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ANGE DES

niére qui entraînoit alors tous les jeunes gens de Rome. MICHEL Michel Ange furpaffa tous fes camarades pour le bon goût, fa façon de peindre lui étoit particuliére, fon naturel jovial étoit exprimé dans tous fes tableaux, il chargeoit fi bien le ridicule de fes figures, il leur donnoit tant de force & de vérité, qu'on ne pouvoit s'empêcher de rire.

Les Espagnols étoient fi fort de fon goût, qu'il affectoit de s'habiller comme eux : il étoit bienfait de fa perfonne, & très-aimable en compagnie. Par fa maniére de peindre qui étoit plaifante, par cette humeur enjoüée, fon attelier étoit toujours rempli de Romains & d'étrangers. Sa vivacité & la facilité de fon pinceau étoient fi grandes, que fur le récit d'une bataille, d'un naufrage ou d'une figure extraordinaire, il peignoit fur le champ un tableau. Sa couleur étoit vigoureufe, & fa touche légère, il ne faifoit jamais de deffeins, ni d'efquiffes, il retouchoit feulement fes tableaux jufqu'à ce qu'ils euffent atteint toute la perfection qu'il pouvoit leur donner.

Ses ouvrages fe répandirent dans toute l'Italie, ainfi que chez
les étrangers, à peine pouvoit-ilfuffire à toutes les commiffions
qu'il recevoit, vrai moyen de devenir riche en peu de temps,
il amaffa tant d'argent qu'il en fut embarraffé. La coutume
à Rome de placer fon bien au Mont de Piété n'étoit point de
fon goût. Le même efprit qui lui fourniffoit les pensées ex-
traordinaires qu'il exprimoit dans fes tableaux, ne lui fuggé
roit pas des moyens moins finguliers pour mettre les effets
en fûreté : enfin il crut bien faire d'enterrer fon argent.
que
Michel Ange partit une nuit de Rome à pied, pour aller
cacher une groffe fomme dans un lieu bien écarté qu'il avoit
remarqué dans le voisinage de Tivoli; le poids de l'argent
& la longueur du chemin l'empêchérent d'y arriver avant le
jour, ce qui le détermína à l'enfouir fous un côteau : comme
il revenoit à Rome, la crainte qu'on ne prît fon argent le
fit retourner fur le lieu, il y trouva quantité de bergers &
de beftiaux, il fit la fentinelle tout le jour; les bergers re-
tirés, il reprit son argent qu'il eut bien de la peine à rap-
porter chez lui où il arriva à demi mort, ayant été un jour
& deux nuits fans dormir & fans prendre aucune nourriture.
Cet accident lui ouvrit les yeux, il plaça fon argent dans
les lieux ordinaires, & s'en fervit dans la fuite pour faire des

F

BATAILLES.

MICHEL ANGE DES

BATAILLES.

fondations pieuses. Sa fanté ne put jamais fe rétablir, quel
que foin que priffent fes amis pour lui procurer cet avanta-
ge;
dans le temps qu'ils s'en flattoient le plus, une groffe fié-
vre le prit, & il finit fes jours à Rome en 1660, âgé de
cinquante-huit ans. Son épitaphe fe lit dans l'Eglife des Or.
fanelli qu'il n'avoit pas oublié dans fon teftament.

Ce peintre ne fut point marié & on ne lui connoît point d'éléves: extrêmement régulier dans fes mœurs, fidéle à fa parole, il aimoit à foulager les peintres, il difoit du bien de tout le monde, particuliérement de ceux qui parloient mal de fes ouvrages. Ces bonnes qualités lui attirérent l'amitié de plufieurs perfonnes, & principalement de Giacintho Brandi fameux peintre.

Il faut obferver que fes derniers ouvrages font les meilleurs; il a peu travaillé dans les Eglifes, & fes tableaux d'hiftoire font très inférieurs aux autres.

On voit fi peu de deffeins de ce maître, qu'on ne peut rien afsurer de fa maniére de deffiner. Quelques marines faites gróffiérement à la plume, lavées au biftre, paffent pour être de fa main, le païfage en eft très négligé, & les hachures en font prefque paralleles. Une barque remplie de foldats deffinée à la pierre noire rehauffée de blanc à la craie, eft ce qu'on a vû de plus considérable de ce maître, la touche bien différente des autres & plus fpirituelle approche de celle de Jean Miel ou de Bamboche.

Ses principaux ouvrages à Rome font les quatre faifons qu'il a peintes pour le palais Salviati, ainfi qu'un faint Jean prêchant dans le défert à une multitude de peuple. Une fête marine ornée de beaucoup de vaiffeaux & de figures, plufieurs fujets de la vie de faint Jean. Des marches d'armées, des combats fuivis de la dépouille des morts, des fourages, des chaffes, une mafcarade, des noces de village.

La vue de la fontaine de l'Acqua Acetofa, fituée aux portes de Rome avec un grand nombre de figures.

Il a fouvent peint des figures dans les tableaux de perfpective de Viviani. A faint André delle grotte fur la porte de la facriftie, il a repréfenté dans la lunette, faint François de Paul qui diftribue des cierges benits à une grande quantité de peuple & de foldats. Ces Religieux ont vendu le tableau au Cardinal Carpeigne.

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La grande place du marché de Naples.

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MICHEL

Une converfation de peintres de fes amis avec leurs por- ANGE DES

traits & le fien.

Le Roy a un tableau de ce peintre, c'eft une mascarade.
Il y a au palais Royal une autre mascarade de fa main.
On ne connoît qu'un vafe de fleurs gravé dans le cabinet
d'Aix par Colemans,

BATAILLES.

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UASPRE Dughet furnommé Pouffin, quoique né à Rome en 1613, étoit fils de Jacques Dughet Parifien établi en cette ville. Son pere qui avoit marié une de fes filles au fameux Pouffin, lui avoit donné dans la fuite pour éléve fon fils Guafpre en qui un grand talent pour la peinture s'étoit manifefté dès la plus tendre jeuneffe. Guafpre prit le nom de Pouffin à cause de l'alliance qui étoit entr'eux : le Pouffin lui reconnut un goût particulier pour le païfage, il ne voulut pas néanmoins le détourner de l'étude des figures qui en font le principal ornement. Ses commencemens furent fi heureux, que le Pouffin difoit à fes amis qu'il ne croiroit pas que les tableaux de Guafpre fuffent de fa main, s'il ne les lui avoit vû faire.

GUASPRE

Guafpre aimoit paffionnément la chaffe ainfi que la camchasse pagne, pendant cet exercice l'occafion de deffiner les beaux DUGHET. effets de la nature ne lui échapoit point : fes tableaux commençoient à être recherchés, lorfqu'un cavalier Milanois l'engagea à venir dans fon pays qui étoit renommé pour la challe. Cette vie errante ne lui convenoit point, il étoit né pour des chofes plus férieufes, & la ville de Rome eut affez d'attraits pour le rappeller peu de temps après. Le Duc de la Cornia pour qui il avoit fait quelques tableaux dont il avoit été extrêmement content, le fit repartir pour Peroufe & pour Caftiglione où il refta près d'un an : la chaffe & la pêche qui l'occupoient tour à tour l'avoient rendu infidéle à la peinture; enfin il prit congé du Duc en lui faifant préfent de quelques tableaux, & le Duc le fit défrayer & escorter jufqu'à Rome, où il arriva comblé de fes libéralités.

Le Guafpre pour être plus à portée de deffiner d'après nature, loua quatre maifons en même temps, deux dans les quartiers les plus élevés de Rome, une à Tivoli & la quatriéme à Frefcatí. Les études qu'il y fit lui acquirent une grande facilité, une touche admirable, & un coloris très frais. Souvent le Pouffin qui le venoit voir travailler se faifoit un plaifir d'orner fes païfages de figures admirables.

Un travail continuel, la chaffe qui l'occupoit les jours de fêtes, le firent tomber dangereufement malade; après une longue convalefcence, il alla prendre l'air à Perouse chez le Duc de la Cornia, ce Seigneur le mena à Caftiglione & à Florence, où il reçut de la nobleffe un accueil favorable & la commiffion de faire plufieurs tableaux; il revint ensuite à Florence & enfin à Rome dans le deffein de partir pour Naples où l'efpace d'une année entière put à peine fuffire pour contenter les amateurs.

Le Guafpre de retour à Rome peignoit à frefque de grands païfages avec des figures affez grandes dans l'Eglise de faint Martin dei monti; ce fut pour lors qu'il s'attacha à fuivre la maniére de Claude Lorrain. Les Princes Romains & les Seigneurs d'Italie n'étoient pas les feuls qui l'occu-poient, fes ouvrages étoient recherchés des étrangers. Sa premiére maniére étoit féche, la derniére vague & agréable, la feconde étoit la meilleure ; plus fimple, plus vraie, plus fçavante, elle ravifoit les spectateurs; perfonne avant

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