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trompez, & engagez en diverses entreprifes injuftes & criminelles ; ils ne doivent point fe faire un faux honneur de foûtenir ce qu'ils ont commencé, aprés même que Dieu leur en a découvert l'injuftice; mais fe fouvenir qu'ils ne peuvent rien contre la verité ni contre la juftice: que la fin unique de Dieu qui les a élevez en autorité & en puissance, a été de les établir miniftres & executeurs de fes volontez, en leur donnant le droit & le pouvoir, non de se faire obeïr, mais de faire obeïr Dieu; non de regner euxmêmes, mais de faire regner Dieu; non de faire fervir les hommes à leur gloire & à leur grandeur, mais d'employer leur puiffance pour fervir les hommes leur procurer autant qu'ils pourront, toute forte de biens temporels & fpirituels.

111.

&

C'est un autre devoir des Grands de regarder la grandeur comme un pur mimiftere, qui a pour fin l'honneur de Dieu & l'avantage des hommes. Elle n'eft point pour foi, mais pour les autres. Et par là il eft vifible que pour en ufer dans l'ordre de Dieu, il faut que les Grands, bien loin de confiderer les peuples comme des efclaves nez pour les fervir, & pour

dépendre de tous leurs caprices, fe regardent eux-mêmes comme appartenant aux peuples, obligez de les fervir, de les proteger, de veiller à leur repos, & de les rendre heureux. Il faut que tous leurs commandemens foient fi juftes, qu'ils puiffent répondre, fi Dieu leur en demandoit la fin & le motif, qu'ils n'en ont point d'autre que fa gloire & la felicité des peuples. En ufer autrement, & rapporter fes richeffes & fa puiffance à foimême & à fes plaifirs, c'est une espece de

rebellion contre Dieu.

IV.

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Un quatriéme devoir des Grands, eft de méprifer les louanges qu'on leur donne, & de châtier feverement les flateurs, qui ne tâchent qu'à les enyvrer de l'eftime d'eux-mêmes, & à leur perfuader qu'ils ne font plus des hommes, mais des divinitez. Ces flateries font une pefte douce mais dangereuse ; & iln'y a prefque point de Prince, de Magiftrat, de Superieur de pere de famille, qui n'avale ce poifon avec plaifir, & qui n'y trouve fa perte. Les Grands doivent être fincerement & interieurement humbles au milieu des plus grands honneurs qu'on leur rend & ils ne doivent jamais fouffrir qu'on les porte trop loin car la gloire appartie

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effentiellement à Dieu, & il n'eft pas permis d'en fouhaiter plus qu'il ne nous en veut communiquer. Quiconque en prend davantage eft un ufurpateur & un fuperbe, qui fera tôt ou tard abbaiflé.

:

V.

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Le dernier devoir des Grands, eft de confiderer leur puiffance comme la mesure de leur devoir. Comme elle vient toute de Dieu, ils la doivent toute employer pour Dieu. Ils n'ont qu'à examiner ce qu'ils peuvent faire; car il eft certain qu'ils doivent faire tout ce qu'ils peuvent : s'ils peuvent peu, ils font obligez à peu ; s'ils peuvent beaucoup leurs obligations croiffent à proportion de leur pouvoir empêcher le mal, établir le bien; employer pour cela leur autorité, leurs richeffes, leurs foins, leur temps, leur vie même en certaines occafions: voila le devoir effentiel de tous les fuperieurs. Cette regle fe prefcrit en trois paroles; mais la pratique s'en étend bien loin, puifque pour remettre tout dans l'ordre, & pour remedier à tous les abus, il ne feroit prefque befoin d'autre chose, sinon que ceux qui ont l'autorité, ufaffent de tout leur pouvoir pour faire obferver les Loix de Dieu & de fon Eglife. Qui voudra fçavoir plus en détail les de

voirs des Grands, n'a qu'à lire le Livre que feu Monfieur le Prince de Conti a compofé fur ce fujet ; & un petit Livre qui a pour titre : Le devoir des Seigneurs ; & un autre qu'on appelle : L'Examen des conditions. Je finirai ce Chapitre par ces belles paroles de faint Auguftin, qui marquent fi bien tous les devoirs des Grands.

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Nous appellons les Rois heureux quand « ils regnent avec juftice :

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Quand au milieu des honneurs fouve « rains qu'on leur rend, & des baffes fou- ce miffions de leurs peuples, ils fe fouvien- « nent qu'ils ne font qu'hommes non plus que les autres :

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Quand ils emploient principalement leur puiffance à établir & à étendre le « culte & l'empire du vrai Dieu :

Quand ils le craignent, qu'ils l'aiment: « & qu'ils le fervent:

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Quand ils preferent à la poffeffion de « leur Royaume cet autre Royaume éter- « nel, où tous les Saints regneront avec «

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Quand ils font lents à punir, & faciles à pardonner: Quand ils ne puniffent que pour le bien & le falut de leur Etat, & « non pour fatisfaire leurs propres vengean

ces:

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Quand ils pardonnent dans l'efperance de la correction des coupables, & non pour laiffer les vices impunis:

Quand ils temperent la feverité quelquefois indifpenfable, par des actions de douceur & de clemence, & par une liberale profufion de bienfaits :

Quand ils font d'autant plus retenus & moderez dans leurs plaifirs, qu'ils les peuvent prendre avec plus de liberté : Quand ils aiment mieux commander à leurs paffions qu'à un grand nombre de peuples:

Quand ils agiffent en tout par le feul amour de l'éternelle felicité, & non pour la vaine gloire:

Quand ils ont foin d'offrir fouvent à Dieu pour leurs pechez pechez, le facrifice de l'humilité, de la mifericorde & de la priere. Voila les Princes que nous appellons heureux; heureux en efperance, pour l'être un jour veritablement, lorfque ce qu'ils attendent sera arrivé.

CHAPITRE

IX.

Où l'on voit les obligations des Sujets.

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E n'eft pas moi, c'eft faint Paul, qui dit à tous les hommes, & aux Chretiens encore plus qu'aux autres: Que

toute

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