MAÎTRE Na plus connu Maître Roux en France que dans fon pays où il ne fut pas heureux. Florence le vit naître en l'année 1496. il n'eut point de maître & fuivit en quelque forte la maniére de MichelAnge & du Parmesan, en se formant un goût particulier qu'il ne tint de perfonne. Après avoir peint plufieurs tableaux dans les Eglifes de Flo rence, quelques deffeins finis qu'il avoit envoyé à Rome l'ayant fait connoître, il parut qu'il étoit fouhaité dans cette ville, où il fe rendit peu de temps après. Il peignit dans l'Eglife de la Paix un morceau placé au-deffus des ouvrages de Raphaël; un tel voisinage, la vue des belles chofes qui font dans cette ville, au lieu de l'animer, l'ébloüirent au point qu'il n'a ja mais rien peint de fi mauvais : il réüffit mieux à quelques tableaux de chevalet, & à une décolation de faint Jean-Bap- MAÎTRE tifte qu'il faifoit pour une petite Eglife dans la place Salviati, Roux. lorfque les Allemands le firent prifonnier dans le fac de Rome. Il s'enfuit au Borgo, enfuite à Arrezzo; il travailla par tout, & fit quantité de cartons. Comme il n'aimoit point à peindre à frefque, il cédoit volontiers aux autres artiftes les ouvrages qu'on lui deftinoit. Maître Roux étant à Venise, deffina pour l'Arétin l'histoire de Mars & de Vénus, que les Amours & les Graces deshabillent. La fortune ne repondant point à fes travaux, il fe détermina à venir en France où François I. le fouhaitoit depuis long-temps: il y trouva dans la fuite pour concurrent le Primatice & Lucas Penni qui travailla fous lui. Maître Roux étoit bien fait, parloit bien & fes maniéres plurent fort au Roy: fes cheveux roux lui avoient fait donner le nom de Roffe. Il préfenta au Roy des tableaux qu'il avoit peint en revenant de Venife & il fut nommé furintendant de tous les ouvrages de Fontainebleau, & dans la fuite chanoine de la fainte Chapelle de Paris. Maître Roux auffi bon architecte que grand peintre, fit bâtir la grande galerie de Fontainebleau qu'il décora, non-feulement de morceaux de peinture, mais encore de belles frifes & de riches ornemens de stuc: perfonne n'a eu plus de génie & plus de feu que lui ; il étoit fçavant, faifoit bien des vers & étoit grand muficien. Sa façon de deffiner étoit un peu féroce & maniérée; fans confulter la nature il travailloit tout de caprice. Maître Roux ne penfoit pas comme un autre, il y avoit dans fes ouvrages quelque chofe d'extraordinaire & de bizarre qui n'étoit pas du goût de tout le monde: fes compofitions cependant étoient riches, il exprimoit les paffions de l'ame, fes figures étoient en mouvement, & il poffédoit le clair-obfcur: les femmes furtout étoient peintes parfaitement, ses têtes de vieillards admirables & fes draperies très-légéres. François I. fut fi content des ouvrages de ce peintre, qu'il le combla de biens; il vivoit en grand feigneur, tenant une bonne table avec un grand nombre de domeftiques. Comme le Roffo fe mêloit de donner tous les deffeins des ouvrages de peinture, de sculpture & d'orfévrie, il eut un concurrent en la perfonne de Benvenuto Cellini joaillier & fculpteur Flo N rentin. Le Roy lui avoit ordonné un fameux coloffe pour une MAÎTRE fontaine. Ce fculpteur ayant négligé de faire voir fon moRoux. déle à la Ducheffe d'Estampes, maitreffe du Roy avant que (a) Felfina Pittrice di malvafia. Tom. I. p. 163. de le montrer à ce Monarque, cette Dame lui fut toujours contraire, & favorifa Maître Roux: Elle empêcha le Roy de venir voir pendant le jour dans la galerie de Fontainebleau un Jupiter de la main de Cellini, qu'elle avoit fait placer exprès à côté des belles figures antiques qui venoient de Rome: le fculpteur qui s'apperçut de l'artifice, aux approches de la nuit éclaira fa figure avec un flambeau placé audeffus de la tête, ce qui fit venir le jour par deffus. La Ducheffe & le Roffo furent furpris du grand effet de la lumière, & ne purent arrêter les louanges du Roy & de toute la cour. Cet homme ingénieux à qui la nuit devoit nuire, trouva de cette maniére le moyen de fe la rendre favorable. Maître Roux foutenu de madame d'Estampes, fit naître dans la fuite d'autres occafions de faire congédier ce sculpteur. Dans le plus brillant de fa fortune, Maître Roux chagrin d'avoir accufé injuftement François Pelegrino fon ami, d'un vol qui lui avoit été fait, prit un poifon violent qui le fit pẻrir le même jour à Fontainebleau en 1531. à l'âge de quarante-cinq ans. D'autres (a) attribuent fa mort au chagrin qu'il eut que le Roy eut rappellé d'Italie le Primatice. Il a eu plufieurs élèves dont le meilleur a été Domenico del Barbieri. Maître Roux deffinoit à la plume d'une hachure inégale & croifée. Il y mêloit un petit lavis de biftre ou d'encre de la Chine. Quoiqu'il cherchât le Parmesan dans le contour de fes figures, il étoit beaucoup plus lourd que lui. Ses têtes féroces font coëffées d'une manière qui le diftingue des autres maîtres. Ce Peintre a beaucoup travaillé à Rome; il a fait un Christ mort, le rapt de Proferpine, plufieurs fujets de la fable & quantité de tableaux d'Autel. A Florence on voit une affomption dans le vestibule des Peres Servites, le mariage de la Vierge dans l'Eglife de faint Laurent, & plufieurs portraits. Dans l'Eglife du Saint-Efprit il a peint la Trinité, tableau destiné à Raphaël qui ne put le faire à cause de fes grands ouvrages. A Pérouse on voit la décolation de faint Jean dans l'Eglife de faint Salviati. A Arrezzo dans la frise de l'Eglife de fainte Marie quatre tableaux à frefque, une Vierge, Adam & Eve, l'Arche d'al- A Fontainebleau vingt-quatre histoires en camayeu des principales actions de François I. dans la grande galerie peintes fur fes cartons, deux tableaux de fa main au fond de la galerie, l'un Vénus & Bacchus tout nus entourés de plufeurs vafes différens, l'autre Vénus & l'Amour accompagnés de belles figures. Une Vierge avec fon enfant que la Sibylle Tiburtine offre à l'EmpereurOctavien. Il s'eft fervi de la tête du Roy, de celle de la Reine & des principaux officiers de la cour. Il fit pour le Château d'Ecouen un faint Michel Archange & un Chrift mort. Le Duc d'Orléans a de ce peintre un beau tableau de la femme adultére. Paul Gratiani, René Boivin, Leon Daven, Dominique Florentin & autres graveurs ont exercé leur burin à copier Maî tre Roux qui a auffi gravé quelque chofe de fa main. MAÎTRE JACQUES PONTORME. JACQUES PONTORME ACQUES Pontorme né en Tofcane en 1493. mérite d'être placé parmi les grands maîtres: fon vrai nom étoit Giacomo Carucci, celui de Pontorme étoit le lieu de fa naiffance où fon pere quittant Florence vint s'établir. Après la mort de fes pere & mere, ayant été amené à Florence à l'âge de treize ans, il fe mit dans les écoles de Léonard de Vinci, de Mariotto Albertinelli, de Pierre Cofimo, & enfin d'André del Sarto. Il mérita par fes ouvrages avant vingt ans accomplis, que Raphaël & Michel-Ange difent tous deux qu'il poufferoit la peinture jufqu'au fuprême dégré : fon pinceau vigoureux ne fentoit point la main d'un éléve. André jaloux des louanges dont on combloit le Pontorme, le chassa de fon école. |