ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
PDF
ePub

12.

xx. Civit.

ment par expérience, s'ils aiment Dieu avec v. Civit. c' une piété fincere & défintéreffée. Il enseigne auffi que Dieu récompense en cette vie les vertus purement humaines, comme celles des anciens Romains, parce qu'il ne leur réserve point d'autre récompenfe. Enfin il ajoute : nous apprenons maintenant à fouffrir patiemment c. 2. les maux que fouffrent même les bons, & à ne pas beaucoup eftimer les biens que les méchans même obtiennent. Ainfi Dieu nous donne une inftruction falutaire, en nous cachant fa juftice. Car nous ne fçavons par quel jugement de Dieu, cet homme de bien eft pauvre & ce méchant riche: pourquoi l'innocent est condamné & le criminel abfous. Que fi cette abfurdité, pour ainfi dire, avoit toujours lieu en cette vie on y pourroit trouver quelque raifon de juftice; mais il arrive fouvent du mal aux méchans & du bien aux bons, ce qui rend les jugemens de Dieu plus impénétrables.

Il femble qu'on eût oublié cette doctrine, quand les évêques & les papes mêmes employoient fi hardiment les promeffes temporelles pour engager les princes à les protéger;

comme entre autres le pape Etienne II. dans Steph. ep. 5. la lettre écrite aux François au nom de faint Hift. liv Pierre. Ces promeffes & ces menaces peuvent XL111.7.17. impofer quelque tems à des ignorans ; mais quand ils voyent qu'elles font fans effet, comme il arrive le plus fouvent, elles ne font propres qu'à les fcandalifer & à ébranler leur foi, les faifant douter de la folidité des promeffes & des menaces qui regardent l'autre vie. Cependant on a continué jufques dans les derniers Gécles à fuivre cette vieille prétention ; & je ne puis affez m'étonner qu'un homme auffi éclairé que le cardinal Baronius releve avec tant de foin les mauvais fuccès arrivez aux ennemis de

IV.

l'églife, particuliérement du faint fiége, comme autant de punitions divines; & les avanta ges des princes pieux comme des preuves qu'ils foutenoient la bonne cause. Toutefois la vérité de l'hiftoire l'oblige fouvent à recourir à la profondeur des jugemens de Dieu pour fauver les difgraces arrivées aux plus zélez catholiques; & il ne s'apperçoit pas qu'une preuve qui n'est pas toujours concluante, ne l'eft jamais.

Je reviens aux effets de l'ignorance & de la Reliques crédulité mal reglée. Il faut y compter la facilité à recevoir des reliques, dont l'examen demande à proportion du jugement & de la préMaurs Chr. caution, comme celui des miracles. Il est cer

4. 22.

tain en général que les reliques des faints méritent d'étre honorées; & vous en avez vu la pratique dès les premiers fiécles de l'église, dans les actes des martyrs les plus autentiques & dans les écrits des peres. Souvenez-vous entr'autres de ce que dit S. Auguftin des reliques de S. Etienne & des miracles qui s'y faifoient. Mais il témoigne que dès fon tems on débitoit de fauffes reliques, & il n'est pas toujours aifé de les diftinguer des vraies. On ne s'y feroit jamais trompé, fi l'on avoit toujours gardé la fage précaution de ne point toucher aux fépultures des faints, & de laiffer leurs corps entiers bien avant dans la terre, comme font encore à Rome ceux des faints apôtres; & vous 11. ep. 32. avez vu avec quelle fermeté faint Grégoire refufa à l'impératrice même le chef de S. Paul. On fe contentoit alors d'envoyer pour reliques, ou des linges qui avoient touché les fépultures des faints, ou des tapis qui les avoient couverts, ou qui avoient couvert leurs autels.

Ce fut en Orient que l'on commença à transférer & à divifer les reliques, & ce fut l'occafion dés impoftures. Car pour s'affurer des reliques,

il eût fallu les fuivre exactement depuis leur origine, & connoître toutes les mains par lefquelles elles avoient paffé, ce qui n'étoit pas fi difficile dans les commencemens. Mais après plufieurs fiécles il fut bien plus aifé d'impofer non-feulement au pape, mais aux évêques, devenus moins éclairez. & moins attentifs ; & depuis que l'on eût établi la regle de ne point confacrer d'églifes, ni d'autels fans reliques, la néceffité d'en avoir fut une grande tentation de ne les point examiner de fi près. L'intérêt d'attirer des offrandes & des pélerinages, qui enrichiffoient les villes, fut encore dans la fuite une tentation plus groffiere.

[ocr errors]

Je ne prétends pas par ces réflexions générales rendre fufpecte aucune relique en particulier : je fçai qu'il y en a plufieurs de très-certaines fçavoir celles des SS. patrons de chaque ville, qui y font morts & qui y ont toujours été honorez depuis; comme à Paris faint Denis, S. Marcel, fainte Geneviève. Car encore qu'elles ayent été transférées du tems des Normands, on ne les a jamais perdues de vûe. Pour les autres, j'en laiffe l'examen à la prudence de chaque évêque, & je dis feulement, que cet examen doit étre plus rigoureux à l'égard de celles, qui après avoir été cachées pendant plufieurs fiécles, n'ont paru que dans des tems d'ignorance, ou que l'on prétend avoir été apportées de fort loin, fans que l'on fçache ni cumment elles en font venues, ni comment elles avoient été confervées. Je crois toutefois que Dieu, qui connoît le fonds des cœurs, ne laiffe pas d'avoir agréable la dévotion des peuples, qui n'ayant intention que de l'honorer. en fes faints, réverent de bonne foi les reliques expofées depuis plufieurs fiécles à la vénération publique.

Il faut donc diftinguer ce qui eft de la foi catholique, fçavoir l'utilité de l'interceffion des faints & de la vénération de leurs reliques, d'avec les abus que l'ignorance & les paffions humaines y ont joints non-feulement en fe trompant dans le fait, & honorant comme reliques ce qui ne l'étoit pas, mais s'appuyant trop fur les vraies reliques, & les regardant comme des moyens infaillibles d'attirer fur les particuliers & fur les villes entieres toutes fortes de bénédictions temporelles & fpirituelles, Quand nous aurions les faints même vivans & converfant avec nous, leur présence ne nous feroit pas plus avantageufe que celle de JefusLuc. X111. Chrift. Or il dit expreffément dans l'évangile : Vous direz au pere de famille: nous avons bû & mangé avec vous & vous avez enfeigné dans nos places. Et il vous dira: Je ne fçai qui vous êtes.L'utilité des reliques eft donc de nous faire fouvenir des faints, & nous exciter à l'imitation de leurs vertus: autrement la préfence des reliques, ni des lieux faints ne nous fauvera pas, non plus que les Juifs, à qui le prophéte reprochoit, qu'ils fe confioient en des paroles de menfonges, en difant : Le temple du Seigneur, fans corriger leurs mœurs.

26.

Jerem. VII.

4.

2. 44.

V.

[ocr errors]

Les pèlerinages furent une fuite de la vénéraPélerinages. tion des lieux faints & des reliques, principaMaurs Chr. lement avant l'ufage de les transférer. Ils étoient plus faciles fous l'empire Romain, par le commerce continuel des provinces; mais ils ne laifferent pas d'être très-fréquens fous la domination des barbares, depuis que les nouveaux royaumes eurent pris leur confiftance. Je crois même que les mœurs de ces peuples y contribuerent; car ne s'occupant que de la chaffe & de la guerre, ils étoient dans un continuel mouvement. Ainfi les pélerinages devinrent

une

XLVII.2.35.

per- 40.

nit. v. t. 15>

une dévotion univerfelle des peuples & des rois, du clergé, des évêques & des moines. J'ofe dire que c'étoit préférer un petit acceffoire à l'effentiel de la religion : quand un évêque quittoit fon diocése pendant des années entieres pour aller de l'extrémité de la France ou de Î'Angleterre, à Rome ou même à Jerufalem: quand des abbez ou des moines fortoient de leurs retraites: quand des femmes & même des religieufes, s'expofoient à tous les périls de ces grands voyages. Vous avez vû par les plaintes Bonif. ep. de faint Boniface, les accidens déplorables qui 105. hift. 1. en arrivoient. Il y avoit fans doute plus à dre qu'à gagner, & je regarde ces pélerinages indifcrets, comme une des fources du relâchement de la difcipline, auffi s'en plaignoit-on Hift. liv. dès le commencement du neuviéme fiécle. XLVI. n. 5. Mais ce fut principalement la pénitence qui en V Morin pœfouffrit. Auparavant on enfermoit les pénitens Hift. 1. xxx. dans les diaconies, ou d'autres lieux près de . n. 42. Conc. l'églife, pour y vivre recueillis & éloignez des Cabel. 813. occafions de rechûte. Vous l'avez vu dans le c. Greg. ep. facramentaire attribué à faint Gelafe & dans 2. ad Leon. Hift.l. XL 1. une lettre du pape Grégoire III. mais depuis le ng. huitiéme fiécle on introduifit tout le contraire Morin liv. pour pénitence, en ordonnant aux plus grands xix. 6. 15. pécheurs de fe bannir de leur pays & paffer quelque tems à mener une vie errante à l'exemple Capit. Aquide Cain. On vit bientôt l'abus de cette péni- gr. an. 739. tence vagabonde, & dès le tems de Charlema- . 77. gne, on défendit de fouffrir davantage ces hommes affreux,qui fous ce prétexte courroient". 46. par le monde nuds & chargez de fers: mais l'ufage continua d'impofer pour pénitence quelque pélerinage fameux, & ce fut le fondement des croifades. L'abus dans la vénération des reliques dégé- Hift.l. xxxi. mere en fuperftition, mais l'ignorance du », 1.

H

Sup.l. XLIV.

VI.

Superstitions.

« ÀÌÀü°è¼Ó »