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Idolâtres du pays croyent avoir été le plus ingénieux, le plus fage, &le plus fçavant des hommes. Les marchands l'invoquent, avant de vendre & d'acheter; les pêcheurs, avant de jetter leurs filets dans la mer; les courtifans, avant d'aller faire leur Cour au Prince; les artisans, avant de commencer leur ouvrage, &c. L'Idole le Seigneur du lieu où l'on demeure, n'eft pas moins révéré que les deux autres. Voici la manière dont on lui rend hommage. Quand quelqu'un veut faire bâtir une maison, il il commence par fe bien perfuader que le terrain n'appartient pas tellement au Roi, qu'il n'ait quelqu'autre maître, lequel après la mort conferve le même droit dont il a joui pendant fa vie. Enfuite 30% Rec.

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il fait venir un Magicien, qui, au bruit du tambour, invite l'ame du maître défunt, à venir demeurer sous un petit toit qu'on lui prépare, & où on lui préfente du papier doré, des odeurs, & des petites tables couvertes de mets le tout pour l'engager à fouffrir le nouvel hôte dans fon champ.

Outre ces trois Idoles, les Tonquinois adorent le Ciel, la Lune & les Etoiles. J'en ai vu qui divifoient la terre en dix parties, & faifoient à chacune une profonde révérence. D'autres partagent le monde en fix portions égales, dont la fixième eft cenfée au milieu, & prennent, pour les adorer, des couleurs particulières. Quand ils rendent hommage au Septentrion, ils

s'habillent de noir, & ne fe fervent dans leurs Sacrifices que d'inftrumens noirs. Lorfqu'ils adorent le Midi, ils fe revêtent de rouge. Quand ils facrifient à l'Orient, ils ont des habits verds; & quand ils invoquent l'Occident, la couleur blanche eft celle dont ils fe fervent dans leurs adorations. Pour la partie du milieu, ils lui rendent hommage en habits jaunes.

La fuperftition des Tonquinois va encore plus loin. On m'a dit qu'ils révéroient les éléphans, les chevaux, les oifeaux, les finges, les ferpens, les arbres, les vices mêmes, & les créatures les plus infames. Il y a quelques jours que des Pêcheurs ayant trouvé, fur le bord de la mer une piece de bois que les flots

y avoient jettée, lui offrirent auffi-tôt leur pêche comme à une Divinité puiffante dont ils croyoient avoir reçu tout le poiffon qu'ils avoient pris. Ils s'occupent actuellement à lui bâtir un Temple, & difent que c'eft la fille de quelqu'Empereur, qui s'eft jettée dans la mer, & qui, fous la forme d'un bois, a daigné choifir leur port, afin de répandre fur eux fes bénédictions & fes graces.

Je ne fçaurois penfer fans douleur aux malheureufes inventions dont le démon fe fert pour tromper ces pauvres Idolâtres. Vous en jugerez, mon Révérend Père, par les traits fuivans. Lorfqu'un Infidèle veut bâtir une maifon, ou marier un enfant, ou faire quelque voyage, il va conful

ter un Devin; celui-ci feint d'être aveugle, pour donner à entendre qu'il ne voit & n'écoute que la vérité ; & avant de répondre, il prend un livre qu'il ouvre à demi, comme s'il craignoit de laiffer voir aux yeux profanes ce qu'il contient; & après avoir demandé l'âge de la perfonne dont on veut fçavoir le bon ou le mauvais fuccès, il jette en l'air deux petites pièces de cuivre où font gravées, d'un côté feulement, certaines lettres, ou chiffres myftérieux. Si, quand ces pièces tombent à terre, les lettres fe trouvent renversées, c'eft un mauvais préfage. Si, au contraire elles font tournées vers le Ciel, l'augure eft favorable. Cette manière de confulter le fort eft fort commune parmi

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