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dire, il s'inftruira avec ces grands hommes, en vifitant un recueil de leurs deffeins, il se familiarisera avec eux, leurs différentes manieres fe dévoileront à fes regards. Si même ces deffeins (a) font (4) L'auteur rangés chronologiquement & par écoles, ils lui rap-lection des defpelleront de fuite l'histoire & la vie de ces fameux feins des grands

artiftes.

noître

a fait une col

maîtres de tous

une des meilleures de l'Eu

les pays, qui En général les desseins font moins difficiles à con- peut paffer pour les tableaux; le coloris, la perfpective, que le clair-obfcur s'y trouvent rarement. Une intelli- rope; elle est gence des régles du deffein, une pratique de di- rangée chronoftinguer la touche de chaque maître, suffit à un logiquement homme qui aime la peinture; le goût naturel, l'in- composée d'enclination jointe à quelque expérience, feront le viron neuf mil

refte.

par écoles

&

le deffeins originaux & choi

morceaux finis,

cademies.

de

(b) L'Abbé

Dubos, p. 384.

Qu'on ne dife pas que la connoiffance des ta- lis, mêlés de bleaux & des deffeins eft très-incertaine. Un mo- d'études derne (b) fe trompe quand il avance que l'art de penfées, & d'adeviner l'auteur d'un tableau en reconnoiffant la main du maître, eft le plus fautif de tous les arts. Il rapporte à ce fujet une vieille hiftoire de Jules Romain, qui prit pour l'original de Raphaël une copie qu'a voit fait André del Sarto, du portrait de Leon X. dont Jules Romain lui-même avoit peint les habits.

Si cet auteur avoit eu quelque pratique de la peinture, ou un peu plus de connoiffance de cet art, il auroit fçu qu'un coup de pinceau, qu'une feule touche d'arbres dans un tableau découvre

fon auteur, & que le copiste ne met toujours que trop du fien pour fe décéler. Les deffeins. font de ' même, la main fe laffe de copier, elle ne peut per

Tom. 2.

févérer long-temps dans la gêne; elle fe permet des traits qui lui font plus familiers, & ce sont ces derniers traits qui trahiffent l'imitateur, & font décou vrir la fupercherie.

Enfin la maniere de deffiner d'un peintre se diftingue comme le caractére de l'écriture, & mieux

que le ftyle d'un auteur. On fçait que les gens de lettres qui ont le tact fin & le goût délicat s'y trom pent rarement.

Si les peintres n'avoient point de manieres, il seroit impoffible de les diftinguer les uns des autres ; les manieres fe forment de la différente façon dont l'efprit humain eft capable de concevoir une même chofe, qui eft l'imitation de la nature. Les plus habiles peintres ont leur maniere, fans néanmoins être manierés. La maniére s'entend de la façon d'opérer; c'est le faire d'un peintre, c'est son style; au lieu que manieré veut dire ce qui fort de la nature & du vrai, ce qui ne tient que de la pratique, & qui eft un défaut, ainfi avoir une maniere & être manieré font deux chofes très-différentes.

On ne devroit imiter que la nature & l'antique, fans s'attacher à la maniere de perfonne; les grands génies s'en font une qu'ils empruntent de tous côtés & qui ne reffemble à rien; ceux dont le génie est moins élevé, choififfent parmi les maîtres celui qui eft le plus de leur goût, ils le copient, ils le fuivent pas à pas, fans jamais fortir de sa maniére, ni l'enrichir. Au refte la nature n'a point de maniere, elle n'a point de touche, tout y paroît d'un fondu & d'un accord parfait.

Il ne faut donc imiter aucun peintre parti

que

tre XXIV.

culier; quelque habile qu'il foit, il a toujours fes défauts, auxquels l'éléve ou l'imitateur ajoute encore les fiens. Ce ne font pas les ouvrages des hommes vous avez à représenter, dit (a) Leonard de Vinci, (4) Chapimais ceux de la nature. N'imitez les grands hommes que dans leur façon de penser; ne fuivez point leur maniere de peindre; c'eft le moyen de n'être point manieré; foyez l'original de votre maniere, la nature & l'antique font d'affez bons guides pour ne vous point égarer.

Plufieurs (b) peintres fe font laitfés emporter à (6) Josepin, leur propre génie ; ils n'ont fuivi que leur caprice, deux Zucchero. fans confulter le naturel, & les proportions des fi

gures antiques; les autres fe font contentés d'imiter les habiles gens, qui avoient avant eux examiné ces chef-d'œuvres.

Le nombre confidérable de peintres que nous avons eus jusqu'à présent, dispense de connoître toutes leurs manieres; il fuffit de s'attacher aux ouvrages des plus grands maîtres, sans s'arrêter à ceux de quantité d'artistes moins célébres, qui ont travaillé fous eux.

maîtres énoncés

Quelques maîtres (c) manierés font fi faciles à (c) Voyez ces connoître, qu'on ne peut s'y méprendre, pour peu dans la note qu'on ait de pratique; les maîtres difficiles doivent précedente. être examinés avec plus d'attention; il eft rare qu'il ne fe rencontre quelque touche qui vous conduife pas à pas dans la découverte de la vérité.

La peinture eft de ces chofes qui tombent fous le sentiment; chacun (d) opine seson son goût, & veut juger pour tout le monde. Ce goût, pour être bon, doit être nourri des connoiffances nécef

(d) Ego por

rò ne inveniffe quidem credo

eum qui non ju

dicavit. Quint. Inf. or. lib. 3.

faires, à moins que ces gens-là ne ressemblent à (a) Lib. 9. ceux dont parle (a) Quintilien, qui ne donnent d'autre raison de la bonté d'un ouvrage, que parce qu'il leur plaît. Docti rationem componendi intelligunt, indocti voluptatem.

cap. 4.

quenter admira

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foli tamen arti

què judicio per

La connoiffance des deffeins confifte en trois points principaux, le premier eft de fçavoir fi un deffein eft bon ou inauvais ; on cherche enfuite le nom & l'école d'un maître ; & en troifiéme lieu, fi un deffein eft original ou copie.

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Il eft prefqu'impoffible de diftinguer le bon & le mauvais d'un ouvrage, & de juftifier le jugement

qu'on en aura porté, à moins qu'on n'ait acquis la (b) Ut verò connoiffance des principes de la peinture. Par d'heuimperitiores fre- reuses comparaisons, par une pénétration d'efprit, tione quadam ar- par une forte inclination, on se forme un grand tis afficiantur goût, & une jufte idée du vrai beau. L'habile peinfices poffunt eam tre jugera mieux que l'amateur de ce qui eft bon acri explorato- dans un ouvrage, rempli des régles de fon art qu'il cenfere. Artifi- pratique continuellement, il doit mieux les fentir ces hic intelli- dans un deffein. Si cet amateur (b) cependant, joint iùm qui ex quoà l'amour qu'il a pour la peinture, quelque pratitidiano harum que en cet art, s'il a fait l'étude & les reflexions neartium ufu qua- ceffaires pour difcerner ce vrai beau, il pourra s'y rum etiam qui connoître auffi bien que l'artifte. Toute la differenad delicatiffima- ce qu'il y a entr'eux, c'est que le premier connoît men afferunt ju- le beau & le fçait faire, au lieu que le fecond ne dicium longa fçait que le connoître.

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ge non eos tan

ftum faciunt, ve

rum artium exa

preparatione fu

bactum.

L'invention, la correction, le bon goût, un grand Junius de pi- jugement, l'expreffion des paffions, la pensée éleLib. 1. cap. 5. vée, une touche fpirituelle, & la liberté de la main, compofent le vrai beau d'un deffein. Rarement

Etura veterum.

P. 34.

trouve-t-on toutes ces parties réunies dans un ouvrage. En effet, un deffein peut être fait librement fans avoir une touche fpirituelle, cette liberté n'eft dûe qu'à la hardieffe de la main.

C'est donc le deffein raffemblant le plus de ces parties, qui fera le plus parfait. Souvent même un ouvrage qui ne fera pas correct ni d'une élegante compofition, telle que peut être une étude, s'il a de la couleur, s'il eft d'une belle touche, pourra paffer pour bon. On dit qu'un deffein a de la couleur & qu'il est chaud, quand il est touché avec feu. Tels font les deffeins du Baroche, de Guillaume Baur, du Benedette, du Guerchin, de Rubens, de Vandyck, de Rembran, de la Foffe & autres.

Le fecond point confiste à diftinguer le nom & l'école de chaque maître; l'amateur en ceci vaut mieux que l'homme du métier; ces deux connoiffances tiennent plus de l'hiftoire de la peinture, que de la pratique de la main; elles font le fruit d'une grande application pour diftinguer les differentes écoles & la varieté des manieres; à force d'examiner & de confronter quantité de desseins de la même main, on se fait une habitude, une idée nette & distincte du caractere & de la pratique de chaque peintre, on fe la rend familiere; fi elle reffemble en quelque partie à celle d'un autre maître, elle est toujours differente en quelque chofe, & cela fuffit, les eftampes gravées d'après les peintres en font encore connoître le goût. Une heureuse mémoire, un esprit net pour retenir toutes ces pratiques differentes, fans les confondre, y eft abfolument neceffaire. La mémoire agit plus que le jugement, quand

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