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quelques mois cette place refferrée au point que le Major Laurents, Commandant Anglois, n'avoit ofé y jetter le moindre fecours. Enfin, réduite à la dernière extrémité, elle avoit confenti à fe rendre, fi elle n'étoit fecourue dans un tems limité; encore quelques jours, & elle étoit à nous. Mais le changement de Général, & les ordres de Pondicheri ont fait ce que l'armée Angloife n'eût jamais ofé entreprendre fous les yeux du brave Mainville. Cependant la prife de cette malheureuse place, fource de querelles entre le Nabab François & le Nabab Anglois, & par une conféquence qui ne devoit point être, entre les deux Nations Européenes, auroit mis

fin à une guerre des plus funeftes pour nous.

Ce premier revers a été immédiatement fuivi d'un autre; c'eft une trève qui, à ce qu'on affure, eft toute à l'avantage de la Nation Angloife; & cela dans un tems où nous pouvions donner la loi par le nombre des troupes qui nous étoient nouvellement arrivées. Cette trève a laiffé aux Anglois le tems de fe renforcer à nos dépens; on a même travaillé de notre côté à les rendre fupérieurs, en leur remettant des prifonniers forts & robuftes, tandis que nous n'en recevions en échange que des malheureux, qui, depuis plufieurs années, croupiffoient dans des cachots pratiqués fous terre; il n'en étoit aucun

d'eux qui ne fût réduit au plus pitoyable état. Il étoit porté dans l'accord,qu'on fe rendroit mutuellement tous les prifonniers; mais, par une perfidie qu'on ne peut affez condamner, les Anglois fe font contentés de nous rendre homme pour homme, &, ce qui eft plus révoltant encore, de choifir & de nous renvoyer ceux qui par leur fituation déplorable nous devenoient à charge au lieu de nous être utiles. Pour comble de malheur on a fi bien fatisfait nos troupes, qu'une bonne partie a déja deserté. Voici à ce fujet un trait qui m'eft arrivé dans mon voyage de Pondicheri à Kareikal.

Surpris par la nuit à l'approche d'une fortereffe appellée Devikottey, & au pou

voir des Anglois, je pris le parti de m'y arrêter réfolu de paffer la nuit dans mon Palanquin ou litière. Le Commandant s'offrit à me loger dans le Gouvernement, mais je refufai, dans le deffein d'être plus à l'aife, & de m'informer plus librement des forces de cette Place. Il n'y avoit guères qu'une heure que j'étois arrivé, lorfque je me vis entouré d'une troupe d'Allemands & de François, tous déferteurs de Fisher, & venus dans l'Escadre depuis quatre ou cinq mois. J'en avois connu plufieurs, & entr'autres huit Allemands qui avoient paffé dans le même Vaiffeau que moi. Je ne balançai point à profiter de la circonftance pour leur repro

cher l'indignité de leur conduite. Que pouvions-nous faire,me répondit un d'entr'eux,au nom de tous? on nous a trompé : depuis notre débarquement nous nous fommes vus fans paie, & réduits à la plus extréme mifère. Ce n'eft pas l'intention du Roi qu'on traite ainfi des Sujets qui s'expatrient pour fon fervice. On nous avoit fait les promeffes les plus flatteufes, & non-feulement on nous a manqué de parole, mais encore on nous a maltraité. Moi & mes camarades, ajouta un Huffard, nous nous fommes engagés pour fervir à cheval & non à pied ; les François n'ont pas jugé à propos de nous en donner nous fommes venus en chercher chez les Anglois. Nous fommes ici bien montés, bien vétus, bien

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