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pagnie, il en cherche, il en trouve, il s'y perd, il avale tous les poifons que le monde lui prefente; les nouvelles les affaires, les médifances, les railleries, les jugemens temeraires, la vanité, l'orgueil; tous ces vices entrent en foule dans fon efprit & dans fon cœur, & il devient la proye de tous les demons. Qui pourroit dire combien l'oifiveté a damné de perfonnes, non feulement parmi les gens du monde, mais même parmi les enfans de Dieu; Combien de perfonnes de l'un & de l'autre fexe, qui avoient les apparences de la pieté, n'ont pas laiffé de faire des chutes deplorables, pour ne s'être pas utilement occupez, & pour avoir trop parlé ensemble du falut de leur ame, au lieu d'y travailler?

L'oifiveté eft un ennemi redoutable même aux plus parfaits : c'eft une Dalila qui découvre tôt ou tard le foible des Samfons endormis dans fon fein, qui leur ôte l'efprit de Dieu, & qui les livre à leurs ennemis.

Mais les gens du monde font encore bien plus fujets à ce vice que les ferviteurs de Dieu. C'eft une honte dans le Chriftianifine, de voir un nombre infini de perfonnes, qui paffent toute leur vie dans une effroyable inutilité: ils fe levent

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Matth.

tard, ils font long-temps à s'habiller & à fe parer; de là ils vont dîner, c'està-dire, prendre un repas long & fplendide: c'eft ainfi que la matinée s'écoule. Aprés le dîné ils jouent, ils font, ou ils reçoivent des vifites; le foir ils vont à la promenade, à l'opera, à la comedie, au bal, au jeu : ils reviennent fouper aprés quoi ils joüent encore; & enfin ils fe couchent. Voilà la vie d'une infinité de Chretiens, qui ne croyent pas qu'il y ait en tout cela aucun peché mortel; mais qu'ils lifent cette terrible parole de l'Evangile Tout arbre qui ne porte point de bon fruit, fera coupé & fetté 3. 10. au feu. Ils croyent peut être que le travail n'eft que de confeil, que l'inutilité n'eft qu'un peché veniel; mais au nom de Dieu qu'ils fe détrompent, en lifant dans l'Evangile cet arrêt de Jefus-Chrift: Jettez le ferviteur inutile dans les tenebres Matth exterieures. Dans David & dans faint 7 Paul Ils fe font tous écarte du droit che- Rom. 3. min, ils font devenus inutiles; c'est pourquoi il n'y en a pas un qui faffe le bien: il n'y en a pas un feul. Dans Job: L'homme inu- Job. 15. tile eft abominable. Dans les Proverbes: 16. l'homme apoftat eft un homme inutile. Dans Ecclefiaftique Dieu ne veut point une c.25. 2. multitude d'enfans infideles & inutiles.

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12.

c. 6. IL.

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C. 2. I.

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6. 59. 6. Dans Ifaïe: Leurs travaux font des travaux inutiles, & l'ouvrage de leurs mains c. 48. 3. est un ouvrge d'iniquité. Dans Jeremie: J'ai brifé Moab comme un vafe inutile. Dans Michée: Malheur à vous qui n'avez que des pensées inutiles. En voila bien affez pour convraincre les plus incredules que l'inutilité eft un crime, & que la vie de ceux qui ne font rien pour Dieu, eft cette voye large qui mene à la perdition, quelque innocente qu'elle paroiffe aux yeux des hommes.

Ne foyez donc jamais entierement oifif: Si vous ne travaillez pas pour vous, travaillez pour les pauvres, ou pour les Eglifes: occupez tous vos momens; il n'y en a pas un qui ne doivent entrer dans la balance où l'on pefera votre vie vous rendrez compte à Dieu de toutes les paroles & de toutes les penfées inutiles que vous aurez fouffertes. C'eft pourquoi lifez, écrivez, priez, méditez, faites votre ouvrage ordinaire, vifitez les pauvres, fervez les malades, faites quelque chofe qui foit utile, ou à vous, ou aux autres Et fouvenez- vous durant votrę travail, de faire ces petites prieres, qu'on appelle des Oraifons jaculatoires, propres à nous faire conferver la prefence de Dieu, & à nous défendre contre les traits enflam→ mez du malin efprit.

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CHAPITRE XI.

Des divertiffemens & des plaifirs.

I je voulois exiger de tous ceux qui liront ce Livre, le plus haut point de la perfection Chretienne, je leur dirois que le plaifir ne leur eft guere permis; que les difciples d'un Dieu crucifié, ne doivent aimer que la Croix; & que c'eft une chofe honteufe, de voir les membres couverts de rofes, fous un chef couronné d'épines. Mais comme je ne veux point outrer les chofes, je me contenterai de propofer ici quatre ou cinq regles qui regardent ce fujet, & qui me paroiffent auffi raisonnables que Chretiennes. L'homme ne pouvant être toûjours appliqué au travail, & fon efprit ne pouvant demeurer toûjours bande, il lui eft permis de prendre un peu de relâche, & quelque honnête divertiffement. Cette maxime eft autorifée par la pratique de prefque toutes les Communautez Ecclefiaftiques & Religieufes. On permet aux perfonnes qui les compofent, de fe voir & de fe parler aprés le repas, afin de délaffer l'efprit auffi - bien que le corps. Mais voici les regles qu'on y doit obferver.

1.

Il faut user du plaifir, comme on use de la nourriture & du fommeil, c'est-àdire, n'en prendre que par neceffité; car un Chretien ne doit jamais chercher le plaifir pour le plaifir; mais il le doit rapporter à quelque fin utile & legitime: comme on ne mange pas pour manger mais pour conferver la vie, & reparer les forces du corps que le travail affoiblit. Cette regle condamne tous ceux qui ne font autre chofe que fe divertir, & qui de la recreation qui ne devroit être accordée qu'à ceux qui ont long-tems travaillé, font leur occupation ordinaire, & ne vont au travail que comme les ames juftes vont à la recreation, c'est-à-dire, rarement & pour peu de temps.

II.

On ne doit jamais prendre le plaifir, non plus que la nourriture, avec excés, car comme on ne le doit defirer que pour la neceffité, on n'en doit prendre que felon fon befoin; on ne s'y doit jamais livrer entierement; il ne faut pas qu'il nous enyvre, ni qu'il abforbe tout notre efprit. Nous devons toûjours être maîtres de notre raison, & prendre garde à ne bleffer ni la modeftie, ni la moderation chretienne. Les Payens qui ne connoif

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