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dès-lors de grandes terres, les évêques fe trouverent engagez à fervir l'état comme les autres feigneurs. Je dis les évêques, car tous les biens eccléfiaftiques de chaque diocéfe étoient encore adminiftrez en commun fous leur autorité: on n'en avoit diftrait que les biens des monafteres. Ces portions attribuées à chaque clerc, que nous appellons bénéfices, n'étoient pas encore diftinguées, & ce que l'on appelloit alors bénéfice, étoit ou des fiefs donnez à des laïques, ou l'ufufruit de quelque fond de l'églife accordé à un clerc pour récompenfe, ou autrement, à la Liv. xxx n, charge de revenir après sa mort à la maffe com- 54. XXXI, %.

mune.

1. XXXII. n.

Les évêques avoient leurs vaffaux obligez à 59. leur ordre, pour les fiefs qu'ils tenoient d'eux, & quand l'évêque lui-même étoit mandé par le roi, il devoit marcher à la tête de fes troupes. Charlemagne trouvant ce droit établi, voulut Hift. liv. bien s'en relâcher à la priere de fon peuple, & XLV. n. 26. il difpenfa les évêques de fervir en perfonne, pourvu qu'ils envoyaffent leurs vaffaux. Mais ce réglement fut mal obfervé, & nous voyons après comme devant des évêques armez, combattans, pris & tuez à la guerre.

IX.

Indépendamment de la guerre, les feigneuries temporelles devinrent aux évêques une Seigneuries grande fource de diftraction. Les feigneurs temporelles des églises, avoient beaucoup de part aux affaires d'état, qui fe traitoient ou dans des affemblées générales, ou dans les confeils particuliers des princes, & les évêques comme lettrez, y étoient plus utiles que les autres feigneurs. Il falloit donc être prefque toujours en voyage; car ni la cour du prince, ni les affemblées ou parlemens n'avoient point de lieu fixe. Charlemagne, par exemple, étoit tantôt deçà, tantôt delà le Rhin, tantôt en Italie, tantôt en Saxe,

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aujourd'hui à Rome, dans trois mois à Aix-laChapelle. Il menoit toujours avec lui grand nombre d'évêques, fuivis de leurs vaffaux & de leurs domeftiques : quelle perte de tems, quelle diftraction! quand trouvoient-ils du loifir pour prêcher, pour étudier? les parlemens ou affemblées générales étoient auífi des conciles; mais ce n'étoit plus ces conciles. établis fi fagement par les canons en chaque province, entre les évêques voifins : c'étoit des conciles nationaux de tout l'empire François, où l'on voyoit ensemble l'archevêque de Cologne avec ceux de Tours, de Narbonne & de Milan, les évêques d'Italie, de Saxe & d'Aquitaine. Les reglemens en étoient plus uniformes, mais le peu de réfidence des évêques nuifoit à l'exécution.

Ces affemblées étoient effentiellement par

lemens, & conciles par occafion , pour profiter de la rencontre de tant d'évêques enfemble. Le principal objet étoit donc le temporel & les affaires d'état ; & les évêques ne pouvoient fe difpenfer d'y prendre part, étant convoquez pour cet effet comme les autres feigneurs. Delà vient ce mélange du temporel & du fpirituel fi pernicieux à la religion. J'ai rapHift.l.xx11. porté en leur tems les maximes des anciens fur n. 45. liv. la diftinction des deux puiffances eccléfiaftiques & féculieres: entre autres la lettre de Synefius & le fameux paffage du pape Gelafe tant de fois relevé dans la fuite. Vous avez vû que ces faints docteurs étoient perfuadez que encore que les deux puiffances euffent été joinquelquefois avant la venue de JefusChrift: Dieu connoiffant la foibleffe humaine, les a depuis entiérement féparées, & que comme les princes fouverains, bien qu'établis par l'ordre de Dieu, n'ont aucune part au facer

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tes

doce

t. 8. conc.

doce de la loi nouvelle: ainfi les évêques n'ont reçu de Jefus-Christ aucun pouvoir fur les chofes temporelles. En forte qu'ils font entierement foumis aux princes à cet égard, comme pour le fpirituel les princes font entierement foumis aux évêques. Voilà les maximes de la fainte antiquité, que nous voyons en leur entier au huitiéme fiécle, dans la feconde lettre du pape Gregoire III. à Leon Ifaurien. Le pa- Hift. liv. pe Nicolas I. les alleguoit encore au fięcle fui- XL11. 2. q. vant, écrivant à l'empereur de C. P. Avant Nic. cp. 8. Jefus-Chrift, dit-il, il y avoit des rois qui p. 325. étoient auffi prêtres comme Melchifedec. Le Hift liv. diable l'a imité en la perfonne des empereurs 1. #. 41. payens, qui étoient fouverains pontifes: mais après la venue de celui qui eft veritablement roi & pontife, l'empereur ne s'eft plus attribué les droits du pontife, ni le pontife les droits de l'empereur. Jefus-Chrift a féparé les deux puiffances: en forte que les empereurs Chrétiens euffent befoin des pontifes pour la vie éternelle, & que les pontifes fe ferviffent des loix des empereurs, pour les affaires temporelles. Ainfi parloit le pape Nicolas, que perfonne n'accufe d'avoir négligé les droits de fon fiége.

X.

Confufion des deux

Hift. liv. XLIX n. 46.

Mais depuis que les évêques fe virent feigneurs & admis en part du gouvernement des etats, ils crurent avoir, comme évêques, ce puiffances. qu'ils n'avoient que comme feigneurs : ils prétendirent juger les rois, non-feulement dans le tribunal de la pénitence, mais dans les conciles, & les rois peu inftruits de leurs droits, n'en difconvenoient pas: comme je l'ai rapporté, entre autres, de Charles le Chauve & de Louis d'Outremer. La cérémonie du facre, introduite depuis le milieu du huitiéme fiécle, fervit encore de prétexte : les évêques en impofant la

I

LII. n. 12.

LV. H. 36.

couronne, fembloient donner le royaume de la
part
de Dieu.

Dès auparavant je trouve un attentat notable fur la dignité royale, que je compte pour le premier. C'eft la dépofition de Vamba roi des Vifigoths en Espagne au douzième concile Liv. 1. n. de Tolede l'an 681. fous prétexte qu'on l'avoit mis en pénitence & revêtu de l'habit monasti

29.

n. 40.

que quoiqu'à fon infçû, parce qu'une maladie Liv. XLVII. lui avoit fait perdre connoiffance. Le fecond exemple célebre eft la pénitence de Louis le débonnaire: après laquelle les évêques qui la lui impoferent, prétendoient qu'il ne lui étoit plus permis de reprendre la dignité royale. S. Ambroife ne tira pas de telles conféquences de la penitence de Theodofe. Dira-t-on que ce grand faint manquât de courage pour faire valoir l'autorité de l'églife, ou qu'il fût moins éclairé que les évêques Goths du feptiéme fiécle & les François du neuvième ?

Liv. XXIV. n. 51. 52.

210.

Le comte Boniface gouverneur d'Afrique, pouffé à bout par les ennemis qu'il avoit à la Aug. ep. cour, prit les armes pour fa fûreté, & confulta faint Auguftin fon ami. Ce faint docteur lui donne des avis falutaires pour le reglement de fes mœurs & le bon ufage de fa puiffance: mais quant à la guerre qu'il avoit entreprise, il lui déclare nettement, qu'il n'a point de confeil à lui donner, & qu'il ne veut point toucher cette matiere. C'eft qu'il fçavoit parfaitement les bornes de fes devoirs, & ne vouloit pas faire un pas au-delà. Nos évêques bien plus hardis fe déclarerent contre Louis le débonnaire, pour fes enfans: & les animerent à cette guerre civile, qui ruina l'empire François. Les pretextes fpecieux ne leur manquoient pas : Louis étoit un prince foible, gouverné par fa feconde femme, tout l'empire étoit en défordre : mais

il falloit prévoir les confequences, & ne pas prétendre mettre en pénitence un fouverain comme un fimple moine.

:

Hift. liv

W. 24.

Les papes croyant avec raison, avoir autant & même plus d'autorité que les évêques, entreprirent bientôt de regler les differends entre les fouverains, non par voye de médiation & d'interceffion feulement, mais par autorité: ce qui en effet étoit difpofer des couronnes. C'eft ainfi qu'Adrien II. défendoit à Charles le chauve de s'emparer du royaume de Lothaire L1. fon neveu, & trouva fort mauvais qu'il n'eût LII. ". Lo pas laiffé de s'en mettre en poffeffion. Mais Vous avez vû avec quelle vigueur Hincmar répondit aux reproches de ce pape, lorsqu'il lui difoit fous le nom des feigneurs François, que la conquête des royaumes de ce monde fe fait par la guerre & par les victoires, & non par excommunications du pape & des évêques. Et LII. #. 1. enfuite : priez le pape de confiderer, qu'il ne peut être tout ensemble roi & évêque ; que fes 'p*f. 41. prédéceffeurs ont reglé l'églife & non pas l'état. Et encore: Il ne convient point à un évêque d'excommunier, pour ôter ou donner à quelqu'un un royaume temporel ; & le pape ne nous perfuadera pas, que nous ne puiffions arriver au royaume du ciel, qu'en recevant le roi qu'il nous voudra donner fur la terre.

les

Voilà jufques où font allez les inconveniens de cette alliance de l'épifcopat avec la seigneurie temporelle. On a crû dans ces tems moins éclairez, qu'être évêque & feigneur, valoit mieux qu'être évêque fimplement mais on n'a pas confideré que le feigneur nuit à l'évêque,comme nous ne le voyons que trop encore à prefent en Allemagne & en Pologne. C'eft en ces rencontres qu'a lieu la fage maxime d'Hefiode, que la moitié vaut mieux que le tout,

Hincmar

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