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tres anciens payens. Les poëtes qui étoient leurs prophétes & leurs théologiens,fe difoient bien en général inftruits par les Mufes ou par d'autres divinitez, mais ils n'en donnoient aucune preuve: ils n'ofoient même marquer les circonftances des faits merveilleux qu'ils racontoient, ni en citer les témoins. Aucun n'a jamais dit qu'il eût vu Jupiter changé en taureau ou en cigne, Neptune fecouant la terre de fon trident, le chariot du Soleil ou de la Lune. Ce n'étoit que des contes de vieilles & de nourrices, confacrez par un respect aveugle pour l'antiquité, & ornez par les charmes de la poëfie, de la mufique & de la peinture; & comme ces fables s'étoient formées en divers pays & en divers tems, elles étoient pleines d'une infinité de contradictions qu'il étoit impoffible d'accorder. Nous voyons la même chofe dans les Indes & chez tous les idolâtres modernes. Des hiftoires prodigieufes & femblables aux fonges les plus extravagans avancées fans aucune preuve, fans saucune circonstance de tems ni de lieux, fans aucun rap

port à ce que l'on peut connoître d'ailleurs

d'hiftoire véritable: fans fuite, fans liaifon avec le préfent.

Il eft vrai que l'on fçait l'origine & le progrès du Mahométifme: mais aufli n'y voit-on rien que de naturel. Un homme hardi, habile & éloquent en fa langue, quoique d'ailleurs trèsignorant, a féduit des ignorans comme lui fous prétexte de ruiner l'idolâtrie décriée depuis plufieurs fiécles; & leur a propofé une créance fans myftéres, & des pratiques conformes à leurs mœurs. Il s'eft établi les armes à la main, & a fait des conquétes que fes fucceffeurs ont pouffées plus loin: il n'y a rien là au-deffus du cours ordinaire des chofes humaines. Ceux qui

ont attribué quelque miracle à Mahomet,n'ont écrit que longtems après ; & lui-même qui doit en être cru, dit pour toute réponse à ceux qui lui demandoient des preuves de fa miflion: que Dieu ne l'a pas envoyé pour faire des miracles; & Moife & Jefus en ont affez fait. Au refte Hi. liv. que nous ne voyons point que cette religion ait fub- xxxvi11. ”. fifté en aucun lieu, non-feulement fous la per- 47. fécution, mais fous une domination étrangere.

C'eft donc le caractere propre de la vraie religion d'être également certaine & merveilleufe. Les miracles étoient néceffaires, pour témoigner que Dieu parloit,& réveilloit les hommes accoutumez à voir les merveilles de la nature fans les admirer. Les miracles étoient encore néceffaires, afin que la foi fût raifonnable & différente de la crédulité aveugle, qui fuit au hazard tout ce qui lui eft propofé comme merveilleux. Or la même bonté par laquelle Dieu a fait tant de miracles, pour nous rappeller à lui, en s'accommodant à notre foibleffe, l'a porté à les faire à la plus grande lumiere du monde je veux dire dans les tems & les lieux les plús propres à en conferver la mémoire. Moife a fait les miracles en Egypte, dans la ville capitale en préfence du roi, dans le tems où les Egyptiens étoient les plus fçavans & les plus polis de tous les hommes, & il en a eu pour témoins un peuple entier, qu'il a délivré, & à qui il a donné des loix écrites par lui-même, dans le même livre qui contient tous ces miracles. J. C. eft venu du tems d'Augufte dans le fiécle le plus éclairé de l'empire Romain, dont il nous refte un fi grand nombre d'écrits, qu'il nous eft beaucoup plus connu que chez nous le regne de Louis le jeune. J. C. devoit naître en Judée fuivant les prophéties: il a enseigné fa doctrine & fait la plupart de fes

miracles à Jérufalem, qui en étoit la capitale : ily eft mort & reffufcité. Ses difciples fe font auffi-tôt répandus par tout l'empire Romain,& peu de tems après par tout le monde. Ils ont prêché d'abord dans les plus grandes villes, à Antioche, à Alexandrie, à Rome même : ils ont enfeigné à Athenes, à Corinthe, par toute la Grece, dans les villes les plus fçavantes, les plus corrompuës, les plus idolâtres. C'eft à la face de toutes les nations, des Grecs, des barbares, des fçavans, des ignorans, des Juifs, des Romains, des peuples & des princes, que les difciples de J. C. ont rendu témoignage des merveilles qu'ils avoient vûës de leurs yeux, ouies de leurs oreilles & touchées de leurs mains & particuliérement de fa réfurrection. Ils ont foutenu ce témoignage fans aucun intérêt, & contre toutes les raifons de la prudence humaine, jufques au dernier foupir, & l'ont tous fcellé de leur fang. Voilà l'établissement du Chriftianifme.

Qu'est-il arrivé depuis ? Cette doctrine fi incroyable, cette morale fi contraire aux paffions des hommes ont-elles pû fe foutenir? N'y at'il point quelque vuide, quelque interruption? Par où en avons-nous la connoiffance? Par une fucceffion fuivie de docteurs & de difciples: par des écrits publiez d'âge en âge & confervez de main en main, par des traditions qui ont paffé des peres aux enfans: par des affemblées folemnelles en chaque province & en chaque ville, pour l'exercice de cette religion, & par les bâtimens deftinez à ces ufages, dont quelques-uns fubfiftent depuis mille ans : tout cela fans aucune interruption. Depuis que S. Pierre & S. Paul ont fondé l'église Romaine,il y a toujours eu à Rome un pape chef des chrétiens; nous en fçayons toute la fùite & tous les noms

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jufques à Clément XI. Nous avons la fuite des évêques de Jérufalem, d'Antioche, d'Alexandrie, de Conftantinople. Pour venir chez -nous; nous connoiffons les évêques de Lyon depuis S. Potin & S. Irenée : de Toulouse depuis S. Saturnin: de Tours depuis S. Gatien, de Paris depuis S. Denis ; & les églifes même dont l'origine eft plus obfcure ont une fucceffion connue depuis environ mille ans. C'est la preuve la plus fenfible de la vraie religion. Toute églife qui remonte jufques aux premiers fiécles, montrant une fuite de pafteurs toujours unis de communion avec les autres églifes, & principalement avec l'église Romaine : toute églife qui a cet avantage eft catholique. Au contraire on connoît les fociétez des hérétiques, parce qu'en remontant on trouve plutôt ou plus tard le tems précis auquel ils fe font féparez de l'église où ils étoient nez. La doctrine nouvelle ou particuliére eft fauffe: la véritable eft celle qui a toujours été enseignée par toute l'églife.

C'eft la matiére de l'hiftoire eccléfiaftique: cette heureuse fucceffion de do&trine, de difcipline, de bonnes mœurs. Si cette connoiffance n'eft pas également néceffaire à tous, du moins il n'y a perfonne à qui elle ne foit trèsutile. Rien n'eft plus propre à nous confirmer dans la foi, que de voir la même doctrine que nous enfeignons aujourd'hui, enfeignée dès le commencement par les martyrs & confirmée par tant de miracles. Plus la difcipline est ancienne, plus elle est vénérable, foit dans la pratique des jeûnes, foit dans l'administration des facremens & les autres faintes cérémonies. Enfin les exemples des faints nous font voir en quoi confifte la folide piété, & détruisent nos mauvaises excuses, en montrant que la

II.

Fauteur.

perfection chrétienne eft poffible, puifqu'ils
l'ont effectivement pratiquée. Ce font les trois
parties que je me fuis propofées de représen-
ter dans toute la fuite de fon hiftoire : la doc-
trine, la difcipline, les mœurs.

Mon deffein n'eft pas de repaître la vaine Deffein de curiofité de ceux qui ne cherchent qu'à voir des faits nouveaux ou extraordinaires : ou qui lifent par fimple amusement pour se défennuyer: ils ont des histoires profanes & des livres de voyages. J'écris pour les Chrétiens, qui aiment leur religion, qui veulent s'en inftruire de plus en plus, & la réduire en pratique. Je n'écris pas toutefois pour les théologiens & les gens de lettres:ils apprendront mieux l'histoire eccléfiaftique dans les auteurs originaux dont je l'ai tirée. Si ce n'eft que quelqu'un encore nouveau dans cette étude veuille s'aider de mes citations,pour trouver plus facilement les pièces qu'il doit confulter. J'écris principalement pour ceux de quelque condition qu'ils foient, qui n'ont ni les connoiffances neceffaires, ni le loisir, ni la commodité de lire tant de livres, mais qui ont de la foi, du bon fens, de l'amour pour la vérité, qui lifent pour acquérir des connoiffances utiles & en devenir meilleurs : qui veulent connoître le Chriftianisme grand & folide comme il eft; & en féparer tout ce que l'ignorance & la fuperftition y ont voulu mêler de tems en tems. Je vois bien que cette hiftoire ne plaira pas aux petits efprits attachez à leurs préjugez, & toujours prêts à condamner ceux qui les veulent défabufer: détournant leurs oreilles de la vérité pour fe tourner à des fables; cherchant 22 Tim. des docteurs fuivant leurs defirs. Ils ne trouveront que trop d'autres livres felon leur goût. C'eft pour me rendre utile au commun de fonnes fenfées que j'écris en François, au ha

IV. I. 4.

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