페이지 이미지
PDF
ePub

fans. Le Duc lui fit peindre tous les portraits de fa maison, & SCHIDONE. la variété qu'il fçut y repandre, fit bien valoir toutes les autres parties de la peinture.

(a) Vidriani.

Les tableaux du Schidone font auffi rares que fes deffeins. Le cavalier Marin fut felon un auteur (a) cinq ans à en obtenir un de fa main, & il rapporte dans une de fes lettres que tous les connoiffeurs prirent ce morceau pour être du Parmefan ou du Corrége. Quel éloge pour le Schidone de difputer avec de tels maîtres?

La malheureuse paffion qu'il avoit pour le jeu lui faifoit perdre beaucoup de temps. C'eft fans doute la raifon pour laquelle on voit fi peu de fes ouvrages. Il perdit dans une nuit une groffe fomme qu'il n'étoit pas en état de payer & il en fut fi touché, qu'il mourut de douleur à Parme en 1616. âgé d'environ cinquantè-six ans.

Peu d'auteurs ont parlé de ce peintre & même ceux qui (b) Raccolta dei ont écrit des peintres (6) Modénois en ont rapporté peu de pittori, fcultori, & traits. Nous y fuppléérons par quelques réflexions fur fon caarchitetti Modonefi ractere. Le Schidone eft élégant dans fon ftyle & sa touche est

di L. Vidriani.

admirable; fans être exactement correct, les graces qu'il a répandues dans fes tableaux, fes beaux airs de têtes, fon précieux fini attirent à eux les yeux des connoiffeurs; on y trouve un ragoût de couleur & une chaleur de pinceau peu com

mune.

Nous ne connoiffons point fes difciples.

Le petit nombre de deffeins que nous avons de ce peintre eft excellent. Les uns font heurtés d'une grande maniére à la plume avec de grandes masses à l'encre de la Chine & un peu de blanc au pinceau fur les grands jours. On y trouve, fans qu'il y ait rien de formé, une touche hardie & un feu qui étonnent & qui en les regardant d'un certain point font tout l'effet du tableau. Les autres deffeins font plus arrêtés & faits de la même manière, ils expriment les graces dont ce peintre étoit infpiré, & l'on y découvre un caractére & une fineffe qui accompagnent toujours les vrais deffeins de ce maî

tre.

Les ouvrages du Schidone font à Plaifance & à Modéne. Dans l'Eglife de faint François de la ville de Plaisance on voit du côté de la chapelle de la Conception une Vierge avec des anges & divers faints, c'est un de fes plus beaux tableaux.

Au

Au palais Scotti à Plaisance une Vierge en petit, une autre tête fort belle.

Dans la ville de Modène à faint Pierre martyr, il a fait une belle copie de la fameuse nuit du Corrège; dans la chambre neuve du confeil un Coriolan & plufieurs figures fymboliques très-belles; dans la maifon de Profpero Tofchi une Vierge qui tient le Jefus avec plufieurs faints.

Dans la galerie de l'Archevêque de Milan une Vierge en petit avec faint François, peinte fur bois.

Chez le Duc de Modéne tous les portraits des Princes de fa maison font faits de fa main, une frife avec des enfans & les forces d'Hercule autour d'une petite cour du palais.

M. le Duc d'Orléans poffède une fainte famille & une Vierge qui montre à lire à l'enfant Jefus, tableaux peints fur bois.

Ce maître a gravé de fa main une fainte famille en petit, J. Smith une Vierge d'après lui à la manière noire, & Sifto Badalocchio une autre fainte famille à l'eau forte.

SCHIDONE.

K k

MICHELANGE DE
CARAVAGE.

LE

CARAVAGE.

OICI le troifiéme peintre de ce nom, qui pourroit, eu égard au mérite, être placé entre Michel-Ange Buonarota & Michel-Ange des batailles, il y a encore deux Caravage, Polidor de Caravage & celui-ci. Ils ont de commun tous deux d'être nés dans le même lieu & d'avoir porté le mortier de chaux avant que d'être peintres.

Le Caravage s'appelloit Michel-Angelo Amerigi dà Caravagio, Château fitué dans le Milanois dans lequel il est né en 1569. Son pere maçon de profeffion l'employoit à faire la colle pour les peintres qui peignoient à frefque dans la ville de Milan, l'habitude d'être toujours avec eux & de les voir travailler lui infpira le même goût; fans maître, fans avoir

étudié les grands ouvrages, fans confulter les antiques, il de-
vint un grand peintre : il fit le portrait pendant quatre ou cinq
ans; regardant la nature comme la route la plus fûre
fon art, il en étoit efclave; en effet il n'a rien peint que d'a-
près nature, faififfant fans choix le beau comme le médiocre,
copiant même jufqu'aux défauts du naturel.

pour

Un jour qu'on lui montroit de belles figures antiques, il dit en fe tournant vers plufieurs perfonnes affemblées près de là, voyez combien la nature m'a donné de modéles à fuivre fans toutes vos ftatuës, & fur le champ il entra dans un cabaret & peignit parfaitement une Bohémienne qui paffoit dans la ruë.

On ne pouvoit converser avec lui, naturellement querelleur il méprifoit tout le monde, aucuns ouvrages que les fiens ne lui paroiffoient être bons. Un homme de ce caractére ne tarde pas à fe faire des ennemis, en effet une affaire qu'il eut à Milan l'obligea d'en fortir & de partir pour Venife, où il s'attacha à la maniére du Giorgion, mais il n'y refta pas long-temps & se rendit à Rome. Manquant de tout & n'ayant pas dequoi payer un modéle, la néceffité le réduifit à travailler dans l'attelier de Jofepin qui lui faifoit peindre des fleurs & des fruits. Ce talent auquel il étoit peu propre l'ennuya & il quitta Josepin pour se mettre à peindre de grandes figures chez Profpero peintre de grotefques qui le pronoit par tout & vendoit fes

ouvrages.

Le cardinal del Monte charmé d'un tableau de joueurs qu'a voit peint le Caravage, l'acheta, il voulut voir l'auteur & le retint dans fon palais où il peignit plusieurs morceaux dans le cafin de fon jardin.

Michel-Ange qui dans fa premiére maniére fuivoit le Giorgion, étoit fuave, agréable & peignoit d'un bon ton de coufeur. Il voulut pour fe diftinguer en prendre une nouvelle qui, quoique très-dure, lui réüffit au point qu'il fut regardé comme un des premiers peintres de fon temps. Ses teintes n'étoient plus adoucies, tout étoit reffenti par des ombres fortes & beaucoup de noir pour détacher & donner du relief à fes figures, c'est une oppofition fubite de clair & d'ombre fans aucun paffage, fans repos pour frapper davantage le specrateur: ce contrafte de lumiére & d'ombre eft foutenu cependant par une exacte représentation de la nature.

LE

CARAVAGE.

LE

Il avoit fait noircir les murs de fon attelier afin que les ombres du naturel privées de reflets fuffent plus fortes & ne reCARAVAGE. Çuffent le jour que d'une feule lumiére prise du haut de fa fenêtre, c'est ainsi qu'il a répandu dans ses tableaux ce fombre, cette force qui efface du premier coup d'œil les autres peintures.

Tous les jeunes gens entraînés par la facilité de peindre fans faire d'études, venoient dans fon école, ils trouvoient par tout la nature & des modéles.

Le Caravage fut heureux d'exercer fon talent dans un temps où l'on ne peignoit que de pratique, fon coloris d'après nature n'en parut que plus beau. Cependant fa maniére outrée & peu vraisemblable n'étoit bonne que pour les portraits, les demi-figures, & ne convenoit qu'aux fujets de nuit : la nature étoit fi parfaitement imitée, fes couleurs locales fi bien placées, fes lumiéres fi bien entenduës, qu'il ne laiffoit rien à défirer. Toutes ces beautés s'évanouiffoient dans les grandes compofitions, fa maniére de peindre devenoit dure & infupportable, il plaçoit fes figures fur le même plan fans dégradation, fans perfpective & fa lumiére étoit toujours la même dans toutes fortes de fujets.

Il peignit le portrait de Paul V. auprès duquel le cardinal Borghéfe l'avoit introduit, il fit enfuite celui d'Urbin VIII. & un facrifice d'Abraham pour ce Pontife.

Tous les peintres fe liguérent contre le Caravage, ils lui reprochoient qu'il n'avoit ni génie, ni bienséance, ni grace, ni intelligence, ni un beau choix. Ses figures en effet ne font point nobles, il ne repréfentoit que les porte-faix qui lui fervoient de modéles fans annoblir leurs têtes pour exprimer celles des faints, des héros, & des autres grands perfonnages qu'il avoit à représenter.

Comme il ne peignoit ordinairement que des demi-figures, fouvent feules, & que c'étoient des gens du commun, fon goût réüffiffoit affez bien; quand il peignoit des fujets de dévotion, il avoit le chagrin que l'on les ôtoit de deffus les Autels. Le premier tableau qu'il fit pour une Eglife fut un faint Matthias qu'il repréfenta comme un païfan, les Peres de faint Louis des François pour qui le tableau étoit fait, l'ôtérent & il en fit un autre qui eft un peu mieux. On enleva de même de l'Eglife de la Madona della Scala le tableau de la mort de la

« 이전계속 »