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quand le vent du nord y foufle avec violence. On n'a jamais vu ici ni glace, ni neige; jamais les arbres n'y ont perdu leur verdure; jamais l'air n'y eft infecté de vapeurs contagieufes; le Ciel y eft ordinairement fi ferain & fi pur, qu'on ignore, dans ces contrées, ce que c'eft que pefte. La goutte, la pierre, les fièvres malignes, & mille autres maladies, fi communes en Europe, font ici entiérement inconnues. Le riz eft la nourriture ordinaire du pays; on en fait même un vin, dont la force égale celle de l'eaude-vie. Les meilleurs fruits du Tonquin font les oranges, & une espèce de figue rouge qui feroit honneur aux tables les plus délicatement fervies de Paris.J'en ai vu d'une autre for

te qui reffemblent affez à celles de Provence, & pour la forme, & pour le goût: mais ce qui m'a paru fort fingulier, c'eft que ce ne font point les branches qui les portent, elles ne naiffent qu'au pied de l'arbre, & quelquefois en fi grande quantité, que vingt hommes affamés pourroient facilement s'y raffafier. On trouve auffi beaucoup decitrons, mais ils font affez mal-fains; & les Tonquinois ne s'en fervent guères que pour teindre leurs étoffes. On voit ici de grands arbres dont les branches ne portent ni feuilles, ni fruits; ils ne produifent des fleurs. Il y en a une autre espèce dont les branches fe courbent jufqu'à terre, où elles jettent des racines, d'où naiffent d'autres arbres; les branches de ces derniers fe

que

courbant de même, pouffent à leur tour de femblables racines; & les arbres, à la longue, occupent une espace de terrain fi étendu, que trente mille hommes pourroient à l'aife, fe repofer à leur ombre.

Les chevaux fon ici d'une rare beauté & en très grand nombre; on en admire la vivacité, la légéreté, & la vigueur. Cependant en général ils font petits, & peu propres à l'attelage. Les éléphans n'y font pas moins communs; on en nourrit plus de cinq cents pour le fervice du Roi. On prétend que leur chair eft bonne, & que le Prince en mange quelquefois par délices. On ne voit dans ce Royaume ni lions, ni agneaux; mais on y trouve une quantité prodigieu

fe de cerfs, d'ours, de tigres & de finges : ces derniers font remarquables par leur groffeur & leur hardieffe. Il n'eft pas rare de les voir au nombre de deux ou trois mille entrer comme des ennemis, dans les champs des laboureurs, s'y raffafier, fe faire enfuite de larges ceintures de paille, qu'ils roulent autour de leur corps, après les avoir remplies de riz, & s'en retourner chargés de butin, à la vue des payfans, fans que personne ofe les attaquer.

Parmi les oifeaux rares & curieux de ce pays, il en eft un que je crois avoir vu dans l'Ile de Saint-Vincent ;

*Ifle voifine de l'Amérique, à la hauteur d'environ 16 degrés au Nord de la ligne. Elle peut avoir 9 lieues de long, fur 6 ou 7 de large.

c'est une espece de chardonneret dont le chant eft fi doux & fi mélodieux qu'on lui a donné le nom d'Oiseau célefte; fes yeux on l'éclat du rubis le plus étincelant; fon bec eft rond & affilé; un petit cordon d'azur régne autour de fon col; & fur fa tête s'éleve une petite aigrette de diverses couleurs qui lui donne une grace merveilleuse; fes ailes, lorfqu'il eft perché, offrent un mêlange admirable de couleurs jaune, bleue & verte; mais quand il vole, elles perdent tout leur éclat. Cet oifeau fait fon nid dans les buiffons les plus épais, & multiplie fon espèce deux fois par an; il fe tient caché pendant les pluies, & dès que les premiers rayons du foleil viennent à fe faire jour à travers

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