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Matelots qui font ordinairement affez généreux ou affez peu amateurs de fa chair pour lui rendre la liberté.

Le vingt-fix de Février nous eûmes le foleil à pic, * & à midi nous remarquâmes que les corps ne jettoient aucune ombre. Quelques jours auparavant nous avions effuyé une tempête que je ne vous décrirai point ici; je vous dirai feulement que ce fut dans cette circonftance que je vis le feu Saint-Elme pour la première fois. C'eft une flamme légère & bleuâtre, qui paroît au haut d'un mât ou à l'extrémité d'une vergue. Les Matelots prétendent que fon apparition annonce la fin des tempêtes; voilà pourquoi ils

Avoir le foleil à pic, c'est l'avoir à plomb & perpendiculairement.

portent toujours avec eux une image du Saint dont ce feu porte le nom. Auffitôt que j'apperçus le phénomène, je m'approchai pour le confidérer, mais le vent étoit fi furieux & le vaiffeau fi agité, que les mouvemens divers que j'éprouvois, me permirent à peine de le voir quelques inf

tans.

Voici une autre chofe que j'ai trouvée digne de remarque. Lorfqu'il pleut fous la Zone-torride, & fur-tout aux environs de l'équateur, au bout de quelques heures la pluie paroît fe changer en une multitude de petits vers blancs affez femblables à ceux qui naiffent dans le fromage. Il eft certain que ce ne font point les gouttes de pluie qui fe transforment en vers. I

eft bien plus naturel de croire que cette pluie qui eft trèschaude & très-mal faine fait fimplement éclore ces petits animaux comme elle fait éclore en Europe les chenilles & les autres infectes, qui rongent nos efpaliers. Quoiqu'il en foit, le Capitaine nous confeilla de faire fécher nos vètemens; quelques-uns refuferent de le faire, mais ils s'en repentirent bientôt après, car leurs habits fe trouverent fi chargés de vers qu'ils eurent toutes les peines du monde à les nétoyer. Je ferois infiui, mon Révérend Père, fi je vous racontois toutes les petites avantures de notre voyage. Je ne vous parlerai pas même des lieux que nous avons vus fur notre route; n'étant point forti du vaiffeau, je

ne pourrois vous en donner qu'une idée très - imparfaite. Je pafferai donc fous filence tout ce qui nous eft arrivé jufqu'à notre entrée dans le fleuve de la Plata, dont je crois devoir vous dire un mot. J'avois oui dire en Europe que ce fleuve avoit environ cinquante lieues de large à fon embouchure : on ne me difoit rien de trop; je me fuis convaincu par moi-même de la vérité du fait. Quand nous partimes de.... fortereffe fituée à plus de trente lieues de l'embouchure, dans un endroit où la largeur du fleuve est moindre que partout ailleurs, nous perdîmes la terre de vue avant d'arriver au milieu, & nous navigeâmes un jour entier fans découvrir l'autre bord. Arrivé à Buenos-Ayres, je fuis

monté fouvent fur une montagne très-élevée par un tems fort férain, fans rien découvrir qu'un horifon terminé par l'eau. A la vérité le fleuve de la Plata eft d'une profondeur peu proportionnée à fa largeur; outre cela il eft rempli de bancs de fable fort dangereux, fur lefquels on ne trouve guères que quatre ou cinq braffes d'eau. Le plus périlleux eft à l'embouchure, & on le nomme le banc Anglois. J'ignore ce qui l'a fait appeller ainfi, cela vient peutêtre de ce que les Anglois l'ont découvert les premiers, ou de ce qu'un Vaiffeau de leur Nation y a échoué. Quoi qu'il en foit, notre Capitaine ne connoiffoit la Plata que fous le nom redoutable d'Enfer des Pilotes: ce n'étoit

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