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mités de la veilleffe. 11 eft vrai que les Ago* font des Princes fort équitables & fort doux, & nous en recevons de tems en tems des marques d'eftime & de bonté qui femblent devoir nous nous raffurer contre les manoeuvres de nos ennemis. L'Empereur a huit enfans: le huitième fe trouvant en pénitence à HaiTien, pendant que la Cour étoit à la Ville, venoit fouvent voir nos ouvrages, & caufer avec nous; il me fit une fois l'honneur de m'appeller dans fon appartement, où il voulut que je priffe du thé, & m'accabla de careffes. Les Tartares font natu

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* On appelle Ago les fils des Empereurs. ** Hai-Tien eft comme le Verfailles de la Chine.

rellement affables, & aucun Prince de l'Europe ne traiteroit des étrangers comme on nous traite ici. Le frere de

l'Empereur, qui aimoit le Frere Attiret, venoit trèsfréquemment à notre petite maifon de Hai-Tien, pour le voir peindre; c'eft cependant celui des Princes du fang qui paffe pour le moins prodigue d'égards & de démonftrations d'amitié. Un jour ayant renvoyé fes gens, il entra feul dans ma chambre; une image du Sauveur que j'avois à mon Oratoire fut long-tems le fujet de notre entretien. Mais hélas ! que les Grands font éloignés du Royaume du Ciel ! Après lui avoir expofé les preuves furlefquelles eft fondée notre fainte Religion, il m'avoua qu'el

le lui paroiffoit belle & fublime, puis changeant tout-àcoup de difcours, il me jetta fur d'autres matières, comme l'Aftronomie & la Peinture, dont il a une connoiffance trèsétendue, & finit par m'aflurer de fon plus fincère attachement. Nous voyons auffi quelquefois un coufin - germain de l'Empereur, qui a une eftime fingulière pour les François ; il eft aimable, fçait beaucoup, parle avec grace, & nous comble tous d'amitié; mais il fouffre difficilement qu'on traite de religion devant lui. Ce n'eft pas qu'il foit attaché aux fuperftitions de fon pays, car il méprise fouverainement & les Idoles, & leurs Miniftres. Mais la crainte de perdre des emplois ou d'expofer des familles, a bien du

pouvoir fur des cœurs qui ne font pas abfolument détachés des biens périffables de la terre. Quoique la Religion Catholique foit tolérée dans l'Empire, les Chrétiens ne laiffent cependant pas d'y avoir beaucoup à fouffrir malgré la protection que l'Empereur daigne nous accorder & il arrive prefque toujours que ceux qui fe convertiffent fe trouvent dans le cas de perdre, ou leurs emplois, ou leur honneur, ou leur fortune.

Pendant la perfécution de cette année, qui a duré près de fix mois il a paru un Edit par lequel on condamne la Religion comme contraire aux Loix de l'Empire, & en même-temps on déclare qu'elle ne renferme rien de faux, ni de mauvais. L'Empereur, les

Miniftres & les Grands en font fi convaincus, qu'on n'a voulu condamner perfonne à mort; on ne prétendoit qu'intimider les Chrétiens, & en voici une preuve frappante.

Un jeune Néophite que je connois beaucoup, alla dans le fort de la perfécution fe préfenter à un Mandarin, ennemi juré de notre Religion, & demanda inftamment qu'on le fit mourir, lui, fa femme & fon fils qui pouvoit alors avoir un an. Ce généreux Confeffeur fut renvoyé comme un infenfé, & on lui dit, en le congédiant, qu'on n'avoit aucun ordre de faire mourir les Chrétiens. Cependant l'Arrêt de profcription étoit affiché dans tous les carrefours de la ville, nos Néophites venoient

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