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Si les faits que nous a confervé Phiftoire d'un régne fi long & fi heureux, font en petit nombre, ils ne nous en donnent pas moins grande idée de ce Prince, & nous doivent faire extrêmement regretter de n'avoir pas un récit détaillé de les actions.

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La fomme de cent talens (cent Polyb.lib. sa mille écus) qu'il envoia aux Rho- pag. 429. diens & les préfens qu'il leur fit

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après ce grand tremblement de terre qui avoit ravagé leur ile, & renverse feur Coloffe, font des marques illuf tres de fa libéralité & de fa magnificence. La modeftie qui accompagna. fes préfens, en releve infiniment le prix. Il fit élever dans la place publique des Rhodiens deux ftatues, qui repréfentoient le peuple de Syracufe

mettant une couronne fur la tête du

peuple de Rhodes: comme fi, dit Polybe, Hiéron, après avoir fait de fi magnifiques préfens aux Rhodiens loin d'en tirer vanité, eût cru leur de meurer lui-même redevable. En effet un Roi qui fait du bien à des étrangers, eft avantageufement recompenfe de fa libéralité par le plaifir qu'elle lui cause à lui-même, & par la gloire qu'elle lui procure.

Plut. in

Marcel. pag.

On a une Idyle de Théocrite; (c'eft la xvi) qui porte le nom du Roi dont nous parlons, où ce Poéte femble reprocher tacitement à ce Prince de mal paier les vers qu'on fai foit à fon honneur. Mais la maniére baffe dont il mandie en quelque forte une récompenfe pour les vers qu'il médite, donne lieu de juger que le reproche d'avarice tombe bien plus juftement fur le Poéte, que fur le Prince, connu & recommandable comme nous venons de le voir, par Tes libéralités.

C'eft au bon goût & à l'attention sin305. 306. guliére d'Hiéron pour tout ce qui concernoit le bien public, que Syracuse fut redevable de ces étonnantes machines de guerre, dont nous verrons bientôt qu'elle fit un fi grand usage lorfqu'elle fut affiégée par les Romains. Quoique ce Prince parût tout occupé des foins de la paix & de l'intérieur du roiaume, il ne négligeoit point ceux de la guerre, perfuadé que fe plus für moien de conferver la tranquillité de fes Etats étoit de fe tenir toujours prêt à faire la guerreaux voifins injuftes qui tenteroient de la troubler. Il fut profiter de l'avantage qu'il

avoit de pofféder dans fes Etats le plus favant Géométre qui fût dans l'univers: on voit bien que je veux parler du fameux Archiméde. Il étoit illuf tre, non feulement par fa grande habileté dans la Géométrie, mais par fa naiffance, puisqu'il étoit parent d'Hiéron. Uniquement fenfible aux plaifirs de l'efprit, & plein de dégoût pour le tumulte des affaires & du gouvernement, il s'étoit livré tout entier à l'étude d'une science, dont les fpéculations fublimes fur des vérités purement intelligibles & fpirituelles, & tout-à-fait féparées de la matiére, ont un attrait pour les Savans du premier ordre, qui ne leur laiffe prefque pas la liberté de s'appliquer à aucun autre objet.

Hiéron eut pourtant affez de pouvoir fur Archimède, pour l'engager à defcendre de ces hautes fpéculations à l'exercice de cette méchanique qui dépend de la main, mais qui eft conduite par l'efprit. Il le preffoit fans ceffe de ne pas toujours donner l'effor à fon Art vers des objets immatériels & intelligibles, de le rabaiffer fur les chofes fenfibles & corporelles, & de rendre fes raifonnemens en quelque

façon plus évidens & plus palpables au commun des hommes,en les mélant par: l'expérience avec les chofes d'ufage.. Archimede entretenoit fouvent le Roi, qui l'écoutoit toujours avec une grande attention & un extrême plai r.. Un jour qu'il lui expliquoit les merveilleux effets des forces mou vantes, il s'appliqua à lui démontrer, Qu'avec une force donnée on pouvoit re muer quelque fardeau que ce fut. S'ap plaudiffant enfuite de la force de fa dé-. monstration, il ofa fe vanter que s'il avoit une autre Terre que celle que: nous habitons, il remueroit celle-ci. à la fantaisie en paffant dans l'autre. Le Roi, étonné & ravi, le pria d'exé cuter lui-même fa propofition en remuant quelque grand fardeau avec: une petite force.

Archimede fe met en devoir de fa tisfaire la jufte & raifonnable curiofité de fon parent & de fon ami. Il choi-. fit une des galéres qui étoient dans le : port, la fait tirer à terre avec beau coup de travail & à force d'hommes y fait mettre fa charge ordinaire, & par deffus fa charge autant d'hommes qu'elle en peut tenir. Ensuite, fe mettant à quelque distance, affis à fon ai

fe, fans travail, fans le moindre ef fort, en remuant feulement de la main le bout d'une machine à plufieurs condes & poulies qu'il avoit préparée, il ramena la galére à lui par terre auffi doucement & auffi uniment, que fi elle n'eut fait que fendre les flots.

Le Roi, à la vûe d'un fi prodigieux effet des forces mouvantes, étoit tout hors de lui: & jugeant par cet effai de la paillance de cer Art, il pria inftamment Archimede de lui faire plufieurs fortès de machines & de batteries pour les fiéges & pour les affauts, tant pour la défenfe que pour l'attaque des pla

ces.

On demande quelquefois fi les fu blimes connoiffances dont nous par lons conviennent à un Roi, & fi ̃ ̄l'é- · tude des Arts & des Sciences doit faire partie de l'éducation d'un jeune Prince. Ce que nous lifons ici en montre l'utilité. Si le Roi Hiéron eût été fans goût & fans curiofité, & qu'il ne fe fût occupé que de ses plaifirs, Archiméde feroit demeuré tranquille dans fon cabinet, & toutes les rares connoiffances n'auroient été d'aucune utilité pour fes fujets. Combien de tré- fors de fcience demeurent enfevelis

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