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temporel, ni aucun magiftrat, qui ait pris de tels titres. Les premiers qui les ont employez avoient fans doute en vûe ces paroles de l'évangile : Que celui qui voudra être le premier Math. 23. entre vous foit le ferviteur des autres, comme 27. 28. le Fils de l'homme eft venu pour fervir & non pour êre fervi. Ils ne croyoient donc pas que le clergé & les évêques mêmes duffent être diftinguez du peuple par leurs commoditez temporelles, mais par leur application à l'inftruire, le corriger, le foulager dans tous fes befoins fpirituels & temporels. Il ne s'agit pas, 4. Rep. init. difoit Platon, de faire dans notre république une certaine espèce de gens heureux, mais de faire la république toute entiére la plus heureufe qu'il eft poffible, aux dépens même de quelques particuliers. A plus forte raison dans une république fpirituelle comme l'églife, il eft jufte que ceux qui gouvernent & qui fervent le public, oublient leurs intérêts temporels, pour procurer le falut des autres, par leurs travaux & leurs fouffrances.

1 Tim, V.

Mais, dira-t'on, S. Paul n'a-t'il pas dit que les prêtres qui gouvernent bien font dignes d'un '7. double honneur ; & ne convient-on pas que cet honneur eft la rétribution temporelle? Il est vrai; mais il a auffi dit: Ayant le vivre & le Ibid. v1. 8, vêtement foyons-en contens. Les faints évêques des premiers fiécles ne refufoient point fans doute aux bons ouvriers les commoditez néceffaires, mais ils fçavoient que la nature fe flate toujours, & ne garde pas aifément la médiocrité. Ils craignoient de mettre les évêques tellement à leur aife, qu'ils ne fuffent plus évêques. Un laboureur eft très-utile dans l'état, & fa profeffion mériteroit d'être en honneur. Sous ce prétexte donnez-lui, difoit Platon, Rep. 40, une charue d'yvoire, un habit de pourpre, de

V.

ment de l'é

glife.

la vaiffelle d'or, une table abondante & délicate, il ne voudra plus s'expofer au foleil & à la pluie, marcher dans la boue, piquer des bœufs: en un mot il ne voudra plus labourer, finon quelquefois en beau tems pour fe divertir. Il en fera de même d'un berger, fi vous l'habillez comme dans les paftorales de théâtre. En quelque profeffion que ce foit, l'artifan trop riche & trop à fon aise ne veut plus faire fon métier; il s'abandonne au plaifir & à la paref fe, & ruine fon art, par les moyens qui lui avoient été donnez, pour l'exercer plus com→ modément.

Les évêques que vous avez vu dans cette Gouverne hiftoire ne prenoient pas le change, & ne préféroient pas l'acceffoire au principal. Entiérement occupez de leurs fonctions, ils ne fongeoient pas comment ils étoient vêtus ou logez. Ils ne donnoient pas même grande application au temporel de leur églife, ils en laiffoient le foin à des diacres & à des œconomes; mais ils ne fe déchargeoient fur perfonne du fpirituel. Leur occupation étoit la priere, l'inftruction, la correction. Ils entroient dans tout le détail poffible, & c'eft par cette raifon que les diocéfes étoient fi petits, afin qu'un feul homme y pût fuffire & connoître par luimême tout fon troupeau. Pour faire tout par autrui & de loin, il n'auroit fallu qu'un évêque dans toute l'églife. Il eft vrai qu'ils avoient des prêtres, pour les foulager même dans le fpirituel, pour préfider aux prieres & célébrer le faint facrifice, en cas d'abfence ou de maladie de l'évêque, pour baptifer ou donner la pénitence, en cas de néceffité. Quelquefois même l'évêque leur confioit le miniftere de la parole; car régulièrement il n'y avoit que l'évêque qui prechoit. Les prêtres étoient fon

confeil & le fénat de l'églife, élevez à ce rang pour leur science eccléfiaftique, leur fageffe, leur expérience.

res,

Tout le faifoit à l'églife par confeil, parce qu'on ne cherchoit qu'à y faire regner la raison, la regle, la volonté de Dieu. Les évêques avoient toujours devant les yeux le précepte de S. Pierre & de Jefus-Chrift même, de ne pas imiter la domination des rois de la terre, qui tend toujours au defpotique. N'étant point préfomptueux, ils ne croyoient pas connoître feuls la vérité; ils fe défioient de leurs lumie& n'étoient point jaloux de celles des autres. Ils cédoient volontiers à celui qui dondoit un meilleur avis. Les affemblées ont ces avantages, qu'il y a d'ordinaire quelqu'un qui montre le bon parti, & y ramene les autres. On fe refpecte mutuellement, on a honte de paroître injufte en public: ceux dont la vertu eft plus foible font foutenus par les plus forts. Il n'eft pas aifé de corrompre toute une compagnie mais il eft facile de gagner un feul homme, ou celui qui le gouverne; & s'il fe détermine feul, il fuit la pente de fes paffions, qui n'a point de contre-poids. D'ailleurs, les réfolutions communes font toujours mieux exécutées; chacun croit en être l'auteur & ne faire que fa volonté. Il eft vrai qu'il eft bien plus court de commander & de contraindre, & que pour perfuader, il faut de l'induftrie & de la patience; mais les hommes fages, humbles & charitables vont toujours au plus sûr & au plus doux, & ne craignent point leur peine pour le bien de la chofe dont il s'agit. Ils n'en viennent à la force qu'à la derniére extrêmité.

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Ce font les raifons que j'ai pû comprendre du gouvernement eccléfiaftique. En chaque églife l'évêque ne faifoit rien d'importan

Rom.

fans le confeil des prêtres, des diacres & des Hift. 1. 1V. principaux de fon clergé. Souvent même il . 42. n. confultoit tout le peuple, quand il avoit intérêt à l'affaire, comme aux ordinations. Vous en Hift.l. xxiv. avez vu des exemples dans faint Cyprien, & la formule de l'ordination le marque encore. Vous avez vu avec quelle fimplicité & quelle confiance paternelle S. Auguftin rendoit compte à fon peuple de fa conduite & de celle de fon clergé.

*. 40.

Pour les affaires plus générales, les évêques de la province s'affembloient & tenoient des conciles. C'étoit le tribunal ordinaire où réguliérement toutes les affaires devoient être terminées: c'eft pourquoi il fe tenoit deux fois l'an. Les évêques des grands fiéges & les papes mêmes en ufoient ainfi, & quoique les anciennes décrétales ne portent que leur nom, c'étoit des résultats de leurs conciles. Ces fréquentes affemblées caufoient deux grands

biens : elles confervoient l'union & l'amitié entre les évêques, & l'uniformité de la difcipline. Les évêques agiffoient entre eux en freres, avec peu de cérémonies & beaucoup de charité. Et fi vous voyez qu'ils fe donnoient le titre de très-faints, très-vénérables, ou d'autres femblables, attribuez-les à l'ufage qui s'étoit introduit dans la chute de l'empire Romain, de donner à toutes ces fortes de perfonnes des titres proportionnez à leur condition. Mais ces formules de paroles n'empêchent pas de reconnoître dans leurs lettres une fincérité & une cordialité charmante, pour peu qu'on ait de goût pour la fentir. Ce que j'ai rapporté des lettres de faint Cyprien, de faint Bafile, de faint Augustin a bien pû vous en convaincre. Ce commerce de lettres fuppléoit au défaut des conciles, dans les intervales, ou à l'égard

tres,

Hift. 1.

n 12.

férieurs.

l'égard des évêques d'une autre province. Les V. hift. 1. intervalles étoient quelquefois longs, du tems IV. ". 4 des perfécutions; parce que les évêques & les 45, prêtres, comme les plus recherchez, étoient obligez à fe difperfer & fe cacher. Et cette interruption des conciles, étoit un des effets de la perfécution, le plus fenfible aux évêques : parce qu'ils étoient perfuadez que la difcipline ne pouvoit fe maintenir fans conciles. Voyez les plaintes d'Eusebe fur la perfécution de Li- Euf. vit. cinius. Conft. c. 25. Revenons au gouvernement d'une églife VI. particuliere. Au-deffous de l'évêque & des pré- Clercs inféil y avoit un grand nombre d'officiers effectifs, occupez des fonctions de leurs ordres : diacres, acolytes, lecteurs & portiers. Il femble que du commencement les diacres étoient jugez du moins auffi néceffaires que les prêtres. Quand les apôtres établirent les fept pre- 48. v. 227 miers diacres à Jérufalem, il ne paroît point qu'ils euffent ordonné des prêtres : au contraire ils fe réferverent à eux feuls les fonctions depuis communiquées aux prêtres : la priere & le miniftere de la parole. S. Paul donnant ses ordres à Tite & à Timothée, pour le reglement des nouvelles églises, ne parle que d'évêques & de diacres. En effet, avant que les églifes fuffent nombreuses, un homme d'un grand zele & d'un grand travail, pouvoit fuffire pour le fpirituel; mais il avoit befoin d'être foulagé dans les œuvres extérieures, pour recevoir les aumônes des fidéles, & les diftribuer aux pauvres, pour maintenir l'ordre de la bienséance des affemblées, pour faire divers meffages. Dans la fuite les diacres mêmes eurent befoin d'être foulagez; & de-là vinrent les ordres inférieurs, dont vous avez déja vu l'usage pendant fix cens ans, & vous le verrez encore longtems.

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