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Diriez-vous, voyant Job malade,
Et Benserade en son beau teint,
Ces vers sont faits par Benserade,
Il s'est lui-même ici dépeint !

divers endroits; de sorte que la faim, le mauvais temps et le travail excessif commençaient déjà de mettre diverses maladies dans le camp; Cyrus, sans s'étonner de tant de fâcheux obstacles, parce qu'il les avait prévus, ne songea qu'à les surmonter, en prenant la résolution d'attaquer Cumes (Dunkerque) par force et d'accourcir par ce moyen la fatigue de son armée. Il jugea fort prademment qu'il perdrait moins de soldats en les hasardant au combat qu'en les laissant mourir par les incommodités d'un long siège; si bien que, cette résolution étant prise, Cyrus ne songea plus qu'à l'exécuter. »>

1. Pour comprendre ce morceau, voir nos extraits de Benserade.

2. L'abbé Esprit a été souvent confondu avec son frère, Jacques Esprit, précepteur des enfants du prince de Conti, et membre de l'Académie depuis 1639. 3. L'abbé Esprit était partisan de Job, était Jobelin. - Chacune des stances de Sarrasin se termine par un vers de Job.

4. Voir notre Notice sur Voiture.

5. Avoir la berlue, c'est voir des choses qui n'existent pas.

Oui, vous tremblez, monsieur Esprit!
Avez-vous peur que je vous tue?
De Voiture, qui vous chérit,
Accoutumez-vous à la vue.

Qu'ai-je dit qui vous pût surprendre
Et faire pâlir votre teint?

Et que deviez-vous moins attendre
D'un homme qui souffre et se plaint?

Un auteur qui, dans son écrit,
Comme moi, reçoit des offenses,
Souffre plus que Job ne souffrit,
Bien qu'il eût d'extrêmes souffrances.

Avec mes vers, une autre fois,
Ne mettez plus dans vos balances
Des vers où, sur des palefrois 1,
On voit aller des patiences.

L'Herty, le roi des gens qu'on lie 3,
En son temps aurait dit cela;
Ne poussez pas votre folie

Plus loin que la sienne n'alla.

Alors l'ombre vous quittera,
Pour aller voir tous vos semblables,
Et puis chaque Job vous dira
S'il souffrit des maux incroyables.

Mais, à propos, hier, au Parnasse,
Des sonnets Phébus se mêla,
Et l'on dit que de bonne grâce
Il s'en plaigrit, il en parla.

J'aime les vers des Uranins,

Dit-il, mais je me donne aux diables

Si, pour les vers des Jobelins,

J'en connais de plus misérables.

1. Cheval de parade dont on se servait pour les voyages; le destrier était le cheval de bataille.

2. On sait qu'on avait alors coutume d'enchaîner les fous; voilà d'où vient cette locution: fou à lier; voilà pourquoi, dans les Plaideurs, interrompant Chicazneau, qu'elle ne comprend pas, la comtesse s'écrie qu'elle ne veut pas être liée.

MÉZERAY

(1610-1683)

François-Eudes de Mézeray, né près d'Argentan, fit ses études à Caen, puis suivit, comme commissaire des guerres, les campagnes de Flandre en 1635 et 1636. Protégé par Richelieu, il se mit avec ardeur à l'étude de l'histoire, et publia en 1643 le premier volume de son Histoire de France. En 1649, il remplaça Voiture à l'Académie. Nommé historiographe du roi, il toucha une pension que Colbert diminua, puis supprima, à cause de la liberté avec laquelle l'historien avait parlé des finances. L'Histoire de France de Mézeray renferme beaucoup d'erreurs jusqu'au règne de Louis IX; de Louis IX à Louis XIV elle est d'une remarquable exactitude. Nous avons encore de Mézeray une Histoire de France avant Clovis, et une Histoire des Turcs depuis 1612 jusqu'à 1649.

LE DUC D'ANJOU, FRÈRE DE HENRI III, APPELÉ CONTRE LES ESPAGNOLS PAR LES FLAMANDS, TENTE D'ENLEVER A SES ALLIES ANVERS PAR SURPRISE.

Il sortit de la ville avec ses gardes et deux cents chevaux qu'il avait auprès de sa personne, feignant d'aller voir son armée, qui était campée tout proche de là. En passant, il s'arrête sur le pont, afin que ses gardes, au signal donné, se saisissent de la porte de Kornebourg1. Les gentilshommes, qui marchaient devant lui, rentrent aussitôt, chassent les bourgeois, et mettent le feu à la prochaine maison pour avertir l'armée. En moins de trois quarts d'heure il y eut dix-sept compagnies françaises et six cents lanciers dans la ville, criant: « Tue, tue, vive la messe, et ville gagnée ! » Mais les bourgeois, qui s'étaient préparés 2, sortent de leurs maisons, tendent des chaînes 3, dressent des barricades, posent des corps de garde aux carrefours, et leurs femmes se mettent aux fenêtres avec des pierres et de gros morceaux de bois. Fervaques, qui avec cent chevaux pensait couler le long du rempart dans la place de la citadelle,

1. « La plus proche de son palais. >> 2. La conspiration avait été éventée. 3. Pour fermer les rues.

4. Un des favoris du duc d'Anjou. 5. Passer vite et sans bruit.

trouve cinq cents hommes à la porte Saint-Georges bien barricad ée qui l'arrêtent tout court; deux compagnies d'infanterie qu'il emploie pour les forcer sont repoussées; cependant il est coupé par derrière, si bien qu'il ne peut ni avancer ni reculer. Le prince d'Orange, sorti au bruit, va droit à lui, l'enveloppe et l'emmène prisonnier, les mains liées derrière le dos.

Sa prise encourage fort les bourgeois. Tous, sans différence ni de religion, ni de sexe ni de condition, s'animent à chasser l'ennemi commun. Les Français sont poussés partout, ils se mettent en déroute; la précipitation de ceux qui s'enfuient hors de la ville, et celle des Suisses qui se pressaient d'y entrer pour les secourir font un embarras à la porte ils s'y amoncellent et s'y étouffent les uns les autres. Plusieurs, après avoir couru de côté et d'autre sur les remparts sans trouver d'issue, pressés la pique dans les reins, sautent par-dessus les murailles. Le duc d'Anjou les regardait avec plaisir, pensant que ce fussent des bourgeois; mais quand il reconnut que c'étaient des siens, et qu'en même temps il entendit ronfler deux ou trois volées de canon au travers de ses troupes, alors ce fut à lui de rappeler ses Suisses et de se retirer, laissant quinze cents de ses gens, dont il y avait trois cents gentilshommes, tous raides morts sur le pavé, et deux mille d'enfermés dans la ville.

Le prince d'Orange et la miséricorde des bons bourgeois sauvèrent la vie à ces derniers; car, dès qu'il n'y eut plus de résistance, ils s'employèrent à les mettre à couvert, à secourir les blessés, et à retirer ces malheureux qui étaient entassés à la porte, dont quelques-uns respiraient encore; et même, à trois jours de là, ils renvoyèrent les prisonniers au duc avec beaucoup de courtoisie. Le seul Fervaques courut grand ris que le peuple, qui le croyait l'auteur de cette infâme perfidie, l'eût déchiré en pièces, si le prince d'Orange, sous prétexte de le garder étroitement, ne l'eût enfermé au château dans une chambre grillée, avec douze gardes à la porte.

(Abrégé chronologique de l'Histoire de France, 1582-1583.)

RICHELIEU

(1585-1642)

La fondation de l'Académie française n'est pas le seul titre littéraire d'Armand du Plessis, cardinal de Richelieu. Il fut médiocre poète; mais sa prose ne manquait pas d'énergie et d'ampleur. Le cardinal, atteint pour le théâtre d'une passion assez malheureuse, avait pris à sa solde cinq poètes: Boisrobert, Colletet, Corneille, l'Estoile et Rotrou, qu'il faisait travailler sous sa direction. Il écrivait le plan de tragédies, de comédies ou de pastorales, destinées à être représentées dans la splendide salle du Palais-Cardinal, et confiait à chacun de ses auteurs un acte à rimer; c'est ainsi que furent composés les Tuileries, la Grande Pastorale et l'Aveugle de Smyrne. Mais Corneille était un esprit trop indépendant pour se plier longtemps à cette sujétion; il se retira de la société des cinq auteurs, et le cardinal en conçut un dépit qui contribua à soulever la querelle du Cid. La plus importante des œuvres poétiques inspirées par Richelieu est Mirame (1639). Les ouvrages en prose du cardinal sont théologiques ou historiques; citons parmi eux l'Instruction du chrétien, le Testament politique, les Mémoires, dont il est difficile de nier l'authenticité, et des Lettres et instructions diplomatiques. Richelieu fut aussi journaliste, et collabora au premier journal qui parut à Paris (30 mai 1631), la Gazette de France.

RÉFLEXIONS QUI SUIVENT LE RÉCIT DES ÉVÈNEMENTS DE L'ANNÉE 1631

Ainsi voyons-nous, durant le cours de cette année, les Espagnols et toute la maison d'Autriche, et leurs adhérents, bien éloignés de leurs desseins, et Dieu reverser sur euxmêmes les maux qu'ils tâchaient de faire tomber sur les autres. Ils veulent rallumer la guerre en Italie, et Dieu l'embrase en leurs États. Ils tentent d'usurper les duchés de Mantoue et du Montferrat 1, et un roi étranger part du fond du Nord et se rend maître des leurs 2. Le duc de Lorraine, vassal du roi, et obligé en sa personne et en celle des siens à sa libéralité, se rebelle contre son seigneur 3; il se voit réduit à telle nécessité que, sans la protection de Sa Majesté,

1. En avril 1631, le traité de Chérasco, dont Mazarin avait été le négociateur, avait rétabli dans ses Etats le duc de Mantoue, et acquis Pignerol à Louis XIII. 2. C'était Richelieu qui avait jeté Gustave-Adolphe dans la guerre de Trente ans, en lui donnant un subside de 1,200,000 livres.

3. Il avait offert un asile et la main de sa sœur à Monsieur, révolté contre le roi.

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