cè rêveur, eft qu'on doit s'efforcer de reffembler au néant, & que les moyens d'y parvenir font de rechercher autant qu'il eft en nous, l'état parfait d'inaction, de penfer le moins qu'il eft poffible, de fuir toutes les affaires de quelque nature qu'elles foient, & enfin de vivre dans cette ftupide indolence qui approche le plus du néant. Il prétendoit que le vuide étoit le principe de toutes chofes ; qu'il y avoit une foule de génies & d'efprits tutelaires qui tenoient la chaîne des événemens humains; qu'ils préfidoient à la marche des révolutions, & que par conféquent on ne devoit fe mêler de rien. Et pour engager fes difciples à croire à fa Doctrine, cet impofteur leur avoit

promis de les rendre immortels comme lui; car il leur avoit perfuadé qu'il ne mourroit jamais.

Croiriez-vous, Madame

que ces erreurs pitoyables trouvent encore en Chine des partisans zélés, & des fectateurs en grand nombre. Tel eft l'aveuglement des hommes; la Doctrine la plus révoltante, dès là qu'elle eft extraordinaire, a fouvent plus d'empire fur leur efprit, que les vérités les plus lumineufes.

Foe ne jouit pas d'une moindre confidération parmi les Chinois. L'hiftoire de ce faux Prophête, qui devroit ce femble les défabufer, ne fait au contraire qu'augmenter l'eftime & le refpect qu'ils ont pour lui. On raconte qu'il étoit fils d'un Souverain d'une Contrée

de l'Inde, & que quand fa mère le conçut, elle rêva qu'elle avaloit un éléphant, préfage de la taille énorme de l'enfant quelle devoit mettre au monde. L'opinion commune eft qu'il étoit en effet fi gros, que pour lui procurer la naiffance, il fallut ouvrir le ventre de fa mère,qui mourut dans cette opération. A peine Foe eut-il vû le jour, qu'au lieu de pleurer comme les autres enfans, il fit fept pas, leva une main vers le Ciel, baiffa l'autre vers la terre, & s'écria d'un ton de voix redoutable: Je fuis celui qu'on doit honorer au Ciel & fur la terre. Parvenu à l'âge de dix-neuf ans il fe retira dans une folitude pour y vaquer à l'étude de la Philofophie, & l'on affure qu'a

près s'y être fait une grand nombre de difciples, il fut tout-à-coup changé en divinité. Dans le fond c'étoit un homme corrompu, qui n'avoit pris le parti de s'éloigner de fes femblables, que pour dérober à leurs yeux les infâmes d'ébauches auxquelles il s'abandonnoit. Il n'eft pas étonnant qu'il ait eu pendant fa vie, & qu'il ait encore après la mort de fi zélés fectateurs. Je ne fache pas que cet impofteur ait rien laiffé par écrit; les Bonzes, qui s'en difent infpirés, font les dépofitaires de fa Doctrine, qui n'eft pas moins infenfée que celle de Prunier-l'oreille. Ces Prêtres du Démon ont établi la Métempfycofe; ils impofent des peines après la mort à ceux qui ont commis

des crimes, & ces peines fe réduisent à paffer fucceffivement du corps d'une vache ou d'une brebis, dans celui d'un ferpent ou d'un cheval de pofte, &c. Mais dès qu'on a foin de leur faire l'aumône, de leur bâtir des Monaftères & d'enrichir leurs Temples, on n'a plus rien à craindre; on eft fûr d'une tranfmutation honorable & avantageufe, felon qu'on s'eft diftingué pendant la vie par plus ou moins de largeffes en faveur des Bonzes. Ainfi un affaffin, un incendiaire, le plus grand fcélérat peut effacer tous fes crimes par des aumônes, & mériter que fon ame paffe un jour dans un corps qui lui procure toutes fortes de plaifirs & d'hon

neurs,