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etoit mort, quand les freres Mineurs affemblez
au chapitre de 1230. obtinrent du pape Gre-
goire IX. une bulle qui déclare qu'ils ne font
point obligez à l'observation de fon testament,
& qui explique la regle en plufieurs articles.
Ainfi le travail des mains fi recommandé dans
l'écriture, & fi eftimé par les anciens moines,
eft devenu odieux; & la mendicité odieuse au-
paravant, eft devenue honorable.

J'avoue que le mérite perfonnel des freres
mendians y a bien contribué. Ayant pris pour
objet de leur inftitut la converfion des pê-
cheurs, & en général l'instruction des fidéles,
ils regarderent l'étude comme un devoir capi
tal, & y réuffirent mieux que la plupart des
étudians de leur tems, parce qu'ils agiffcient
par des intentions plus pures, ne cherchant
que la gloire de Dieu & le falut du prochain :
au lieu que les autres clercs ou moines étu-
dioient fouvent pour parvenir aux bénéfices &
aux dignitez eccléfiaftiques. C'eft ainfi que les
freres Prêcheurs & les freres Mineurs, dès l'en-
fance de leurs ordres, fe rendirent fi confidéra-
bles dans les Univerfitez naiffantes de Paris &
de Boulogne, où l'on regarda comme des lu-
mieres de leur fiécle, Albert le Grand, Ale-
xandre de Alès, & enfuite S. Thomas & faint
Bonaventure. Je n'examine point ici quelles
étoient ces études dans le fonds, je l'ai fait ail-
5 difc, n. 8
leurs, il fuffit que ces faints religieux y réuffif-
foient mieux que les autres.

Leurs vertus en même tems les faifoient aimer & refpecter de tout le monde : la modeftie, l'amour de la pauvreté & de l'abjection, le zéle de la propagation de la foi, qui les faifoit aller chez les infidéles chercher le martyre. De-là vient qu'ils furent fi-tôt chéris & favorifez par les papes, qui leur donnerent tant de

G de Bello

priviléges, par les princes & les rois, jufquesHift. liv. là que S. Louis difoit, que s'il pouvoit fe parLXXXVI. n.6. tager en deux, il donneroit aux freres Prêcheurs la moitié de fa perfonne, & l'autre aux freres Mineurs. Dès le commencement on fit plufieurs évêques de l'un & de l'autre de ces ordres, & on en vit bientôt de cardinaux.

foc.

541

C. 27.

6. 12.

Les freres Prêcheurs au commencement n'étoient pas tant un nouvel ordre qu'une nouvelle congrégation de chanoines réguliers. Auffi Jacques de Vitri, auteur du tems, les apHift. liv. pelle chanoines de Boulogne. S. Dominique, LXXVIII, n. avant que de quitter l'Espagne, & penfer à la Hit, eeel, fondation de fon ordre, étoit chanoine régulier dans la cathédrale d'Ofina; & la premiere Hift. liv. approbation de fon inftitut le qualifie prieur LXXV. n. 2. de S. Romain à Touloufe, & confirme à cette LXXVI. . 5. églife la poffeffion de tous fes biens. Ce ne fut qu'au premier chapitre général tenu en 1220, que lui & fes confreres embrafferent la pauvreté entiere, renonçant aux fonds de terre & aux revenus affurez,à l'exemple des freres Mineurs: ce qui les réduifit à être mendians comme eux. Mais ils pratiquerent la pauvreté plus fimplement & plus noblement; & e ne vois point chez eux de ces difputes frivoles fur la propriété & le fimple ufage de fait, qui diviferent fi cruellement les freres Mineurs, & produifirent enfin l'héréfie des fraticelles.

W. 34.

IX. Pauvreté é

Combf. ault. bibl. PP. p. 363.

Ce feroit ici le lieu de traiter à fonds la ma- ' vangélique. tiere de la pauvreté évangélique, & nous ne pourrions en cette recherche fuivre de meilleur guide que S. Clément Alexandrin, instruit par les difciples des apôtres. Il a fait un traité fur cette queftion: Quel eft le riche qui fera fauvé, où il raisonne ainfi. La richeffe eft de foi indifférente, comme la force & la beauté du corps, ce font des inftrumens dont on peut ufer bien

ou mal, & des efpeces de biens. Les biens temporels dont l'abondance fait la richeffe, font la matiere néceffaire de plufienrs bonnes œuvres commandées par J. C. S'il ordonnoit à tous les fidéles de les quitter, il fe contrediroit ; & en effet il ne l'ordonna pas à Zachée, il trouva bon qu'il en gardât la moitié. Au contraire l'extreme pauvreté eft un mal en foi, plutôt qu'un bien: c'eft un obstacle à la vertu & une fource de plufieurs tentations violentes, d'in- Luc, x1x. 8, juftices, de corruption, d'impudence, de lâcheté, de découragement, de défefpoir; c'eft pourquoi l'écriture dit: Ne me donnez ni les Prov. xxx.9、 richeffes, ni la pauvreté.

Il ne faut donc pas prendre groffiérement le précepte de vendre tous les biens, non plus que celui de hair fon pere. Comment J. C. pourroit-il nous ordonner de le hair pofitivement, lui qui nous commande d'aimer même nos ennemis? Il veut feulement nous faire entendre par cette expreffion fi forte que nous ne devons pas préférer à Dieu les perfonnes qui nous font les plus cheres, mais les abandonner, s'il eft befoin, pour nous attacher à lui. Ainfi en nous ordonnant de renoncer aux richeffes, il nous oblige feulement à combattre les paffions qu'elles excitent naturellement, l'orgueil, le mépris des pauvres, l'amour des plaifirs fenfuels, le defir de s'enrichir à l'infini, & les autres femblables. Un riche ufant bien de fes richeffes & toujours prêts à les perdre, comme Job fans murmurer, eft un véritable pauvre d'efprit. Telles font les maximes de ce grand docteur du fecond fiécle de l'église, bien au-deffus des fophifmes de la fcholaftique moderne.

Laiffons les raifonnemens, & nous en tenons à l'expérience. Trente ans après la mort de S. François, on remarquoit déja un relâchement

X.

Relâche ment des

ligieux

LXXXIV. n.

43.

P. 352.

mendians. confidérables dans les ordres mendians. Je ne Hift. livre rapporterai pas les plaintes de Matthieu Paris, XXXII. *.7. ni de Pierre des Vignes au nom du clergé fécuHift. liv. lier, c'étoit les parties intéreffées. Je me contenterai du témoignage de S. Bonaventure, qui Opufc. to. 2. ne peut être fufpect. C'eft dans la lettre qu'il écrivit en 1257. étant général de l'ordre, à tous les provinciaux & les cuftodes. Il fe plaint de la multitude des affaires pour lesquelles ils demandoient de l'argent, de l'oifiveté de quelques freres, de leur vie vagabonde, l'importunité à demander, les grands bâtimens, l'avidité des fépultures & des teftamens; chacun de ces articles mérite quelques réflexions.

Hift. liv.

LXXXII.

45.

Les freres mendians fous prétexte de charité, fe mêloient de toutes fortes d'affaires publiques & particulieres. Ils entroient dans le fecret des familles & fe chargeoient de l'exécution des teftamens. Ils acceptoient des députations pour négocier la paix entre les villes & les princes: les papes furtout leur donnoient volontiers des commiffions, comme à des gens fans con. féquence, qui leur étoient entiérement dévouez & qui voyageoient à peu de frais. Ils les employoient quelquefois à des levées de deniers. L'affaire qui les détournoit le plus, étoit l'inquifition. Car quoiqu'elle ait pour but la confervation de la foi, l'exercice en eft femblable à celui des juftices criminelles; informations captures de criminels, prifons, tortures, condamnations, confifcations, peines infamantes ou pécuniaires, & fouvent corporelles par le miniftere du bras féculier. Il devoit paroître étrange, au moins dans les commencemens, de voir des religieux, faifant profeffion de l'humilité la plus profonde, & de la pauvreté la plus exacte, tout d'un coup transformez en magifrats, ayant des appariteurs & des familiers ar

mez,

c'eft-à-dire, des gardes, & des trésors à leur difpofition, se rendant terribles à tout le monde.

Le mépris du travail des mains a attiré l'oifiveté chez les mendians, comme chez les autres religieux. Il n'eft pas aifé de connoître fi le tems deftiné à l'oraison mentale, ou à l'étude, eft fidélement employé, on peut à genoux & en pofture du plus grand recueillement penser à tout ce que l'on veut. Un religieux enfermé dans fa cellule, peut, fous prétexte d'étude, faire des lectures, je ne dirai pas mauvaises, mais inutiles & de fimple curiofité. Enfin il peut bâailler & s'endormir. Il n'en eft pas de même du travail, il eft fenfible, & l'ouvrage qui refte en fait foi. De plus les efprits propres à l'étude ne font pas communs, la plûpart des hommes s'exercent peu à raisonner & à penfer de fuite, & font peu curieux, fi ce n'eft de nouvelles & de petits faits particuliers, matiere des jugemens téméraires & des médifances. Les anciens fçavoient étudier, & mieux que les modernes leurs écrits en font foi, & toutefois S. Bafile & S. Gregoire de Nazianze dans leur retraite ne dédaignoient pas les travaux les plus bas. On Hift. liv peut tirer vanité d'avoir fait un bon livre: mais XIV. N. 2, on n'en tira jamais d'avoir fait des nattes & des corbeilles, on peut toute la journée s'appliquer à ces ouvrages, il ne faut ni belle humeur, ni tête repofée.

Le troifiéme défaut que S. Bonaventure reproche à fes freres, eft la vie vagabonde de plufieurs, qui pour donner, dit-il, du foulagement à leurs corps, font à charge à leurs hôtes, & fcandalifent au lieu d'édifier. C'eft l'inconvénient des voyages trop fréquens, qui donnent occafion d'excéder dans la nourriture & le fommeil, fous prétexte de fe remettre de la fatigue,

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