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ouvrages du jeune Guide après les avoir un peu retouchés, & LE GUIDE. ne lui en donnoit qu'une légère retribution, ce qui détermina le jeune homme à le quitter & à fe jetter à l'âge de vingt ans entre les bras de Louis Carrache.

Le Guide étoit fi bien fait, fi beau de vifage, que Louis le prenoit pour modéle quand il peignoit des anges. Annibal jaloux de fon mérite naiffant, le vouloit détourner de la peinture, difant qu'il en fçavoit trop, & qu'il deviendroit un jour plus habile qu'eux tous. Le Guide fuivit quelque temps la maniére du Caravage, qu'il quitta fitôt qu'il eut entendu dire à Annibal qu'il fuffifoit pour fe faire une réputation de prendre une manière toute oppofée à la fienne, pourvû que l'on fuivît le beau de la nature, il en prit une plus claire, plus vague & qui plaifoit davantage.

Louis Carrache complaifant pour les autres difciples, ceffa de l'être pour le Guide; jaloux de fes grands fuccès, il lui donna plufieurs fujets de mécontentement qui le firent fortir de fon école ; ce fut alors qu'il travailla en concurrence avec Louis, & qu'il lui fut préféré dans plufieurs ouvrages publics. La pratique de peindre à fresque ajoûta encore à fon fçavoir & à fa reputation. Le morceau qui représente faint Benoît dans le défert recevant des préfens de plufieurs perfonnes diftinguées par l'âge, le fexe & les habits, eft peint d'une fi grande manière dans le cloître de faint Michelin bofco, que Louis en fut frappé. On trouve dans les variétés de ce tableau le goût de Raphaël, du Corrége, du Titien & de Michel-Ange.

L'envie de voir les excellentes peintures de la ville de Rome, porta le Guide & l'Albane à s'y rendre de compagnie, ils y trouvérent le cavalier Jofepin pour lors en grande répu tation, & il employa le Guide à plufieurs ouvrages, qu'il ôta au Caravage qu'il n'aimoit pas.

Annibal Carrache fçut mauvais gré à l'Albane d'avoir amené le Guide à Rome, le Caravage n'en fut pas moins allarmé, il fentoit que fa manière de peindre n'avoit plu que par la nouveauté, & que celle du Guide toute oppofée à la fienne, pouvoit plaire par la même raifon. Il n'y eut point d'infulte qu'il ne fît à Jofepin & au Guide qui reçut de part une grande balafre fur le vifage: les difciples même du Caravage le critiquoient par-tout. Il n'y avoit que le cardinal Borghéfe & le Jofepin qui le foutinffent; fes ouvrages faifoient

fa

pu- LE GUIDE.

encore plus, ils le conduifoient pas à pas à l'immortalité. On
expofa à faint Augustin les douze apôtres de fa main, & le
blic ne fit qu'augmenter l'eftime qu'il avoit conçuë de lui; le
martyre
de faint André dans l'Eglise de saint Grégoire qu'il
fit en concurrence avec le Dominiquin acheva fa réputation.
Sa victoire fut complette & Paul V. le choifit pour la cha-
pelle fecrette de Monte Cavallo. Il a représenté à l'Autel
l'annonciation, le paradis avec beaucoup de figures dans la
coupole, & des enfans peints à fresque fur les côtés. L'Albane
& Lanfranc l'aidérent dans cet ouvrage dont le Pape prefloit
l'exécution. Par une adreffe particulière d'opposer la Peintu-
re à la leur pour paroître davantage, il ne retouchoit rien, &
l'on reconnoiffoit facilement le caractére de tous ces peintres.
Cette chapelle eft fi belle, que l'on disoit en la voyant, sculpta
putas que picta vides.

Le Pape prenoit fouvent plaifir à voir travailler le Guide, il le faifoit couvrir en fa présence. Ce peintre enflé de fon mérite dit à ce fujet, fi le Pape ne m'avoit pas accordé cette grace, je me ferois couvert de moi-même, comme chose duë à mon art, en fuppofant une incommodité : c'est pour cette raifon qu'il ne vouloit point fervir les têtes couronnées chez lefquelles il eût travaillé étant découvert. Sur ce qu'on lui reprochoit qu'il ne venoit pas faire fa cour au cardinal légat de Bologne qui ne cherchoit qu'à lui faire plaisir, on lui a entendu dire qu'il ne troqueroit pas fon pinceau contre la barette d'un cardinal; qui ne jugeroit à ces traits que le Guide ait eu beaucoup de fierté? Cependant excepté ce qui regardoit l'honneur de fon art, fa modeftie a éclaté dans toutes les ac

tions de fa vie.

Mécontent du tréforier du Pape qui refufoit de lui payer ce qui lui étoit dû fur la chapelle de Monte Cavallo, voulant qu'il commençât celle de fainte Marie Majeure, il s'en alla fecrettement à Bologne, où il peignit dans l'Eglife de faint Dominique le maffacre des Innocens dans la chapelle Conti & la tribune de l'arcade de la chapelle de faint Dominique où il a représenté l'apothéofe de ce faint; ces ouvrages qu'il avoit enlevés à Louis Carrache, lui méritérent le rang d'un des premiers peintres de fon fiècle.

Le Pape fâché de fon départ manda au cardinal légat de Bologne de faire revenir promptement le Guide à Rome, le

légat le fut trouver à fon attelier, & ne pouvant le réfoudre LE GUIDE. à ce voyage, il le menaça de le faire arrêter. Un cavalier qui s'entremit dans ce différend, dit au legat que s'il falloit don ner des chaînes au Guide, elles devoient être d'or. Enfin le Guide adouci par ce cavalier, fut affuré qu'il n'auroit point affaire aux miniftres du Pape, & il reçut un ordre de prendre fur la banque de gros appointemens par mois,

La plupart des cardinaux à fon arrivée à Rome envoyérent leur caroffe au-devant de lui jufqu'au ponte mole fuivant l'u fage obfervé aux entrées des ambaffadeurs : le Pape le reçut fort bien, lui fit payer ce qui lui étoit dû, & lui affigna une penfion, des vivres, avec un caroffe à fa difpofition. Il fe mit à travailler de compagnie avec le Jofepin & le Civoli à la chapelle de fainte Marie Majeure. On voit à fresque fur les cô, tés de la fenêtre, l'ange qui remet la main coupée à faint Jean Chrisoftôme, & la Vierge qui donne une chafuble à faint Idelfonfe. Il peignit fur la grande arcade les Peres Grecs & les faints Empereurs. Le Pape vint vifiter fon ouvrage avec un grand cortège, il le trouva admirable, & le cavalier Jofepin dit au faint Pere, nous autres, nous travaillons comme des hommais le Guide travaille comme un ange.

mes,

Les amis de ce peintre vouloient qu'il reftât à Rome pour profiter des graces qu'il pouvoit efpérer du Pape, mais fa penfion ayant été fupprimée,& ayant attendu vainement un ordre de chevalerie qu'on lui avoit promis,il s'en retourna à Bologne pour y jouir de fa patrie & de fes amis. Il y acheva l'arcade de faint Dominique qu'il avoit laiffé imparfaite, & le Sénat de Bologne lui donna à peindre dans l'Eglife Dei mendicanti, les quatre protecteurs de la ville en clair-obfcur. C'est dans cet ouvrage qu'il fit connoître aux Carrache combien il fçavoit s'élever & paroître fier quand le fujet ne demandoit pas un caractére tendre & délicat.

Le Guide eut la gloire d'être préféré par la ville de Genes à tous les peintres Bolonois pour une affomption de la Vierge accompagnée des douze apôtres. La nature fans ceffe confultée, un détail précis de fes beautés, l'heureux talent qu'il avoit de les embellir, fe trouvent dans la quantité d'études faites pour ce tableau, qu'il expofa dans une falle, où deux de fes difciples le montroient à tous les peintres. A l'exemple d'Apelle il fe tenoit caché dans un cabinet derrière la toi

le, pour entendre ce qu'on difoit de fon ouvrage.

Il fouffroit avec peine qu'on copiât fes tableaux, & il fit chaffer de fon attelier tous les copiftes. Giacomo Sementa Francesco Gelfi, & le Sirani étoient employés à ébaucher les grands morceaux. Ayant envoyé ces trois peintres à Mantouë pour entreprendre plufieurs ouvrages à frefque, le cardinal Al dobrandini Archevêque de Ravenne le fit prier par le cardinal légat de venir en cette ville pour peindre dans la Cathédrale la chapelle du Saint Sacrement. Enfuite il fut mandé à Naples pour orner la belle chapelle du tréfor. La crainte d'être empoisonné & la menace des peintres Napolitains qui infulté rent un de fes éléves le firent revenir promptement à Rome,

A peine y fut-il arrivé qu'il reçut cinq cens écus d'arrhes de la fabrique de faint Pierre, pour y peindre l'histoire d'Attila. Le Guide eut le malheur de perdre cette fomme au jeu, & ne voyant aucune efpérance de recevoir de l'argent de longtemps, il emprunta une pareille fomme qu'il rendit à la fabri que, il fit gratter enfuite une gloire d'anges qu'il avoit commencé à peindre à frefque dans faint Pierre & s'en retourna à Bologne, dans une appréhenfion terrible d'être poursuivi.

Il étoit difficile d'avoir un tableau de fa main,la feule propofition le rebutoit, & il falloit le fçavoir prendre en jouant avec lui. Livré entiérement à cette paffion, il ne fréquentoit plus que la mauvaise compagnie : ce fut alors qu'il travailla pour gagner de l'argent & pour payer ce qu'il devoit; fon efprit naturellement chagrin étoit encore agité par le mauvais état de fes affaires, au point qu'il fe mit à peindre à la journée à tant par heure.

Cette trifte fituation le fit rentrer en lui-même, pendant deux ans il difcontinua de jouer afin d'acquitter deux dettes confidérables qu'il avoit contractées au jeu fur fa parole. Cependant la paffion prit le deffus, il gagna beaucoup, mais il perdit enfuite tout ce qu'il poffédoit.

Dans fes difgraces fon pinceau étoit fa refsource, il travailloit avec tant de facilité & de diligence que le Prince JeanCharles de Toscane dans une de fes vifites, lui ayant demandé une tête d'Hercule, il la peignit en deux heures fi parfaitement, que le Prince lui donna foixante piftoles dans une boëtte d'argent & une chaîne d'or avec fa médaille. Le cardinal Cornaro vit pareillement peindre en quatre heures une Vierge

LE GUIDE.

ayant les mains jointes. Sa bourse lui fut ouverte, & la difcréLE GUIDE. tion que le peintre eut de ne prendre qu'une fomme modique, lui valut encore une chaîne d'or.

Le Guide travailloit avec décence, toujours habillé, le manteau tourné autour du bras gauche, fe faifant fervir par fes éléves qui s'eftimoient fort heureux d'être choifis pour lui préparer fa palette & nétoyer fes pinceaux. Il peignoit volontiers fur le taffetas qu'il croyoit moins fujet à la pourriture que la toile le terme de prix pour un tableau n'étoit pas un terme assez honnête felon lui; il vouloit qu'on l'appellât l'honoraire d'un peintre, jamais le Guide n'a demandé de l'argent, il traitoit toutes les affaires par tierce perfonne; fes tableaux étoient envoyés aux grands Seigneurs fans y fixer de prix, & fouvent les récompenfes en étoient plus fortes.

:

Extrêmement modefte, il brûla quantité de lettres de fouverains & de fçavans qui pouvoient flatter fon amour propre & l'on difoit de lui che maggior gloria riceve de fuoi colori Guido Reni che da gl'altri inchioftri. Il n'aimoit que les avantages de fon art, jaloux de fa réputation, attentif fur les honneurs qu'il croyoit en être dépendans, il ne rendoit aucune vifite aux grands, difant que, quand on le venoit voir, c'étoit le talent que Dieu lui avoit donné que l'on cherchoit & non pas fa perfonne.

Tout étoit fagement réglé dans fon attelier & fans aucun scandale; quand il fe fervoit de modéles de femmes, il ne reftoit jamais feul avec elles, n'en employant aucune dans fa maifon. Son école étoit fouvent compofée de deux cens étudians: il les faifoit fervir de modéles, leur donnoit de ses desseins, ne leur cachoit rien de fon art, & retouchoit volontiers leurs ouvrages, mais il les tenoit très-foumis. Personne n'aimoit tant la fociété & à faire plaifir que le Guide; fa maison étoit ouverte à tout le monde, il étoit fi confciencieux qu'il ne recevoit jamais d'arrhes qu'il n'eût fait fur la toile affez d'ouvrage pour les valoir un jour en cas que la mort l'empêchât de le finir.

Le clavecin après fon travail lui fervoit de délaffement, il ne lifoit guére & écrivoit peu, ne fçachant point l'ortographe. Dans les réponses qu'il étoit obligé de faire aux fouverains, fon ami Rinaldi lui étoit d'un grand fecours; on dit qu'il craignoit les forciers & le poifon. L'honneur de fon art fut fa feule ambition, ainfi que d'être logé au large, mais fans meubles. L'on vient voir, difoit-il, des tableaux chez moi, & non

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