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teur et bel esprit, et s'apprête à devenir le Crispin du xvin° siècle; d'autre part, à partir de 1688, les comédiens italiens se mettent à jouer des comédies écrites en français, et c'est sur leur théâtre que Regnard et Dufresny font représenter leurs premières œuvres; la guerre dure entre eux et l'Hôtel de Bourgogne jusqu'en 1697; c'est pour venger, dit-on, madame de Maintenon, insultée par Mezzetin, qu'une ordonnance du lieutenant de police ferma la Comédie Italienne.

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C'est à la farce que se rattache tout naturellement un genre qui a joui en France d'une vogue extraordinaire durant vingt ans, de 1640 à 1660, le genre burlesque. C'est même à cette époque que le mot burlesque est entré dans notre langue, comme nous l'apprend Pellisson dans son Histoire de l'Académie (1653) 1: « Ce mot de burlesque, qui était depuis longtemps en Italie, n'avait pas encore passé les monts, et monsieur Ménage 2 remarque fort bien en ses Origines, qu'il fut premièrement employé par M. Sarrasin longtemps après. Alors on peut dire, non-seulement qu'il passa en France, mais encore qu'il s'y déborda, et qu'il y fit d'étranges ravages. Ne semblait-il pas toutes ces années dernières que nous jouassions à ce jeu où qui gagne perd ? Et la plupart ne pensaient-ils pas que, pour écrire raisonnablement en ce genre il suffisait de dire des choses contre le bon sens et la raison? Chacun s'en croyait capable en l'un et en l'autre sexe, depuis les dames et les seigneurs de la cour, jusques aux femmes de chambre et aux valets. Cette fureur de burlesque, dont à la fin nous commençons à guérir, était venue si avant que les libraires ne voulaient rien qui ne portât ce nom; que par ignorance, ou pour mieux débiter leur marchandise, ils le donnaient aux choses les plus sérieuses du monde, pourvu seulement qu'elles fussent en petits vers; d'où vient que, durant la guerre de Paris en 1649, on imprima une pièce assez mauvaise, mais sérieuse pourtant, avec ce titre, qui fit justement horreur à tous ceux qui n'en lurent pas davantage : La Passion de Notre-Seigneur en vers burlesques, et le savant monsieur Naudé 3, qui fut sans doute de ce nombre, l'a comptée dans son Dialogue entre les ouvrages burlesques de ce temps. » Les principaux chefs de cette école, que Théophile Gautier a essayé de réhabiliter, sont Saint-Amant, Scarron, Cyrano de Bergerac et d'Assoucy (1605-1679). Il y a beau

1. Ed. de 1717, p. 58.

2. Érudit fameux (1613-1692).

3. Bibliographe français (1600-1653).

4. Le jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin depuis le sixième janvier jusques à la Déclaration du 1er avril 1650.

b.

coup de talent et d'esprit dans ce Typhon, dont le début déridait Boileau, et dans le Virgile travesti de Scarron, dans le Pédant joué et dans les Lettres de Cyrano de Bergerac; et cependant les vers de Scarron et de Bergerac ont presque tous disparu; de cet engouement pour le burlesque il n'est resté qu'un nom, celui de Scarron, et qu'une œuvre, le Virgile travesti, peut-être est-ce même le poème de Virgile qui a sauvé de l'oubli la parodie de Scarron. C'est que, sans l'aide du goût, le talent et l'esprit ne sauraient rien élever de durable; c'est aussi qu'on se lasse vite de ce comique impie qui consiste à rabaisser les héros de l'épopée au niveau des personnages de la farce, et l'on rougit bientôt d'avoir ri des plaisanteries de Scarron. En France on n'admire pas longtemps un Virgile travesti 1. Mais il est un autre comique, qui éveille le sourire par un procédé tout opposé; c'est celui qui prête à des personnages de la farce les sentiments et le langage des héros de l'épopée; ces plaisanteries-là sont saines, car elles ne détruisent pas notre respect pour les chefs-d'œuvre de l'antiquité, et même, plus l'esprit s'est affiné par l'étude de ces chefs-d'œuvres, plus il goûte ce genre de comique délicat où a excellé Boileau. En France, on admirera toujours le Lutrin 2.

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Mais nous sommes allé trop avant dans le XVIe siècle à la suite de ce genre burlesque, dont la vogue eût certes grandement indigné, s'il avait vécu assez pour en être témoin, le premier des poètes du siècle, cet illustre Malherbe, dans lequel Boileau reconnaissait un frère aîné, dans lequel il saluait avec enthousiasme le réformateur du Parnasse. Ces éloges, Malherbe, les méritait en partie. << Malherbe, a dit M. Geruzez 3, fit pour la langue française ce que son maître, Henri IV, fit pour la France; grâce au roi, les Français furent une nation, et, par Malherbe, le français fut un idiome; l'un établit et maintint l'indépendance du pays, l'autre celle du langage. Lorsque le Béarnais, maître de Paris, vit défiler devant lui les soldats de l'Espagne,

1. Le burlesque a cependant reparu sur le théâtre il y a quelques années; les dieux de l'Olympe et les héros de l'Iliade sont descendus sur la scène des petits théâtres, ridiculement travestis en pitres, et débitant des niaiseries avec l'accompagnement bruyant d'une musique bouffe. Le goût public a bientôt fait justice de ces mascarades.

2. Boileau a cependant lui aussi sacrifié au goût du temps: il a collaboré à la parodie de Chapelain décoiffé et rédigé contre la Sorbonne un Arrêt burlesque. La Fontaine, qui a intercalé une parodie dans son Ragotin, Brébeuf, Furetière et les deux Perrault ont servi aussi dans l'armée du fameux d'Assoucy, « l'empereur du burlesque », l'auteur de l'Oride en belle humeur (1650).

3. Histoire de la littérature française depuis ses origines jusqu'à la Révo lution, II, 2-4.

il leur dit « Bon voyage, Messieurs! mais n'y revenez pas. >> Malherbe adres sa le même compliment aux mots étrangers qui avaient fait invasion sous les auspices de Ronsard. Malherbe organisa la langue sur le plau que Henri IV avait adopté pour l'État. Il s'adjugea la souveraineté de cet empire, ne craignant pas d'être appelé le tyran des mots et des syllabes. Le premier soin du maître, dans son empire, fut de repousser les intrus et d'organiser une noblesse. Il fit avec un admirable discernement le départ de la langue noble et de la langue vulgaire, sans toutefois établir de barrière insurmontable.... Le génie de Malherbe semblait prédestiné à l'accomplissement de cette œuvre. Plus étendu, il aurait eu moins d'énergie; plus passionné et plus riche d'idées, il aurait dédaigné un travail qui demandait plutôt un grammairien qu'un poète inspiré. Ses pensées, concentrées presque exclusivement sur la grammaire et la prosodie, façonnèrent l'instrument et le moule de la poésie; d'autres viendront ensuite qui pourront, grâce à lui, en tirer des accords plus hardis et y jeter des pensées plus profondes. On ne saurait nier que Malherbe ait eu peu d'idées et une verve peu abondante; mais il sut la ménager et ne la répandre que lorsqu'elle s'était amassée et condensée au point de produire quelque œuvre virile. Ses produits sont rares, mais vigoureux. » En effet, ce n'est pas seulement à la vérité du langage que Malherbe appelle ses contemporains, c'est aussi à la vérité des sentiments: il prétend substituer la vérité des impressions aux passions factices, l'observation à l'imitation à outrance de l'antiquité. Malherbe avait commencé, lui aussi, par ronsardiser et par pétrarquiser ; mais vers quarante-huit ans il brûle ce qu'il a adoré, et devient le plus implacable adversaire de Ronsard et de son école ; oubliant tout ce qu'il leur doit 1, et ne souvenant que de leurs défauts, il frappe comme un sourd sur ses nouveaux ennemis : Ronsard, il barre d'un trait de plume tout son œuvre ; Desportes, il le déclare sot et lourd; Bertaut, il met un nihil au dos de ses Poésies. C'est que dorénavant la marque du talent de Malherbe, ce sera la probité, la sincérité; son vers sera quelquefois prosaïque et plat, mais il ne mentira pas et n'appartiendra qu'à lui; Malherbe ne se souvient pas, il pense, et voilà pourquoi ses œuvres sont moins nombreuses que celles de la Pléiade. En résumé, malgré ses imperfections, malgré une raideur parfois un peu disgracieuse, malgré un abus de la mythologie étonnant chez un homme qui se déclarait l'ennemi de Pindare et voulait 1. C'est Ronsard, et non Malherbe, qui,

le premier en France,

Fit sentir dans les vers une juste cadence;

c'est de Ronsard, et non de Malherbe, que

Les stances avec grâce apprirent à tomber.

/BOILEAU, Art poétique, I, 131-132 et 137.)

secouer le joug des Latins, malgré les attaques dirigées contre cet infatigable travailleur par le nonchalant Mathurin Régnier 1, Malherbe est bien un de nos grands poètes, et c'est bien de lui que relève la poésie du xvIe siècle. Il avait d'ailleurs conscience de sa valeur, et ne laissait à personne le soin de la vanter.

Malherbe avait enseigné l'art de faire des vers bons, harmonieux et rares; ses disciples suivirent de leur mieux ses leçons, et Racan, malgré quelques négligences, Maynard, en dépit d'un peu de froideur, Godeau, malgré une facilité trop prolixe, Gombauld, en dépit de sa sécheresse, font honneur à leur

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Peut-être cependant répondent mieux à l'idée que, depuis le mouvement romantique, nous nous faisons du poète, deux des irréguliers du XVIe siècle, deux victimes de Boileau, Théophile et Saint-Amant. Ce sont deux disciples attardés de la Pléiade; ils ne connaissent guère la raison, et méconnaissent trop souvent le goût; mais ils ont, Saint-Amant surtout, le sentiment de la nature, et c'est là une rareté trop grande au XVIe siècle pour que nous ne la signalions pas. La bucolique en effet est très en honneur vers le milieu du xvn° siècle, mais c'est du fond d'un boudoir qu'elle dépeint la campagne, et elle nous montre encore les bergères chantées par d'Urfé ou déjà les bergères peintes par Watteau; quelques vers aimables de Segrais et de madame Deshoulières demandent timidement grace pour un genre faux et condamné.

XVIII.

POÉSIE LYRIQUE ET POÉSIE ÉPIQUE.

La poésie lyrique et l'épopée n'apportent pas une grande gloire au siècle de Louis XIV; entre les odes de Malherbe et les cantiques de Racine, nous ne trouvons guère à signaler que quelques strophes de Saint-Amant, de Théophile, de Corneille, de Quinault et de Maucroix; on ne lit plus aujourd'hui les odes de Godeau, et il serait à désirer que Boileau n'eût pas écrit l'Ode sur la prise de Namur. — Quant à l'épopée, elle est représentée par le fameux poème de Chapelain; le ridicule tuait encore en France au temps où parut cette infortunée

1. Régnier avait été blessé à la fois de l'insulte faite à son oncle Desportes et du ton de pédagogue que prenait Malherbe. Il écrivit contre lui, pour défendre les droits souverains de l'inspiration et par suite les négligences qui en sout inséparables, la Satire à Rapin, un chef-d'œuvre, qui cependant fit moins de mai à Malherbe qu'à ceux que Régnier voulait venger.

Pucelle, et, grâce à Boileau, le seul nom de Chapelain fait sourire encore aujourd'hui ceux même qui n'ont pas lu deux vers de Chapelain; curieux exemple de l'exagération des opinions humaines pendant vingt ans Chapelain a été honoré comme une des gloires du Parnasse, et il ne le méritait guère; depuis qu'il a publié les premiers chants de son épopée, on rit de lui comme d'un grotesque, sans lui tenir compte de quelques vers vraiment beaux. Il est pourtant encore bien supérieur comme poète épique au Père Lemoyne, qui a cependant écrit une belle page; ȧ Desmarets de Saint-Sorlin, qu'excuse sa folie, et à la foule obscure, bien que très féconde, des victimes de Boileau, les Coras (16301677) 1, les Le Laboureur (mort en 1679) 2, les Carel de SainteGarde (1620-1664) 3, etc. Au déluge des chansons de gestes a succédé le déluge des épopées, et c'est le cas de dire avec le poète : Tout va de mal en pis.

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On comprend jusqu'à un certain point qu'en présence d'une si désastreuse prolixité Boileau ait poussé le cri célèbre :

Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème 5 !

Un sonnet sans défaut est rare, puisque Boileau n'en découvre que deux ou trois dans Maynard, dans Maleville et dans Gombauld; mais, en cherchant bien, il en aurait pu trouver de très convenables dans Voiture, dans Sarrasin, dans Benserade, dans Boisrobert (1592-1662), dans des Yveteaux (1560-1649), dans des Barreaux, dans Hesnaut, et même dans Cotin (1604-1682). La Pléiade avait réussi surtout dans les poèmes de petites dimensions, dans ceux qui exigent moins de souffle que d'habileté patiente, moins de génie que de savoir faire; le sonnet semblait être fait au XVIe siècle pour les alcovistes, et les alcovistes pour le sonnet. Rimer des sonnets rentrait dans l'éducation des gens bien élevés, et l'on n'était pas honnête homme si l'on ne savait tourner un sonnet. Qu'y a-t-il d'étonnant, si, dans le nombre, il s'en rencontre quelques-uns qui se laissent encore lire? Qui sait si plus d'un sonnet, fort admiré aujourd'hui, ne paraîtra pas dans deux siècles bien fade et bien médiocre? Le genre comporte toujours un peu de préciosité, et il n'y a rien qui vieillisse comme les formes de la préciosité.

1. Auteur de Jonas, de Josué, de Samson, de David.

2. Auteur d'un Charlemagne.

3. Le fameux auteur de Childebrand, ea seize chants!

4. Détachons de ces malencontreuses épopées la traduction un peu emphatique, mais bonne néanmoins, de la Pharsale de Lucain par Brébeuf. 5. Art poétique, II, 94.

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