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encore une utilité confidérable de l'hiftoire eccléfiaftique. Car quand on fçait les héréfies, qui regnoient en chaque tems & en chaque pays, ou voit pourquoi les peres revenoient toujours à certains points de doctrine. C'eft ce qui les obligeoit fouvent à quitter le fens littéral de l'écriture, pour suivre le fens figuré, moral ou allégorique. Car ils ne choififfoient pas les lectures, l'ordre en étoit établi felon le cours de l'année, tel à peu près qu'il eft encore. Mais ils fçavoient y rapporter tout ce qu'ils jugeoient le plus utile, pour l'inftruction de leur troupeau.

En difputant avec les hérétiques, ils fe tenoient au fens littéral, ou s'ils fuivoient un fens figuré, c'étoit celui dont les adversaires convenoient. C'eft ce qui rend ces livres de controverfe fi utiles, pour voir le vrai fens de l'écriture, & le dogme précis de l'églife. Car quiconque portoit le nom de Chrétien, faifoit profeffion de ne fe fonder que fur l'écriture: les hérétiques en tiroient leurs objections, & les catholiques leurs réponses. Vous l'avez pû voir dans toute cette hiftoire ; & dans les extraits de doctrine que j'y ai inférez, je me fuis principalement attaché à rapporter les paffages alléguez de part & d'autre. Au refte, les peres étoient fort retenus fur les queftions de religion. Ils fe contentoient de réfoudre celles qui leur étoient propofées, fans en propofer de nouvelles: ils réprimoient avec foin la curiofité Hift. 1.xv11. des efprits légers & remuans, & ne permettoient pas à tout le monde de difputer fur cette matiere. Voyez ce qu'en dit faint Gregoire de Nazianze & les difpofitions qu'il demande en ceux qui doivent parler de théologie. Quiconque aura lû avec quelque attention, je ne dis les pas mêmes des peres, ouvrages

ซ.52.

Or. 33.

XV. Science des

peres,

mais le peu que j'en ai rapporté dans cet hittoire, ne pourra douter, à mon avis, ni de leur fcience, ni de leur éloquence. Quand on prendroit le nom de fcience improprement, comme fait le vulgaire, en nommant fçavans, ceux qui par une grande lecture ont acquis la connoiffance d'un grand nombre de faits : les anciens ne manquoient pas de cette espece de science, ou plutôt d'érudition. Combien en voyons-nous dans faint Clément Alexandrin, dans Origene, Eufebe de Céfarée, faint Jérôme; Combien de faits hiftoriques, combien de poëtes, d'hiftoriens, de philofophes nous feroient inconnus fans eux? Ils étoient nourris dès l'enfance dans l'étude de tous ces auteurs & la teinture en eft répandue dans tous leurs écrits, enforte que pour les bien entendre, il faut être verfé dans l'antiquité profane.

Il eft vrai qu'ils étudioient peu de langues étrangeres : les Grecs fe bornoient à leur langue naturelle, les Latins au Grec; & l'on a remarqué comme des prodiges, les travaux d'Origene & de faint Jérôme, pour apprendre la langue Hébraïque. Mais il faut confidérer qu'ils étoient les docteurs de l'églife, des pafteurs très-occupez à corriger, à juger des différends, à affifter des pauvres. Voyez comme Hift. t.xx12. faint Auguftin gémit fous le poids de fes oc- n. 48. cupations. En cet accablement, s'il avoit quelque peu de relâche, il l'employoit plutôt à la priere ou à la méditation de l'écriture, qu'à étudier des langues, ou conférer des exemplaires pour reftituer un paffage obfcur. Ces travaux convenoient mieux à un folitaire comme faint Jérôme. Outre que les faints n'étudioient ni pour fatisfaire leur curiofité naturelle, ni pour s'attirer l'admiration qu'excite dans les ignorans la connoiffance des chofes rares. Ils

étoient bien au-deffus de ces puérilitez. Voyez entr'autres la lettre de S. Auguftin à Diofcore. Que fi nous cherchons ce qui mérite proprement le nom de fcience, où en trouverons-nous plus que chez les peres? Je dis cette vraie philofophie, qui fe fervant d'une exacte dialectique, remonte par la métaphyfique jufques aux premiers principes, & à la connoiffance du vrai bon & du vrai beau, pour en tirer par des conféquences sûres, les regles des mœurs, & rendre les hommes fermes dans la vertu, & heureux, autant qu'ils en font capables. Qu'y at'il en ce genre de comparable à faint Auguf tin? quel efprit plus élevé, plus pénétrant, plus fuivi, plus modéré? Quelqu'un a-t'il pofé des principes plus clairs, ou tiré plus de conféquences, & mieux fuivies ? quelqu'un a-t'il des penfées plus fublimes, ou des réflexions plus fubtiles? qui ne l'admire pas ne lui ôte rien; mais il fe fait tort à foi-même, en montrant qu'il n'a pas l'idée de la véritable science. Entre les Grecs vous verrez cette même philofophie fubtile, fublime & folide dans les livres de faint Bafile contre Eunomius: dans quelques lettres, où il réfute les fophifmes d'Aëtius; dans les difcours de faint Grégoire de Nazianze fur la théologie; dans les traitez de S. Athanafe, contre les payens & les Ariens. Ceux qui ont un peu confidéré la différence des climats, ne s'étonneront pas qu'il fe trouvât de fi grands efprits en Afrique, en Grece, en Egypte & en Syrie.

Pour la méthode, les anciens ne la découvroient point fans befoin, & la diverfifioient fuivant les fujets. Car ils n'écrivoient que dans l'occafion, pour répondre à quelqu'un qui demandoit inftruction, ou réfuter quelque hérétique. Ainfi ils ne fuivoient pas d'ordinaire la

méthode

méthode géométrique, qui ne s'attache qu'à l'ordre des véritez en elles-mêmes: mais la méthode dialectique, qui s'accommode aux difpofitions de celui à qui on parle, & qui eft le fonds de la véritable éloquence. Car elle travaille à ôter les obftacles que les paffions ou les préjugez ont mis dans l'efprit de l'auditeur : puis ayant nétoyé la place, elle y trace la vérité, profitant de ce qu'il connoît, & dont il convient, pour l'amener à ce qu'on veut lui perfuader. C'eft cette méthode dont Platon nous a donné de fi parfaits modéles,

XVI. Eloquence des peres.

Maurs

Ch. n. 40.

Hift. l. 1. 12. 45.

Après cela il ne faut pas s'imaginer que les peres en foient moins éloquens, pour ne pas parler le Grec & le Latin auffi purement que les anciens orateurs. Saint Paul parlant un Grec demi barbare, ne laiffe pas de prouver, de convaincre, d'émouvoir, d'être terrible, aimable, tendre, véhément. Il faut bien diftinguer l'éloquence de l'élocution, qui n'en est que l'écorce. Quelque langue que l'on parle, & quelque mal qu'on la parle on fera éloquent, fi l'on fçait choifir les meilleures raifons & les bien arranger, fi l'on employe des images vives & des figures convenables. Le difcours ne fera pas moins perfuafif, mais feulement moins agréa ble. Il ne faut pas comparer les peres, fi l'on veut leur faire justice, à Démofthene & à Ciceron, qut ont vécu tant de fiécles auparavant. Il faut les comparer à ceux qui ont excellé de leur tems: faint Ambroife à Symmaque, faint Bafile à Libanius. Quelle différence vous y trouverez ! que S. Bafile eft folide & naturel! que Libanius eft vain, affecté, puérile!

Il eft vrai que faint Chryfoftome n'eft pas fi ferré que Démofthene, & il montre plus fon art; mais dans le fond, fa conduite n'eft pas moindre. Il fçait juger, quand il faut parler,

7. 12.

Hift. 1. xIx. ou fe taire, de quoi il faut parler, & quels mouvemens il faut appaiser ou exciter: voyez comme il agit dans l'affaire des ftatues. Il demeure d'abord fept jours en filence, pendant le premier mouvement de la fédition, & interrompt la fuite de fes homélies à l'arrivée des commiffaires de l'empereur. Quand il commence à parler, il ne fait que compatir à la douleur de ce peuple affligé, & attend quelques jours, pour reprendre l'explication ordinaire de l'écriture. Voilà en quoi confifte le grand Hift. 1. xx. art de l'orateur, & non pas à faire une tranfin. 11. ep.29. tion délicate, ou une profopopée. Ainfi quand S. Auguftin voulut abolir les Agapes, dont on abufoit, il fit pendant deux jours de fuite plufieurs fermons, & crut n'avoir rien fait, tant qu'il n'eut que des applaudiffemens : il commença à bien efpérer, quand il vit couler des larmes, & ne ceffa point qu'il n'eût obtenu ce qu'il defiroit. Ainfi faint Ambroise persécuté Hift. liv. par Juftine, confole fon peuple, l'encourage, le retient dans le devoir. Il fçait proportion43. 44. &c. ner fon difcours au fujet, au tems, à la dispo

XVIII. n.

fition de l'auditeur.

Les anciens ont défini l'orateur, un homme de bien qui fçait parler. En effet, la confiance fait la moitié de la perfuafion : celui qui paffe pour méchant & artificieux, n'eft pas écouté on fe défie de celui qu'on ne connoit pas : pour écouter volontiers, il faut croire celui qui parle également inftruit & bien intentionné. Après cela, que ne devoient point perfuader des évêques d'une vertu fi éprouvée, d'une capacité fi connue, d'une telle autorité ? Ils n'avoient qu'à ouvrir la bouche, qu'à fe montrer. Et qui pouvoit leur réfifter, quand à cette autorité ils joignoient une application continuelle aux be-. foins de leur troupeau, & une industrie singuliere pour gagner les cœurs?

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