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glife. De cette erreur eft venue la liberté que L'on s'eft donnée d'avancer de quatre ou cinq heures l'unique repas du carême, & d'y en ajouter un fecond. Dès le douziéme fiécle Pierre le Vénérable voulant excufer le relâchement de l'obfervance de Clugni, difoit que la nature humaine est affoiblie depuis le tems de S. Benoît, & toutefois S. Bernard dans le Hift. liv même tems, témoigne que tous les fidéles LXVII.%.504 jeûnoient encore le carême jufques au foir. Cependant fur ce faux préjugé on a avancé le repas des vêpres à none, comme il étoit du tems de S. Thomas d'Aquin, & de none à S. Th. 2. zi midi, comme il est encore, fans qu'aucune.q. 147. artą communauté religieufe pour auftere qu'elle 7. foit, ait gardé l'ancien ufage.

La caufe la plus générale du relâchement des religieux, eft la légéreté de l'efprit humain, & la rareté d'hommes fermes & conftans, qui perféverent longtems dans une même réfolution. C'eft la raifon des voeux introduits fi fagement pour fixer l'inquiétude naturelle, qui font l'effentiel de la profeffion religieufe. Or afin que ces vœux ne fuffent pas téméraires, on avoit ordonné avec la même fageffe de rigoureufes épreuves. Loin d'attirer les féculiers à S. Th. 2. 2; la vie religieufe, comme on a cru non-feule- q. 189. art. ment permis, mais méritoire dans les derniers 9. tems, les anciens employoient tous les moyens capables de rebuter ceux dont la vocation n'étoit pas folide; & S. Benoît l'ordonne expreffément. C'eft qu'il n'eft pas néceffaire qu'il y ait des religieux dans l'églife; mais s'il y en a, ils doivent tendre à la perfection, il ne leur eft plus permis d'être des Chrétiens médiocres. Le bienheureux Guigues Chartreux avoit raison de dire:s'il eft vrai que la voie qui mene à la vie eft étroite, & que peu de gens la trouvent:

Caff. v. Inft.

c. 3.. Reg. Ca

58.

80. n. 12. l'inftitut religieux qui admet le moins de fujets Hift. Liv. eft le meilleur & le plus fublime; & celui qui LXVI.n.58. en admet le plus, eft le moins eftimable.

Un moine relâché est donc un homme qui se contredit perpétuellement. Il a promis à Dieu de vivre dans la retraite & le filence, & il cherche les compagnies & les converfations: il demande des nouvelles & en débite lui-même. Il a promis de garder une exacte pauvreté & fe réduire au néceffaire, & toutefois il eft bienaife d'avoir en fon particulier quelque livre, quelque petit meuble, quelque peu d'argent, une chambre plus propre & plus commode qu'un autre. Il affifte à l'office, mais il aime les occafions de s'en difpenfer, & l'expédie promptement, comme s'il avoit à faire enfuite quelque chofe de plus important. Et je ne parle point des relâchemens plus fenfibles des religieux qui femblent avoir honte de leur habit & de leur profeffion, & fe déguisent pour approcher, autant qu'ils peuvent, de l'extérieur des féculiers, qui font les agréables & les bons compagnons dans les repas & les voyages, & fe font rechercher pour les parties de plaifir.

D'autres plus férieux prétendent fe diftinguer par des talens finguliers: l'un fçait des fecrers inconnus à toute la faculté de médecine, l'autre excelle dans les mathématiques, l'architecture ou quelque autre art, qui le fait rechercher : l'autre enfin entend la conduite des affaires, foit publiques, foit particulieres, il eft capable de gouverner,non-feulement des familles, mais des états, ou du moins il le croit être. Tous ces gens-là, ce me femble, font du nombre de ceux qui regardent derriere eux, après avoir mis la main à la charue. Car pourquoi quitter le monde & y rentrer enfuite par tant de portes? Un vrai moine ne cherche qu'à ou

blier le monde & en être entiérement oublié, & tout autre religieux à proportion.

Je compte entre les caufes du relachement

les récréations introduites dans les derniers S. Th. tems; car la regle de S. Benoît n'en dit pas un mot, ni aucune autre ancienne regle que je fçache. Cet ufage semble fondé sur l'opinion Intr. S. Lite de quelques théologiens modernes, qui ont cru de S. que la converfation libre & gaie étoit un foulagement néceffaire après l'application de l'efprit, comme le repos après le travail du corps; & ils ont nommé vertu d'Eutrapelie le bon ufage de ce relâchement d'efprit. Mais ils n'ont pas vù que cette prétendue vertu tirée d'Ariftote, eft comptée par S. Paul entre les vices, fous le même nom d'Eutrapelie; & ce qui les a trompé eft que n'entendant pas le Grec, ils n'ont vu dans la verfion latine de S. Paul que le mot de fcurrilité, qu'ils n'ont pas manqué de ranger entre les vices: ainfi le même mot de S. Paul fignifie un vice en Latin, & une vertu en Grec.Voilà s. The fi je ne me trompe, la fource des récréations.

Au fonds il n'eft pas vrai que la converfation foit néceffaire pour nous remettre de l'application d'efprit. Le mouvement du corps y eft plus propre, comme une promenade, ou un travail modéré, parce que ce mouvement détourne aux parties éloignées les efprits animaux raffem-blez & agitez dans le cerveau. La conversation au contraire entretient & fouvent augmente cette agitation des efprits, fans compter les tentations où elle expofe, les railleries piquantes, les médifances, les jugemens téméraires fur les affaires de l'églife ou de l'état ; car les nouvelles publiques font fouvent la matiere des récréations. Je m'en rapporte à l'expérience, & je prie les perfonnes religieufes de fonger quelle eft la matiere la plus ordinaire de leurs confeffions fi fréquentes.

35.

Je crains encore que les auftéritez corporelles, fi ufitées dans les derniers fiécles, n'ayent été des occafions de relâchement. Car ce ne font pas des fignes infaillibles de vertu : on peut fans humilité & fans charité marcher nuds pieds, , porter la haire ou fe donner la difcipline. L'amour propre qui empoifonne tout, peut perfuader à un efprit foible qu'il eft un faint dès qu'il pratique ces dévotions extérieures ; & pour le dédommager de ce qu'il fouffre par-là, peut-être fera-t'il tenté de prendre d'ailleurs quelque foulagement ou quelque plaifir permis. Enfin quelques-uns s'imaginent pouvoir faire une espece de compenfation, comme cet Italien, qui difoit : Que veux-tu, mon frere? Un peu de bien, un peu de mal, le bon Dieu. nous fera miféricorde. L'écriture ne parle pas Pf. 33 ainfi. Détourne-toi du mal & fais le bien :

XIII.

nous apprenant à quitter le péché avant que de
faire de bonnes œuvres, fi nous voulons qu'el-
les foient utiles. Enfin j'eftime plus la vie par-
faitement uniforme des anciens moines d'Egyp-
te, que celle d'un religieux déchauffé, qui
après s'être donné la difcipline, prend place
avec joie à un grand repas, & cherche à y
briller par
fa belle humeur.

Les exemptions furent fans doute une des Exemptions. principales caufes du relâchement des reliOpufc. 2. c. gieux, comme S. Bernard avoit bien remarqué. Vous avez vû ce qu'il en dit, principaleHift. liv. ment en deux endroits de fes écrits: la lettre à LXVII.4.57. Henri archevêque de Sens, touchant les devoirs des évêques, & le livre de la confidération au pape Eugene : dans l'un il fe plaint des moines & des abbez qui obtenoient des exemptions, dans l'autre des papes qui les accordoient. Il va même jusques à révoquer en doute le pouvoir du pape à cet égard, dont en effet

Hift. liv. LX1X 11. 57.

fet je ne vois guéres d'autre fondement que l'idée confufe qu'ont donné les fauffes décrétales, que le pape pouvoit tout. Or les inconvéniens des exemptions font fenfibles. C'eft n'avoir point de fupérieur, que de l'avoir fi éloigné & fi occupé d'affaires plus importantes: c'est une occafion de méprifer les évêques & le clergé qui leur .eft foumis. C'eft une fource de divifion dans l'églife en formant une hiérarchie particuliere. Voyez la difpute qui s'émut fur ce fujet du tems Hift. liv. du concile de Vienne entre Gilles de Rome *ci. archevêque de Bourges, qui attaquoit les exemptions des moines, & l'abbé de Chailli qui les foutenoit.

Mais cet abbé combattoit fortement celles des mendians les plus odieufes au clergé féculier, en ce que ces freres exerçoient en vertu de leurs privileges, la plupart des fonctions eccléfiaftiques, dont alors les moines ne se mêloient guéres; auffi les freres mendians furentils ceux qui poufferent aux plus grands excès les prétentions de l'autorité du pape. Voyez les exHift. liv. traits que j'ai rapportez d'Auguftin Triomfe & xc111.2.4? d'Alvar Pélage, l'un Auguftin, l'autre Fran- XCIV. n. 25. cifcain. A force de vouloir relever la puiffance

du
pape, ils la rendent odieuse, l'élevant au-
deffus de toutes les puiffances temporelles, non-
feulement quant à l'excellence & à la dignité,
mais quant au pouvoir effectif d'ériger, trans-
férer ou fupprimer les empires & les royaumes,
d'établir, corriger ou dépofer les fouverains :
enforte que felon leur fiftême, il n'y a dans le
monde qu'un feul fouverain qui exerce la puif-
fance fpirituelle par lui-même & par les clercs
aufquels il en commet quelque partie, & la
temporelle par les laïques, fur lefquels il veut
bien s'en décharger. Ce n'eft pas là le sistême de
l'évangile, ni la tradition des premiers fiécles.
Ff

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