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STANCES A DU PERRIER1 (1599)

Ta douleur, du Perrier, sera donc éternelle,
Et les tristes discours

Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
L'augmenteront toujours?

2

Le malheur de ta fille au tombeau descendue
Par un commun trépas,

Est-ce quelque dédale3 où ta raison perdue
Ne se retrouve pas ?

Je sais de quels appas son enfance était pleine,
Et n'ai pas entrepris,

Injurieux ami, de soulager ta peine
Avecque son mépris.

Mais elle était du monde, où les plus belles choses
Ont le pire destin,

4

Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses :
L'espace d'un matin.

Puis quand ainsi serait que, selon ta prière,
Elle aurait obtenu

D'avoir en cheveux blancs terminé sa carrière,
Qu'en fût-il avenu?

Penses-tu que, plus vieille, en la maison céleste
Elle eût eu plus d'accueil,

Ou qu'elle eût moins senti la poussière funeste
Et les vers du cercueil?

1. Le Père Bougerel, de l'Oratoire, a laissé une vie de Charles du Perrier, gentilhomme d'Aix, en Provence.

2. Amitié désignait au XVII° siècle toutes les affections :

Je voue à votre fils une amitié de père,

disait Pyrrhus à Andromaque dans l'Andromaque de Racine (V, 1).

3. Labyrinthe; du nom de Dédale, le constructeur du fameux labyrinthe de Crète, où était enfermé le Minotaure.

4. On a prétendu que ce vers exquis était une coquille, et que Malherbe avait simplement écrit :

Et Rosette a vécu ce que vivent les roses.

Cependant il paraît que la fille de du Perrier s'appelait Marguerite. Ce vers est dans tous les cas un souvenir d'Ausone (Idylles, XV):

Una dies aperit, conficit una dies;

« Un seul jour voit naître et mourir les roses. »

Non, non, mon du Perrier: aussitôt que la Parque 1
Ote l'âme du corps,

L'âge s'évanouit au deçà de la barque 2

Et ne suit point les morts.......

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles :
On a beau la prier,

La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles
Et nous laisse crier.

Le pauvre en sa cabane, où le chaume le couvre,
Est sujet à ses lois ;

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend point nos rois 3.

De murmurer contre elle et perdre patience
Il est mal à propos;

Vouloir ce que Dieu veut est la seule science
Qui nous mette en repos.

STANCES

Paraphrase d'une partie du PSAUME CXLV.

N'espérons plus, mon âme, aux promesses du monde :
Sa lumière est un verre, et sa faveur une onde
Que toujours quelque vent empêche de calmer.
Quittons ses vanités, lassons-nous de les suivre :
C'est Dieu qui nous fait vivre,
C'est Dieu qu'il faut aimer.

En vain, pour satisfaire à nos lâches envies,
oNus passons près des rois tout le temps de nos vies

1. Déesse qui coupait le fil de nos destinées; on représentait généralement les Parques comme trois vieilles sœurs, armées d'une quenouille et de ciseaux. 2. De Charon, nautonier des Enfers. Malherbe employait volontiers au deçà pour au delà :

Qu'on passe deux fois
Au deçà du rivage blême.
(VI, 17.)

2. Malherbe reprendra la même idée dans sa Lettre à la princesse de Conti: « Nous avons beau être distingués en la condition de vivre; nous sommes tous égaux en la nécessité de mourir. C'est une loi qui ne reçoit ni dispense ni privilège. Naissant dans la splendeur des palais ou dans l'obscurité des cabanes, sur le drap d'or ou sur le fumier, parmi les tapisseries ou parmi les raaignées, nous en sommes aussi peu exempts d'une façon que d'autre. » Voir plus loin les Stances de Maucroix.

A souffrir des mépris et ployer les genoux :

Ce qu'ils peuvent n'est rien; ils sont, comme nous sommes, Véritablement hommes,

Et meurent comme nous.

Ont-ils rendu l'esprit, ce n'est plus que poussière
Que cette Majesté si pompeuse et si fière

Dont l'éclat orgueilleux étonnait l'univers ;

Et dans ces grands tombeaux, où leurs âmes hautaines
Font encore les vaines,

Ils sont mangés des vers.

Là se perdent ces noms de maîtres de la terre,
D'arbitres de la paix, de foudres de la guerre ;
Comme ils n'ont plus de sceptre, ils n'ont plus de flatteurs,
Et tombent avec eux d'une chute commune

Tous ceux que leur fortune
Faisait leurs serviteurs1.

INSCRIPTION POUR LA FONTAINE DE L'HÔTEL DE
RAMBOUILLET (1625)

Vois-tu, passant, couler cette onde,

Et s'écouler incontinent?

Ainsi fuit la gloire du monde,

Et rien que Dieu n'est permanent.

STANCES A L'OCCASION DE LA PREMIÈRE GUERRE DES
PRINCES 2 (1614)

O toi qui d'un clin d'œil sur la terre et sur l'onde
Fais trembler tout le monde,

1. La bouche qui émettait de tels accents ne semblait pas faite pour le sourire de l'ironie; citons cependant en face de ces stances sacrées une jolie strophe satirique sur les mignons de Henri III :

Les peuples pipés de leur mine,

Les voyant ainsi s'enfermer,

Jugeaient qu'ils parlaient de s'armer

Pour conquérir la Palestine,

Et borner de Tyr à Calis (Cadix)

L'empire de la fleur de lis.

Et toutefois leur entreprise
Etait le parfum d'un collet.

Le point coupé d'une chemise
Et la figure d'un ballet.

2. Le prince de Condé, les deux Vendôme, et les ducs de Bouillon, de Longueville et de Mayenne avaient pris les armes contre la régente; les hostilités prirent fin par le traité de Sainte-Menehould.

Dieu, qui toujours es bon et toujours l'as été,
Verras-tu' concerter à ces âmes tragiques
Leurs funestes pratiques?

Ne tonneras-tu point sur leur impiété ?

Tu vois en quel état est aujourd'hui la France,
Hors d'humaine espérance.

Les peuples les plus fiers du couchant et du nord
Ou sont alliés d'elle, ou recherchent de l'être ;
Et ceux qu'elle a fait naître

Tournent tous leurs conseils 2 pour lui donner la mort.

PROPHÉTIE DU DIEU DE LA SEINE CONTRE LE MARECHAL
D'ANCRE3 (1617)

Va-t'en à la malheure, excrément de la terre ",
Monstre, qui dans la paix fais les maux de la guerre,
Et dont l'orgueil ne connaît point de lois.

En quelque haut dessein que ton esprit s'égare,
Tes jours sont à leur fin, ta chute se prépare :
Regarde-moi pour la dernière fois.

C'est assez que cinq ans ton audace effrontée,
Sur des ailes de cire aux étoiles montée ",
Princes et rois ait osé défier :

La fortune t'appelle au rang de ses victimes;
Et le ciel, accusé de supporter tes crimes,
Est résolu de se justifier 7.

1. Tel est le texte de ces strophes qui ont été publiées en 1630 d'après une copie qui se trouve à la Bibliothèque nationale; au premier abord on serait tenté de lire lairras-tu, forme usitée du temps de Malherbe pour laisseras-tu. 2. Leurs résolutions.

3. Concini, aventurier florentin, favori de Marie de Médicis, que Louis XIII laissa assassiner, et dont la femme, Léonora Galigaï, fut brûlée vive; la Cour impitoyable fit danser le personnage de l'Amour par leur jeune fils dans un ballet, le lendemain même de l'assasinat du maréchal, et Malherbe accabla le vaincu de ces vers.

4. On écrit aussi à la male heure. Malherbe affectionne cette locution:

Allez, à la malheure, allez, âmes tragiques.

(Fragment au sujet de la guerre des princes, 1614.)

5. La Fontaine s'est souvenu de ce vers dans le Lion et le Moucheron (Fables, II, 1x):

Va-t'en, chétif insecte, excrément de la terre.

6. Comme Icare.

7. Imitation du début des invectives de Claudien contre Rufin : « Le châtiment de Rufin a absous les dieux. »

SUR LA PRISE DE LA LA ROCHELLE (1628)
Enfin mon roi les a mis bas 1

Ces murs, qui de tant de combats

Furent les tragiques matières;

La Rochelle est en poudre, et ses champs désertés
N'ont face que de cimetières 2,

Où gisent les Titans qui les ont habités 3.

SONNET AU ROI (1624)

Qu'avec une valeur à nulle autre seconde,
Et qui seule est fatale à votre guérison,
Votre courage, mûr en sa verte saison,
Vous ait acquis la paix sur la terre et sur l'onde;

Que l'hydre de la France, en révolte féconde,
Par vous soit du tout morte ou n'ait plus de poison,
Certes, c'est un bonheur dont la juste raison

Promet à votre front la couronne du monde.

Mais qu'en de si beaux faits vous m'ayez pour témoin,
Connaissez-le, mon roi, c'est le comble du soin
Que de vous obliger ont eu les destinées.

Tous vous savent louer, mais non également :
Les ouvrages communs vivent quelques années;
Ce que Malherbe écrit dure éternellement 5.

1. Richelieu y était bien pour quelque chose.

2. Dans la Prosopopée d'Ostende, imitée en 1604 du latin de Hugues Grotius, Malherbe faisait dire par la ville aux deux armées qui se la disputaient :

Toute la question n'est que d'un cimetière.

3. Cette strophe est tirée de la supplique en prose écrite par Malherbe à Louis XIII au sujet de la mort de son fils.

4. Entièrement.

5. « J'ai élevé un monument plus solide que l'airain », s'écriait Horace; on voit quici Malherbe n'est pas plus modeste; la modestie n'était pas d'ailleurs une de ses vertus. On en peut juger par la dernière strophe d'une Ode adressée à la reine en 1610:

Apollon à portes ouvertes

Laisse indifféremment cueillir
Les belles feuilles toujours vertes
Qui gardent les noms de vieillir;
Mais l'art d'en faire des couronnes
N'est pas su de toutes personnes,
Et trois ou quatre seulement,
Au nombre desquels on me range,
Peuvent donner une louange
Qui demeure éternellement.

Voir aussi la fin de l'admirable Ode envoyée au roi Louis XIII en 1627, et que son étendue ne nous permet pas de citer ici.

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