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Ex cript. ed. n. 27.

X.

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Les difciples des apôtres fuivirent leurs ma
ximes: S. Clément Alexandrin fi proche de
leur tems en rend ce témoignage remarquable:
Les anciens n'écrivoient point, pour
ne fe
détourner du foin d'enfeigner, ni employer à
écrire le tems de méditer ce qu'ils devoient
dire. Peut-être auffi ne croyoient-ils pas que
le même naturel pût réuffir en l'un & en l'autre
genre. Car la parole coule facilement & enle-
ve promptement l'auditeur: mais l'écrit eft ex-
pofé à l'examen rigoureux des lecteurs. L'écrit
fert à affurer la doctrine, faifant paffer à la
poftérité la tradition des anciens : mais comme
de plufieurs matieres l'aiman n'attire que le
fer: ainfi de plufieurs lecteurs les livres n'atti-
rent que ceux qui font capables de les entendre.
Ce font les paroles de S. Clément. Il faut a-
vouer toutefois que nous avons perdu un grand
nombre d'anciens écrits. Sans compter ceux
dont Eusebe & les autres font mention expref-
fe,on ne peut douter que les évêques des grands
fiéges & les papes en particulier n'écriviffent
fouvent des lettres fur diverfes confultations:
on en peut juger par celles du pape faint Cor-
neille, que faint Cyprien & Eufebe nous ont
confervées, & par celles du pape faint Jules
au fujet de faint Athanafe. Mais la perte de
tant d'écrits fi précieux n'eft pas arrivée fans
cette même providence, fans laquelle un pas-
fereau ne tombe pas à terre.

Laiffant donc les vains défirs, appliquons-
Utilité de nous à profiter de ce qui nous refte: confidé-
l'hiftoire ec- rons dans toute la fuite de l'hiftoire eccléfiafti-
cléfiaftique,
que la doctrine, la difcipline, les mœurs. Ce
ne font point ici des raifonnemens, ni de belles
idées, ce font des faits pofitifs, qui n'en font
pas moins vrais ; foit qu'on les croye ou non,
qu'on les étudie ou qu'on les néglige. On voit

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une églife fubfiftant fans interruption par une
fuite continuelle de peuples fideles, de pasteurs
& de miniftres, toujours vifible à la face de
toutes les nations, toujours diftinguée, non-
feulement des infideles par le nom de chré-
tienne, mais des fociétez hérétiques & fchif-
matiques par le nom de catholique & univer-
felle. Elle fait toujours profeffion de n'ensei-
gner que ce qu'elle a reçu d'abord, & de rejet-
rer toute nouvelle doctrine: que fi quelquefois
elle fait de nouvelles décifions & employe de
nouveaux mots, ce n'eft pas pour former ou
exprimer de nouveaux dogmes, c'est feule-
ment pour déclarer ce qu'elle a toujours cru
& appliquer des remédes convenables aux nou-
velles fubtilitez des hérétiques. Au refte elle
fe croit infaillible, en vertu de la promeffe de
son fondateur, & ne permet pas aux particu-
liers d'examiner ce qu'elle a une fois décidé.
La regle de fa foi eft la révélation divine,
comprise non-feulement dans l'écriture, mais
dans la tradition, par laquelle elle connoit
même l'écriture.

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XI.

Quant à la difcipline, nous voyons dans cette hiftoire une politique toute fpirituelle Difcipline, & toute célefte. Un gouvernement fondé fur la charité, ayant uniquement pour but l'utilité publique, fans aucun intérêt de ceux qui gouvernent. Ils font appellez d'enhaut : la vocation divine fe déclare par le choix des autres pafteurs & par le confentement des peuples. On les choifit pour leur feul mérite & le plus fouvent malgré eux : la charité feule & l'obéiffance leur font accepter le miniftere, dont il ne leur revient que du travail & du péril; & ils ne comptent pas entre les moindres périls celui de tirer vanité de l'affection & de la vénération des peuples, qui

les regardent comme tenant la place de Dieu même. Cet amour refpectueux du troupeau fait toute leur autorité, ils ne prétendent pas dominer comme les puiffances du fiécle & fe faire obéir par la contrainte extérieure : leur force eft dans la perfuafion : c'est la fainteté de leur vie leur doctrine, la charité qu'ils témoignent à leur troupeau par toutes fortes de fervices & de bienfaits, qui les rendent maîtres de tous les cœurs. Ils n'ufent de cette autorité que pour le bien du troupeau même, pour convertir les pécheurs, réconcilier les ennemis, tenir tout âge, tout fexe dans le devoir, & la foumiffion à la loi de Dieu. Ils font maîtres des biens comme des cœurs, & ne s'en fervent que pour affifter les pauvres, vivant pauvrement eux-mêmes, & fouvent du travail de leurs mains. Plus ils ont d'autorité, moins ils s'en attribuent : ils traitent de freres les prêtres & les diacres, ils ne font rien d'important fans leur confeil, & fans la participation du peuple. Les évêques s'affemblent fouvent pour délibérer en commun des plus grandes affaires, & fe les communiquent encore plus fouvent par lettres, en forte que l'églife répandue par toute la terre habitable n'eft qu'un feul corps parfaitement uni de ciéance & de maximes.

La politique humaine n'a aucune part à cette conduite. Les évêques ne cherchent à fe foutenir par aucun avantage temporel, ni de richeffes, ni de crédit, ni de faveur auprès des princes & des magiftrats; même fous prétexte du bien de la religion. Sans prendre de parti dans les guerres civiles, fi fréquentes en un empire électif, ils reçoivent paifiblement les maîtres que la providence leur donne, par le cours ordinaire des chofes humaines : ils obéiffent fidélement

tu,

aux princes payens & perfécuteurs, & réfiftent courageufement aux princes chrétiens, quand ils veulent appuyer quelque erreur ou troubler la difcipline. Mais leur réfistance se termine à refufer ce qu'on leur demande contre les regles; & à fouffrir tout & la mort même plutôt que de l'accorder. Leur conduite eft droite & fimple, ferme & vigoureuse fans hauteur, prudente fans fineffe, ni déguisement. La fincérité eft le caractere propre de cette politique célefte; comme elle ne tend qu'à faire connoître la vérité & à pratiquer la verelle n'a befoin ni d'artifice, ni de fecours étrangers, elle fe foutient par elle-même. Plus on remonte dans l'antiquité eccléfiaftique, plus cette candeur & cette noble fimplicité y éclate en forte que l'on ne peut douter que les apôtres ne l'ayent infpirée à leurs plus fidéles difciples, en leur confiant le gouvernement des églifes; s'ils avoient eu quelque autre fecret, ils leur auroient enfeigné, & le tems l'auroit découvert. Et qu'on ne s'imagine point, que cette fimplicité fût un effet du peu d'efprit ou de l'éducation groffiere des apôtres & de leurs premiers difciples, les écrits de S. Paul, à ne les regarder même que naturellement ceux de S. Clément pape, de S. Ignace, de S. Polycarpe ne donneront pas une opinion médiocre de leur efprit ; & pendant les fiécles fuivans on voit la méme fimplicité de conduite jointe à la plus grande fubtilité d'efprit & à la plus puiffante éloquence.

Je fçai que tous les évêques, même dans les meilleurs tems, n'ont pas également fuivi ces faintes regles, & que la difcipline de l'églife ne s'eft pas confervée auffi pure & auffi invariable, que la doctrine. Tout ce qui gît en pratique dépend en partie des hommes & fe

fent de leurs défauts. Mais il eft toujours conf tant que dans les premiers fiécles la plupart des évêques étoient tels que je les décris ; & que ceux qui n'étoient pas tels étoient regardez comme indignes de leur miniftere. Il eft conftant que dans les fiécles fuivans on s'ek toujours propofé pour regle cette ancienne difcipline: on l'a confervée ou rappellée autant que l'ont permis les circonftances des lieux & des tems. On l'a du moins admirée & fouhaitée : les vœux de tous les gens de bien ont été pour en demander à Dieu le rétabliffement, & nous voyons depuis deux cens ans un effet fenfible de ces prieres. C'en est assez pour nous exciter à connoître cette fainte antiquité, & nous encourager à l'étudier de plus en plus.

Enfin la derniere chofe que je prie le lecteur de confidérer dans cette hiftoire, & qui eft plus universellement à l'ufage de tous, c'eft la pratique de la morale chrétienne. En lifant les livres de piété, anciens & modernes, en lifant l'évangile même, cette penfée vient quelquefois à l'efprit: voilà de belles maximes, mais font-elles pratiquables? des hommes peuventils arriver à une telle perfection? En voici la démonftration; ce qui fe fait réellement eft poffible, & des hommes peuvent pratiquer avec la grace de Dieu ce qu'elle a fait pratiquer à tant de faints, qui n'étoient que des hommes. Et il ne doit refter aucun doute touchant la vérité du fait; on peut s'affurer que tout ce que j'ai mis dans cet ouvrage eft aufli certain qu'aucune hiftoire que nous ayons.

On verra donc ici tout ce que les philofophes ont enfeigné de plus excellent pour les mœurs, pratiqué à la lettre par des ignodes ouvriers, de fimples femmes. On

rans,

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