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& dérangent l'uniformité de la vie réguliere. Le quatrième défaut eft l'importunité à demander, qui fait craindre, dit S. Bonaventure, la rencontre de nos freres, comme celle des voleurs. En effet cette importunité eft une espece de violence à laquelle peu de gens fçavent réfifter, furtout à l'égard de ceux dont l'habit & la profession ont attiré du respect ; & d'ailleurs c'eft une fuite naturelle de la mendicité. Car enfin il faut vivre : d'abord la faim & les autres befoins preffans font vaincre la pudeur d'une éducation honnête; & ayant une fois franchi cette barrieré, on se fait un mérite & un honneur d'avoir plus d'industrie qu'un autre à attirer des aumônes.

La grandeur & la curiofité des bâtimens continue le faint docteur, trouble notre paix incommode nos amis, & nous expofe aux mauvais jugemens des hommes. Les bâtimens troublent la paix des religieux par les foins & les mouvemens que les fupérieurs & ceux qui agiffent fous leurs ordres font obligez de fe donner pour examiner les deffeins les plans, & veiller à l'exécution: mais furtout pour fournir à la dépenfe, n'ayant aucun fonds affuré; & c'eft ce qui incommode les amis. Mais tant que l'ouvrage dure, la paix de toute la communauté est troublée par l'embarras des matériaux & des 1. ep. 37. ouvriers. Quant aux mauvais jugemens des Hift. liv. hommes au fujet de ces bâtimens, Pierre des XXII.7.7. Vignes les exprime affez en difant : Ces freres

qui dans la naiffance de leur religion sembloient fouler aux pieds la gloire du monde reprennent le fafte qu'ils ont méprifé: n'ayant rien ils poffedent tout, & font plus riches que les riches mêmes. Enfin S. Bonaventure reproche à fes freres l'avidité des fépultures & des teftamens, qui attire, dit-il, l'indignation du clergé, & particuliérement

XI.

Mineurs.

Hift. liv.

? LXXXIX. 2.3.

particuliérement des curez; c'eft auffi de quoi fe plaignoit Matthieu Paris, en difant: Ils font p. 541. foigneux d'affifter à la mort des grands & des riches, au préjudice des pafteurs ordinaires, ils font avides de gain & extorquent des teftamens fecrets; ils ne recommandent que leur ordre, & le préferent à tous les autres. Mais après S. Bonaventure le relâchement fit de grands progrès chez les freres Mineurs, Schifme enpar le malheureux fchifme qui divifa tout l'or-tre les freres dre entre les freres fpirituels & ceux de l'ob-, fervance commune. Le bon pape Celestin dont le zéle étoit plus grand que la prudence, n. 31. autorifa cette divifion, en établiffant la congrégation des pauvres Ermites fous la conduite du frere Liberat. Ce qui pouffa la divifion au dernier excès, fut la fameufe difpute fur la propriété des chofes qui fe confument par l'ufage,comme le pain & le refte de la nourriture. S. BoHift. liv. naventure lui-même foutint que les freres Mi- LXXXVI. n. neurs renonçoient à cette proprieté, & qu'elle 2. paffoit au pape & à l'églife Romaine; ce qui Hift. livre fut accepté par le pape Nicolas III. Mais Jean XX. rejetta cette proprieté imaginaire, & dé- "Hift. liv. clara que le fimple ufage de fait, auquel les pré- xc11. n. 14 tendus fpirituels vouloient fe reduire, feroit un ufage injufte, étant dépouillé de tout droit.

LXXXVII. 1.

33.

Il déclara que l'obéiffance eft la principale vertu des religieux, & préférable à la pauvreté, car ces freres indociles foutenoient qu'on ne doit point obéir aux fupérieurs quand ce qu'ils commandent eft contraire à la perfection. C'étoit l'effet des difputes fcholaftiques aufquelles ces freres s'exerçoient continuellement: on y traitoit tous les jours de nouvelles queftions & on y employoit toutes les fubtilitez & les chicanes poffibles. On demandoit, par exem- Cap. Easyc.. ple, fi la regle oblige, fous peine de péché de verb.fign.

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in 6.

Clem. Exi- mortel, ou feulement du péché véniel. Si elle wil, cod. oblige aux confeils de l'évangile, comme aux préceptes. Si ce qu'elle prefcrit en forme d'admonition, d'exhortation ou d'instruction oblige autant que ce qu'elle exprime en termes imperatifs. On s'accoutuma par-là à rafiner sur le décalogue & fur l'évangile.

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Les effets de ces difputes frivoles ne furent que trop férieux, le pape Jean XXII. ayant ofé condamner ces freres indociles, ils le déclarerent hérétique de leur propre autorité, & appellerent de fes conftitutions au futur conciHift. liv. le. Enfin la révolte alla fi loin, que ces freres 111..46. Mineurs, foutenus par l'empereur Louis de Baviere, firent dépofer Jean XXII. & mettre à fa place l'antipape Pierre de Corbiere un d'entr'eux, qui pour foutenir fa dignité, fut réduit à prendre de toutes mains; & c'est à quoi fe termina l'humilité de ces freres, & leur zéle pour la pauvreté & la perfection évangélique.

47.

4.5 6.
Hift. liv.
*I*, . 25.

Au refte fi la mendicité des religieux n'a été autorisée dans l'églife que depuis le treizième fiécle, ce n'eft pas que l'invention en fût nouvelle. De tout tems on a vû des mendians Diog. Laert, même fous prétexte de philofophie ou de reliMar. 80. n. gion. Les philofophes Cyniques mendiofent, & on trouva une fois Diogene demandant à une ftatue , pour s'exercer, difoit-il, à être refuse. C'eft à l'occafion des hérétiques Maffaliens que faint Epiphane marque les inconvéniens de la mendicité, infiftant fur les lâches complaifances aufquelles elle engage pour les riches même pour ceux dont les biens font mal acquis, vifites actives & paffives, flateries, converfations de nouvelles, ou d'autres matieres mondaines; & la pire de toutes les complaifances Hift. livr. qui eft la facilité des absolutions, & l'affoibliffement de la théologie morale. Guillaume Du

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randi, évêque de Mende, dans les avis pour le concile de Vienne, marque une grande eftime pour les religieux mendians; mais, ajoutet'il, on devoit pourvoir à leur pauvreté, enforte qu'ils euffent en commun des revenus fuffifans, ou qu'ils fubfiftaffent du travail de leurs mains > comme les Apôtres.

pour

XII.

Relâche

ral des reli

Les moines & les autres anciens religieux tomberent dans un grand mépris depuis l'introduction des mendians. Ils n'étoient plus vé- ment génénérables comme autrefois leur amour par la retraite, leur frugalité, leur défintéreffe-gieux, ment la plupart s'abandonnoient à l'oifiveté & à la moleffe, les études mêmes qu'ils prétendoient avoir fubftituées au travail des mains étoient chez eux fort languiffantes; en un mot, ils ne paroiffoient pas être d'une grande utilité à l'églife. On voyoit au contraire les freres mendians remplir les chaires des écoles & des églifes, & par leurs travaux infatigables, suppléer à la négligence & à l'incapacité des prélats & des autres pafteurs. Ce mépris excita les anciens Hift liv. moines à relever chez eux les études, comme LXXXII. n. nous avons vu dans la fondation du college des 47. Bernardins à Paris; & le pape Benoit XII. Hift. livr. dans fa bulle pour la réforme des moines noirs s'étend beaucoup fur les études.

XCIV. n. 48.

Mais comme on n'imaginoit pas alors qu'on pût bien étudier ailleurs que dans les Univerfitez, on y envoyoit les moines, ce qui fut une nouvelle fource de relâchement, par la diffipation des voyages, la fréquentation inévitable des étudians féculiers peu réglez dans leurs mours pour la plûpart, la vanité du doctorat & des autres grades, & les diftinctions qu'ils donnnent dans les monafteres. Or les moines en général, non-feulement de la grande regle, Hift. v. mais encore de Clugni & de Citeaux étoient LXXXI. . 2.

déja tombez dans un grand relâchement. On le voit par le concile de Cognac tenu en 1238. où il eft marqué que les moines & les chanoines réguliers recevoient en argent leur nourriture & leur veftiaire, en forte que les places monacales étoient comme de petits bénéfices. Les moines fortoient fans permiffion, mangeoient en ville chez les féculiers & s'y cachoient. Ils avoient leur pécule en propre, empruntoient de l'argent en leur nom,& fe rendoient cautions pour d'autres. Ils mangeoient de la viande, portoient du linge & couchoient dans des celJules ou chambres particulieres.

C'eft ici le lieu, ce me femble, d'examiner les causes, ou plutôt les prétextes du relâchement des religieux, dont un des plus commus & des plus fpécieux eft l'affoibliffement de la nature. Les corps, dit-on, ne font plus tels qu'ils étoient il y a mille ans ou plus, du tems de S. Antoine & de S. Benoît, les hommes ne vivent plus fi longtems, & n'ont plus la même force. C'est un très-ancien préjugé & qui fe trouve dans Homere & dans Virgile; mais ce n'est qu'un préjugé, non-feulement fans preuve, mais détruit par des faits conftans. Du tems de Moife, il y a plus de trois mille ans, la vie humaine étoit bornée à cent ou fix vingt ans ; Ff. 89. 10. & toutefois dans un pfeaume qui porte fon

nom, elle eft réduite à foixante & dix ou quatre-vingt ans. Parcourez toutes les histoires Vous n'y trouverez prefque perfonne qui ait plus vécu depuis trois mille ans,fi ce n'eft les anciens ; & pour nous réduire à la France, depuis treize cens ans que dure la monarchie, aucun de nos rois n'a tant vécu que le dernier mort.

Il faut donc renoncer à ce préjugé populaire, qui a produit tant de relâchement, non-feulement chez les religieux, mais dans toute l'é

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