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les inftructions de leurs anciens; plufieurs ne fçavoient pas même lire, & méditoient l'écriture fur les lectures qu'ils avoient ouies. Ils fe cachoient aux hommes autant qu'ils pouvoient, ne cherchant qu'à plaire à Dieu. Ce n'étoit que l'éclat de leurs vertus & fouvent leurs miracles qui les faifoient connoître ; & nous ignorerions qu'ils ont été pour la plûpart, fi Dieu Hift. liv. n'avoit fufcité des curieux, comme Rufin & Caffien, pour les aller chercher dans le fonds de leurs folitudes, & les forcer à parler.

SK. 7. 3.

Au refte on ne peut les foupçonner d'aucune efpéce d'intérêt. Ils se réduifoient à une extrême pauvreté, gagnoient par le travail le peu qu'il leur falloit pour vivre, & en avoient même de refte pour faire l'aumône. Quelquesuns avoient des héritages qu'ils cultivoient de leurs mains: mais les plus parfaits craignoient que des ménageries & des revenus à adminiftrer ne les fiffent retomber dans l'embarras des affaires qu'ils avoient quittées, & préféroient des métiers fimples & fédentaires, pour vivre au jour la journée. Quelquefois auffi ils recevoient des aumônes, pour fuppléer à leur travail: mais je ne vois point qu'ils en demandaffent. Ils étoient fideles à deux obfervances comme effentielles, la stabilité & le travail des mains. Chaque moine demeuroit attaché à fa communauté, & chaque anachorete à fa cellule, s'il n'y avoit des raisons fort puiffantes d'en fortir, parce que rien n'eft plus contraire à l'oraifon parfaite & à la pureté de cœur Caff. coll. qu'ils fe propofoient, que la légéreté & la cu24. hift. xx. riofité. Ils avoient un tel foin d'écarter la multitude des pensées, & de rendre leur ame tranquille & folide, qu'ils évitoient les beaux payfages & les demeures agréables, & paffoient la plupart du tems enfermez dans leurs cellules.

1. 6.

Ils

Ils eftimoient le travail néceffaire, non-feument pour n'être à charge à perfonne, mais encore pour conferver l'humilité, & pour éviter l'ennui.

Les communautez étoient nombreuses, & S.Bafil. regi l'on tenoit pour maxime de ne les point mul- fuf. n. 35. tiplier en un même lieu, par la difficulté de trouver des fupérieurs, & pour éviter la jaloufie & les divifions. Chacune étoit gouvernée par fon abbé, & quelquefois un fupérieur général avoit l'intendance fur plufieurs monafteres fous le nom d'Exarque, d'Archimandrite, ou quelqu'autre femblable; mais ils étoient tous fous la jurifdiction des évêques, & on ne parloit point encore d'exemptions. Les moines ne faifoient point un corps à part diftingué non-feulement des féculiers, mais du clergé, fans paffage de l'un à l'autre. Il étoit ordinaire de prendre les plus faints d'entre les moines, pour en faire des prêtres & des clercs: c'étoit un fonds où les évêques étoient affurez de trouver d'excellens fujets, & les abbez préféroient volontiers l'utilité générale de l'églife à l'avantage de leur communauté. Tels étoient les moines tant loüez par S. Chryfoftome, par S. n. 8. n. 17. Auguftin & par tous les peres, & leur inftitut a continué plufieurs fiécles en fa pureté, comme on verra dans la fuite. C'eft principalement chez eux que fe conferva la pratique de la plus fublime piété, que j'ai montré dans les auteurs les plus anciens après les apôtres, dans

Hift. 1. 195

le livre du pafteur, dans S. Clément d'Alexan- Hift. I. 11. drie, particuliérement lorfqu'il décrit le véri- n. 44. 1. 4 table contemplatif, qu'il nomme Gnoftique. ". 41. Cette piété intérieure plus commune d'abord entre les Chrétiens, fe renferma enfuite prefque toute dans les monafteres.

Un autre genre de Chrétiens encore plus par- Cl

D

IV.

Evêque

Chryfoft. de faits étoient les évêques, les prêtres & le refte Sacerd du clergé, qui à l'exemple des apôtres, prati— quoient la vie intérieure, expofez au milieu du monde, fans être foutenus comme les moines par la retraite, le filence & l'éloignement des occafions. Auffi étoient-ils perfuadez qu'il n'y avoit aucun avantage pour eux dans ces fonctions publiques. Nous fommes Chrétiens pour nous-mêmes, difoit faint Augustin, & Hift.l.xx11. évêques pour vous. Ils fçavoient que tout pafAug. Serm. teur comme pasteur, ne regarde que le bien 358. al. 6. du troupeau, & non pas le fen: autrement il Plat. 1. devient mercenaire ou voleur. En général Repub

n. 29. 30.

tout gouvernement a pour but le bien de celui qui eft gouverné, & non pas de celui qui gouverne : le médecin se propofe non de fe guérir, mais de guérir le malade: le docteur veut inftruire & non pas apprendre. S'ils demandent une récompenfe, elle eft étrangere à leur art; & celui qui la prend, ne la prend, ni comme pasteur, ni comme docteur, mais comme mercenaire.

Les faints avoient renoncé à tout intérêt temporel en fe faifant Chrétiens: ils n'étoient ni avares, ni ambitieux, & ne voyoient aucun avantage pour eux à gouverner les autres. Au contraire ils y voyoient de grands périls. La vanité de la premiere place, le plaifir de commander & de faire fa volonté, les louanges & les applaudiffemens. D'un autre côté la réfiftance & la haine de ceux qu'on veut corriger, ou à qui l'on refufe ce qu'ils demandent injuftement; la peine de dire des chofes fâcheufes, de menacer, de punir: enfin dans ces premiers tems la perfécution & le martyre;car les évêques & les prêtres y étoient les plus expofez. Il n'y avoit donc que le motif d'une ardente charité ou la foumiffion à l'ordre de Dieu, qui pût les

39.

engager à préférer la peine de fervir les autres à la commodité d'en être fervis. L'humilité les empêchoit de s'en croire capables; il falloit que la volonté de Dieu leur füt fignifiée bien clairement. C'eft pourquoi ils ne feignoient point de fuir & de fe cacher tant qu'ils pouvoient, perfuadez que fi Dieu vouloit qu'ils gouvernaffent, il fçauroit bien les y forcer, malgré toute leur réfiftance. Platon avoit dit, 1. Rep. que dans une république de gens de bien, il y avoit autant d'empreffement à s'éloigner des charges, qu'il y en a communément à s'en approcher. Vous avez vu cette idée fouvent reduite en pratique dans l'hiftoire de l'église. Auffi pour avoir de tels évêques prenoit-on toutes les précautions poffibles. C'étoit d'ordi- fol. 6, naire aux vieillards les plus éprouvez, comme dit Tertullien, que l'on confioit le gouvernement. On prenoit un ancien prêtre ou un ancien diacre de la même églife, qui y eût reçu le baptême, & n'en fût point forti depuis: en forte que fa vie & fa capacité fuffent connues de tout le monde. Il connoiffoit de fon côté le troupeau qu'il devoit gouverner, ayant v. Hift. Hv. fervi fous plufieurs évêques de fuite, qui l'a- x11. #, 25e voient promu par dégrez aux différens ordres de lecteur, d'acolyte, de diacre: il avoit appris fous eux & la doctrine qu'il devoit enfeigner & les canons felon lefquels il devoit gouverner; en forte qu'il n'avoit rien à apprendre de nouveau. Il ne faifoit que monter à la premiere place, & continuer ce qu'il avoit fait & vu faire toute fa vie. On ne croyoit pas que le peuple ou le clergé d'une église pût prendre confiance en un inconnu, ni qu'un étranger pût bien gouverner un troupeau qu'il ne connoiffoit pas.

Par la même raison le choix fe faifoit

par

n. 25.

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les évêques les plus voifins, de l'avis du clergé
& du peuple de l'églife vacante,c'eft-à-dire, par
tous ceux qui pouvoient mieux connoître le be-
foin de cette églife. Le métropolitain s'y ren-
doit avec tous les comprovinciaux. On conful
toit le clergé, non de la cathédrale feulement,
mais de tout le diocéfe. On confultoit les
moines, les magiftrats, le peuple, mais les
évêques décidoient, & leur choix s'appelloit
le jugement de Dieu, comme parle faint Cy-
prien. Auffi-tôt on facroit le nouvel évêque
& on le mettoit en fonction; mais on avoit
tellement égard au confentement du peuple
que s'il refufoit de recevoir un évêque, après
qu'il étoit ordonné on ne l'y contraignoit pas,
& on lui en donnoit un autre qui lui fût agréa-
ble. La puiffance temporelle ne prenoit point
de part aux élections, fi ce n'eft depuis la con-
verfion des empereurs, pour les évêques des
plus grands fiéges, & des lieux où le prince
réfidoit. Auffi ces grands fiéges, comme An-
tioche & Conftantinople, furent-ils dès-lors
les plus expofez à l'ambition. Voilà la promo-
tion des évêques telle que vous l'avez vûe
pendant les fix premiers fiécles, & vous la ver-
rez encore à peu près femblable dans les qua-
tre fuivans. Jugez par les effets fi elle étoit
bonne, & confidérez le grand nombre de faints
évêques que cette hiftoire vous présente en
tous les
pays du monde.

Hift. 1. xx. Ces évêques ainfi choifis vivoient pauvrement, ou du moins frugalement : quelques-uns traEpiph. her. vailloient de leurs mains, plufieurs étant tirez 30. ". 4 de la vie monaftique en confervoient les pratiques. Le titre de ferviteurs des ferviteurs de Dieu & les autres femblables, n'ont paffé en formule, que parce qu'ils ont été pris d'abord très-férieufement. Je ne fçache aucun prince

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