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je regarde comme mes enfans, la plupart jeunes gens, & nouvellement arrivés d'Europe, m'ont caufé bien des chagrins dans les commencemens. Je ne vous détaillerai point, Monfieur, les peines que j'ai prifes, & les mouvemens que je me fuis donnés pour eux pendant les trois premiers mois. Soins, courfes, exhortations, prieres, tout étoit inutile, & je vous avoue, à ma honte, , que le découragement commençoit à me faifir, & que j'étois fur le point d'abandonner mon entreprise, pour me livrer entiè rement & fans réferve au falut de nos pauvres Noirs. Cependant, réfléchiffant un jourfur les difficultés que j'éprouvois, fentis intérieurement comme une touche secrete

&

comme une voix qui me reprochoit mon défaut de conftance & de fermeté. Ce fentiment produifit son effet. Je réfolus dès-lors de tenir tête aux obftacles, & de ne rien épargner pour gagner ces jeunes cœurs à Dieu. Une retraite me parut un moyen fûr & efficace pour y réuffir. Dans cette penfée je demandai l'agrément du Gouverneur & de l'EtatMajor: ce qui me fut accordé La retraite annoncée avec appareil, remua les imaginations.. Soit curiofité, foit refpect humain, foit bonne volonté ; que fais-je ? toute la jeuneffe y courut. Je profitai de cette ardeur pour la fixer; mais afin de ne pas en laiffer perdre le fruit, je crus devoir remplir la journée entière, excepté le

tems des repas. La Prière, la Meffe, une Inftruction, quelques Lectures , occupoient toute la matinée; l'après-midi fe paffoit en Conférences, Sermon, Lectures, Vêpres, Can-. tiques, &c. & la Bénédiction du S. Sacrement terminoit la foirée; enfin, le tems des Lectures fpirituelles, & une partie de la nuit étoient deftinés à entendre les confeffions. Cette retraite dura huit jours. Dieu fait combien ce travail fuivi m'a coûté. Seul, dans un climat brûlant, enfermé dans une petite Chapelle qui pouvoit à peine contenir le nombre des retraitans, j'aurois infailliblement fuccombé fans une grace spéciale de la Providence, qui me réfervoit à de nouvelles fatigues. Le

Seigneur a béni au centuple ma bonne volonté ; le fruit de la Retraite a été prodigieux, & la réforme générale. Rien n'eft encore aujourd'hui plus édifiant que la conduite de nos jeunes foldats, qui, à une piété peu ordinaire, réuniffent la plus fcrupuleuse exactitude à tous les devoirs de leur profeffion. Les cafernes de Kareikal font une véritable école

de fageffe, & je puis affurer que Dieu & le Roi y font bien fervis. Si la guerre fe rallume, comme on le dit, je faurai. par expérience fi le Service du Seigneur & la bravoure font auffi incompatibles que l'affurent. certains Officiers, efprits foibles, prétendus forts. Perfonne n'ignore, Monfieur que vous avez donné plus

d'une fois des preuves bien authentiques du contraire. Quoi qu'il en foit, je jouis avec la plus grande confolation du fruit de mes foibles

travaux.

Trichenapaly, ville trop fameufe par les maux que les François ont effuyé devant cette place, & par les pertes confidérables qu'ils y ont faites, fe trouve aujourd'hui entre les mains des Anglois, & felon les apparences pour bien des années. Le rappel du Commandant de nos troupes au fiege de cette ville, eft l'époque de fa délivrance. Ce Militaire, redouté de nos ennemis, qu'il avoit conftamment battus, & dans toutes les occafions quoiqu'à nombre très-inégal, tenoit depuis

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