caufe, fans fe laiffer entraîner à l'exemple des autres. De confiderer attentivement devant Dieu quelles font les obligations de cet état; fuivant l'intention de l'églife, non fuivant le relâchement qu'elle tolere : & furtout quels font les motifs de l'engagement: fi c'est d'af furer fon falut éternel, & de tendre à la perfection chrétienne, ou de participer aux biens temporels de l'ordre & d'obtenir des commanderies; car c'est un étrange renversement de

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faire vœu de pauvreté comme un moyen d'acquérir un jour des richeffes.

XI,

De toutes les fuites des croifades la plus importante à la religion, a été la ceffation des pé- Chûte de la nitences canoniques. Je dis la ceffation & non pénitence. pas l'abrogation; car elles n'ont jamais été abolies expreffément par conftitution d'aucun pape, ni d'aucun concile; jamais que je fçache on n'a délibéré fur ce point, jamais on n'a dit: Nous avons examiné foigneufement les raifons de cette ancienne difcipline, & les effets qu'elle a produits tant qu'elle a été pratiquée; nous en avons trouvé les inconvéniens plus grands que l'utilité ; & tout bien confideré nous avons jugé plus à propos de laiffer déformais les pénitences à la difcrétion des confeffeurs. Je n'ai rien vû de semblable dans toute la fuite de l'hiftoire. Les pénitences canoniques font tombées infenfiblement par la foibleffe des évêques & la dureté des pécheurs, par négligence, par ignorance: mais elles ont reçu le coup mortel, pour ainfi dire, par l'indulgence de la croifade.

Je fçai que ce n'étoit pas l'intention du pa- Hift. liv. pe Urbain & du concile de Clermont. Ils BXIX. n. 14. croyoient au contraire faire deux biens à la

fois délivrer les lieux faints, & faciliter la pénitence à une infinité de pécheurs qui ne l'auroient jamais faite autrement. C'eft ce que

dit expreffément faint Bernard: c'eft ce que Ep. 365. al. dit le pape Innocent III. & ils relevent pa- 322. thétiquement la bonté de Dieu, qui dans leur Innoc 111. 1. tems a donné aux hommes cette occafion de xvI. p. 28. fe convertir, & ce nouveau moyen de fatisfaire à fa juftice. Mais il eft à craindre qu'on n'eût pas affez confideré les folides raisons des' anciens canons, qui avoient reglé le tems & 2. difc. n. 8. les exercices de la pénitence. Les faints qui

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