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on ne décide que par pratique; mais quand on y employe des principes, cela eft different. On entrevoit dans un deffein deux caracteres, celui de l'efprit & celui de la main.

Le caractere de l'efprit dans un deffein s'entend de l'élevation de la pensée, de l'enthousiasme, & du grand jugement, qu'un peintre fait voir dans l'ordonnance de fon ouvrage.

Le caractere de la main eft la pratique que chaque maître fe forme pour operer; cette main doit obéir à la pensée, elle n'eft que fon esclave, c'est la tête qui fait le deffein, & qui conduit la main qui ne fait qu'executer.

Pour donner des principes certains de cette connoiffance, il faut, en voyant un dessein, faire deux examens, le premier confifte à en connoître le goût, & le fecond à découvrir le nom & le caractere de celui qui l'a fait.

Le goût du pays dans lequel a été fait le dessein, en constate l'école. On diftingue trois fortes de goût, l'Italien, le Flamand, & le François.

Le goût Italien (qui n'eft autre chofe que l'efprit naturel de la nation) s'est formé fur les ouvrages antiques que l'Italie poffede. Il confiste en général dans la correction du deffein, dans une belle ordonnance, dans des contours variés & contrastés, dans un beau choix d'attitudes, dans une expreffion fine, foutenuë d'un grand coloris. A Rome, à Florence, c'eft le deffein qui domine; on eft entraîné par cette grande partie de la peinture, fans laquelle les autres ne peuvent exifter. En Lombardie & à Venife la couleur attire les artiftes; ils la regardent

comme

comme le propre du peintre, & ils negligent le deffein pour ne s'attacher qu'à l'imitation parfaite de la nature qui n'est visible que parcequ'elle est

colorée.

Le goût Flamand eft la nature même, telle qu'elle eft, fans trop de choix & fans s'embarrasser de l'antique; la couleur fecondée d'une touche moëlleuse est son objet principal; on reconnoît toujours ce goût à une lourde façon de deffiner. Les Allemans tiennent plus du gothique, ils prennent la nature fans choix; ils en copient même jufqu'aux défauts (a). (a) Decipit exemplar vitiis Le goût François, fi l'on étoit moins enivré de imitabile. Hor. l'Italie, pourroit le difputer aux deux autres. La epist, 19, lib. 1. correction, l'élévation de la pensée, l'allégorie, la poëtique, l'exprcffion des paffions, & même la couleur s'y trouvent fouvent raffemblées. Les François en géneral ont moins de touche que les Flamans; le choix des attitudes & des figures eft moins élégant que celui des Italiens; il faut cependant en excepter nos grands peintres, tels que Vouët, le Pouffin, le Sueur, Bourdon, le Brun, Jouvenet & le Moine.

Toutes ces nations quand elles étudient l'antique & les ouvrages des grands maîtres, réforment fouvent leur goût de terroir, & le rendent infiniment meilleur.

Il naîtra de ces remarques une connoissance naturelle du goût des nations. En voyant un deffein, on le rapportera fur le champ à l'école dont il proche le plus, & l'on dira: il eft dans un tel goût. Ainfi l'on fçaura le pays dans lequel le dessein

d

ap

a été fait, & par conféquent l'école du maître.

On connoît dans le fecond examen le nom & le caractére particulier de chaque peintre, c'est-à-dire, fon style & fa maniere de s'exprimer fur le papier. Cette maniere eft comme un genre d'écriture, qui distingue les hommes entr'eux; de forte le caque ractére de l'un n'eft jamais celui de l'autre. Ce genre d'écriture pictorefque fe reconnoît toujours par quelques traits particuliers. Les uns pochent les yeux de leurs figures, ils leur donnent de certains airs de têtes; ils les coëffent d'une maniere particuliere, comme le Zucchero; les autres font les cheveux & les barbes d'une façon finguliere; leurs draperies font jettées d'un certain fens, leur contour eft reffenti ou coulant, les extrêmités des figures très-correctes, quelquefois négligées. Quelques-uns font des doigts longs comme des fuseaux; il y en en a dont les draperies font coupées de plis fecs & de petit goût. La touche de leurs arbres, de leurs (a) Terme de (a) fabriques, de leurs terraffes eft finguliere; en un peinture pour mot, un feul trait peut les diftinguer. fignifier les mai

fons, les villes

fentés dans un ouvrage,

Le Titien, le Corrége, le Paul Veronese n'a& les autres bâ- voient point de touche, parce que la nature n'en timens repré- a point; Teniers qui a vû la nature avec d'autres yeux, a une touche très-légére & très-fpirituelle. De certaines marques, comme de bonnets, d'armures, le nom même du peintre, ne font que des demi-preuves. Si l'on trouve un défaut qui n'eft pas ordinaire au peintre, auquel on attribue le deffein,

on doit le donner à un autre.

Le goût de Leonard de Vinci, de Michel-Ange, de Jules Romain, du Parmefan, du Cangiage, de Pie

tro Tefta, de la Fage, de Salvator Rofa, de Rembrant, de Gillot, de Wateau eft extrêmement aifé à découvrir.

Il y a des peintres, qui en deffinant se servent de crayon rouge, ou de mine de plomb; les autres employent de la pierre noire & de la craie blanche. Il y en a qui deffinent tout à la plume, ou qui lavent à l'encre de la Chine; d'autres lavent au bistre, à la fanguine, avec de la couleur d'Inde, relevée de blanc gommé, & appliqué avec le pinceau. On en trouve qui deffinent aux trois (4) crayons. Les ha- (4) On appelchures de ces deffeins font quelquefois faites à la le deffiner aux plume, au pinceau, ou relevées de blanc de craie, quand on emou gomme, elles font en long, d'autres en travers, ploie dans un les unes à droite, les autres à gauche : enfin chacun deffein de la se fait une pratique, une habitude de manier la plu- de la sanguine me, le pinceau, ou le crayon, fuivant fon génie & & du blanc fon caprice. C'est ainfi que toutes ces différentes pour relever le opérations étudiées & combinées enfemble indi- tout,

quent

la main dont elles partent.

Pour faciliter encore plus aux amateurs le désir qu'ils ont de connoître les différens caractéres des grands maîtres, on a fait l'application de tous ces principes dans la vie de chaque peintre. La nouveauté de la matiére, la difficulté de la traiter demande assurément quelque indulgence pour l'effai qu'on en donne ici.

On ne doit pas croire que се foit une régle certaine de s'arrêter à ces différens crayons, & à ces hachures finguliéres de la plume; ce font des pratiques de la main qu'on peut fouvent contrefaire, comme nous l'éprouvons tous les jours dans les def d ij

1 Partie.

trois crayons,

pierre noire,

dans les chairs,

Chanoine de S.

feins du Guerchin & de Rembrant. Le papier & la

(a) L'Abbé toile qui guidoient autrefois un de nos (a) curieux de Chambron font fouvent des garans peu fûrs du pays & du Germain l'Au- maître qui a fait le deffein : ce font des fignes équivoques & trompeurs.

xerrois.

Ĉes caractéres du ftyle d'un peintre, ces marques de fon écriture veulent encore être accompagnés de fa maniére de penser, & d'une certaine touche fpirituelle qui le caractérise. Le fublime d'un deffein eft ce fel qui eft la propre pensée du peintre, laquelle remue notre imagination, & nous représente fon véritable caractére; alors on pourra être fûr de l'école d'un peintre & de fon nom. On imite la main d'un autre, dit un (b) auteur moderne, (b) Ref.cr. de mais on n'imite pas de même fon efprit, l'on n'apprend l'Abbé Dubos, point à penser comme un autre.

tom. 2. p. 124.

L'originalité est le troifiéme point essentiel à la connoiffance des deffeins. Cette originalité n'eft pas fouvent bien aifée à conftater. Pour juger fi un def(c) Quoiqu'un fein eft original ou copie, il faut du difcernement, né dise tout & de la pénétration, de la finesse d'esprit, une grande nairement rien pratique, & une notion des principes de l'art moins a y ajoûter, (c) grande cependant que pour les tableaux.

tableau termi

ne laiffe ordi

qu'au contraire

un deffein ef

Souvent les peintres ne connoiffent pas l'origiquiffé oblige nalité d'un deffein, & ne s'en embarrassent guére; d'y deviner plu l'habile homme, entraîné par les belles idées que il faut convenir préfente une copie, la repute originale, ou l'eftime qu'un tableau autant, quand elle vient d'après beau. renfermant plus

fieurs chofes,

de parties de la

L'histoire d'un curieux, qui avoit reçû d'Anglepeinture, de- terre deux cents deffeins de grands maîtres qu'on lui mande auffi vouloit vendre une fomme confidérable, viendra noiffances, ici fort à propos. Ce curieux ne voulant pas s'en

plus de con

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