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verra la loi de Moife, bien au-deffus de la philofophie humaine, amenée à fa perfection par grace de Jefus-Chrift. Et pour entrer un peu dans le détail, on verra des gens véritablement humbles, méprifant les honneurs, la réputation, contens de paffer leur vie dans l'obfcurité & l'oubli des autres hommes. Des pauvres volontaires, renonçant aux voies légitimes de s'enrichir, ou même se dépouillant de leurs biens, pour en revêtir les pauvres. On verra la douceur, le pardon des injures, l'amour des ennemis, la patience jufques à la mort & aux plus cruels tourmens, plutôt que d'abondonner la vérité. La viduité, la continence parfaite, la virginité même, inconnue jufque'alors, confervée par des perfonnes de l'un & de l'autre fexe, quelquefois jufques dans le mariage. La frugalité & la fobriété continuelles, les jeûnes fréquens & rigoureux, tes veilles, les cilices, tous les moyens de châtier le corps & de le réduire en fervitude: toutes ces vertus pratiquées, non par quelques perfonnes diftinguées, mais par une multitude infinie. Enfin des folitaires innombrables qui quittent tout pour vivre dans les déferts: non-feulement fans être à charge à perfonne, mais fe rendant utiles, même fenfiblement par les aumônes & les guérifons miraculeufes, uniquement occupez à dompter leurs paffions, à s'unir à Dieu, autant qu'il eft poffible à des hommes chargez d'un corps mortel. Mais je ne prétens pas en être cru fur ma parole: Ju gez-en par vous-même, lifez & voyez.

I.

SECOND DISCOURS fur l'Hiftoire Eccléfiaftique.

Etabliffe-Electeur eft maintenant en état de juger ment divin fi j'ai tenu parole, & fi j'ai montré, comdu Chriftia- me j'avois promis dans la préface, que la re

nilme.

Fren. 1. 1.

E. 3.

1. 8.

ligion chrétienne eft purement l'ouvrage de Dieu. On a vu qu'elle s'eft établie en peu de tems par tout l'empire Romain, & même au de-là, non-feulement fans aucun fecours humain, mais malgré toute la résistance des hommes. Dès le tems de faint Irenée & de Tertullien, c'est-à-dire, dès la fin du fecond fiécle, Hift. 1. v. tout étoit plein de Chrétiens, non-feulement de particuliers, mais d'églifes nombreuses, conduites par des pafteurs, & unies par une Tertull.apol. correfpondance mutuelle. D'où étoient-elles venues? n'étoit-ce pas ces mêmes peuples depuis tant de fiécles plongez dans l'idolâtrie & . Maurs la débauche? qui les avoit ainfi changez tout à coup? qui leur avoit fait méprifer les coutumes de leurs peres, quitter des religions qui favorifoient toutes leurs paffions, & embrafser une vie fi férieufe & fi pénible? Il falloit qu'ils euffent vû d'étranges merveilles, & qu'ils euffent été terriblement frappez des miracles & des vertus de ceux qui annonçoient cette nouvelle religion.

c. 37.

Chr, n. 4.

Mais encore que leur promettoit cette religion? Rien de préfent, ni de fenfible, une vie future, des biens invifibles; & en ce monde des perfécutions & des périls continuels. Vous avez vu comme les Chrétiens ont été traitez pendant trois fiécles entiers. Je ne me fuis pas contenté de dire en général, qu'il y eut un grand nombre de martyrs, ni de rapporter leurs

noms & les principales circonftances de leur martyre. Je vous les ai mis devant les yeux, je vous ai rapporté les actes, c'est-à-dire, les procès-verbaux de queftion & d'exécution à mort. J'ai bien voulu m'expofer à ennuyer quelque lecteur délicat, pour ne rien perdre de la force de la preuve & de l'impreffion que doit faire un fi grand objet. Ces exemples étoient nouveaux. Les Grecs & les Romains fçavoient mourir pour leur patrie, mais non pas pour leur religion & pour le feul intérêt de la vérité. Il eft vrai qu'il y avoit eu quelque peu de martyrs chez les Juifs, auffi avoient-ils la vraie religion, & l'églife les honore comme faints.

II.

Toutefois ce qui étoit fi commun chez les Chrétiens étoit regardé par les philofophes, & Martyrs.' avec raison, comme le comble de la vertu. Le De republi jufte parfait, dit Platon, eft celui qui ne cher- 1. 2. che pas à paroître bon, mais à l'être : autrement il feroit honoré & récompensé, & on pourroit douter s'il aimeroit la juftice pour elle-même,ou pour l'utilité qui en reviendroit. Il faut le dépouiller de tout, hors de fa juftice: il doit n'en avoir pas même la réputation, paffer pour injufte & pour méchant, & comme tel être fouetté, tourmenté, crucifié, confervant toujours fa juftice jufques à la mort. Ce philofophe ne femble-t'il pas avoir prévu Jefus-Chrift & les martyrs fes imitateurs? Etant les plus juftes & les plus faints d'entre les hommes, ils ont paffé pour des impies & des abominables: ils ont été traitez comme tels, & ont pouffé le témoignage de la vérité jufques à la mort & aux plus cruels tourmens; & ce n'a pas été un petit nombre de philofophes, mais une multitude innombrable de tout âge, de tout fexe & de toutes conditions.

Encore files Chrétiens n'euffent été a

7. Maurs

17.

hr. n. 16. rité des magiftrats taquez que par la fureur des peuples & l'auto> on pourroit penser qu'ils fe feroient roidis contre la force deftituée de raison. Mais on employoit tout contre eux en même tems, la violence, les calomnies, les railleries, les raisonnemens ; & leurs ennemis avoient bien plus de liberté de les attaquer, Hift. liv. qu'ils n'en avoient de fe défendre. Ils écrivi111. *. 21. rent toutefois quelques apologies: je les ai rapn. 37. 47 portées ; vous avez vu fi elles étoient folides & 51. liv. v convaincantes: mais elles eurent peu d'effet 22. 4. 5. 6 tant les hommes font peu touchez de la raiL. VIII. . fon. On ne fe détrompa que par une longue expérience. A force de bien faire, les Chrétiens diffiperent les calomnies,dont on les avoit noircis à force de fouffrir ils montrerent l'inutilité des perfécutions. Enfin au bout de trois cens ans la vérité prit le deffus, & les empereurs fe déclarerent eux-mêmes protecteurs du Chriftianifme.

n. 39.

45.

:

On vit alors la différence de la véritable religion d'avec les fauffes. L'idolâtrie tomba d'elle-même, fi-tôt qu'elle ne fut plus appuyée par la puiffance publique. Pour le montrer fenfiblement, Dieu permit cinquante ans après l'apoftafie de l'empereur Julien, qui avec toute la puiffance de l'empire & tout le fecours de la philofophie & de la magie ne put rétablir le paganifme. Il s'en plaint lui-même en pluHift. liv. fieurs endroits de fes écrits, & particuliérexv. n. 15. ment contre le peuple d'Antioche. La réforme

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chimérique qu'il vouloit introduire chez les payens, lui faifoit rendre malgré lui un témoignage glorieux à la fainteté du Chriftianifme, qu'il s'efforçoit d'imiter; & fa perfécution, toute finguliere & artificieufe qu'elle étoit, ne fervit qu'à affermir la vérité. Son regne fut le dernier foupir de l'idolatrie, &

Rome n'a plus eu depuis que des princes chrétiens.

III.

Après les martyrs vient un fpectacle auffi merveilleux, les folitaires. Je comprens fous Moines ce nom ceux que l'on nommoit Afcetes dans les premiers tems, les moines & les anachoretes. On peut les appeller les martyrs de la pénitence, dont les fouffrances font d'autant plus merveilleuses, qu'elles étoient plus volontaires & plus longues, & qu'au lieu d'un fupplice de quelques heures, ils ont porté leurs croix fidélement pendant des cinquante ou foixante ans. Je m'y fuis étendu, peut-être trop au gré des fçavans & des curieux. qui n'eftiment pas affez l'oraifon & les pratiques de piété. Mais je -crois que la vie des faints eft une grande partie de l'hiftoire eccléfiaftique, & je regarde ces faints folitaires comme les modeles de la perfeЄtion chrétienne. C'étoit les vrais philofophes, comme l'antiquité les nomme fouvent. Ils fe féparoient du monde pour méditer les chofes celeftes: non pas comme ces Egyptiens que décrit Porphyre, qui fous un fi grand nom Porph. n'entendoient que la géométrie ou l'aftrono- vita Pyth. v. mie, ni comme les philofophes Grecs, , pour Traité des rechercher les fecrets de la nature, pour raifor- Etudes › m ner fur la morale ou difputer du fouverain bien + & de la diftinction des vertus.

Les moines renonçoient au mariage & à la fociété des hommes pour se délivrer de l'embarras des affaires & des tentations inévitables dans le commerce du monde, pour prier, c'est-à-dire, contempler la grandeur de Dieu, méditer fes bienfaits, les préceptes de fa fainte loi, & purifier leur cœur. Toute leur étude étoit la morale, c'eft-à-dire, la pratique des vertus, fans difputer, fans prefque parler, fans méprifer perfonne. Ils écoutoient avec docilité

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