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ce, n'ayent réellement une rai fon plus parfaite que les Enfans & les Infenfés.

C'est à ce fujet qu'on a fait une differtation qui fervira à prouver l'abfurdité de ces divers Tentimens. On fera voir qu'il eft abfolument impoffible d'admettre des Ames dans les Bêtes, & parce que les Philofophes qui en admettent établissent leurs fiftêmes fur le rapport qu'ils voyent entre les actions des Bêtes & celles des Hommes: on fera voir que la plupart des actions de l'Homme même fe font par pure machine.

ARTICLE II.

De la Prévention.

E qui fait que ces Philofophes font fi attachés à

foutenir que les Bêtes ont des Ames, c'eft qu'ils ne fe font pas

appliqués avec affez de réfle-
xion à étudier la Nature. Ils fe
font tellement laiffés prévenir
par
l'étude d'une mauvaise Phi-
lofophie, que c'est souvent affez
inutilement que l'on entreprend
de les défabuser, & ce n'est qu'a-
vec beaucoup de peine que l'on
en vient à bout.

En effet, on peut dire que rien n'eft fi difficile que de détromper un mauvais Philofophe, quand une fois il eft prévenu en faveur d'un fiftême. Comme il n'a pas affez de difcernement pour en connoître le faux, ni affez d'efprit pour concevoir les raisons qui le détruisent, il s'affermit de plus en plus dans fon opiniâtreté, en faisant des argumens deftitués de bon fens, qu'il regarde cependant comme des raifonnemens aufquels tout Homme fenfé doit fe rendre. C'est pourquoi, on peut dire que l'opiniâtreté eft en quelque

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façon la fille de l'ignorance; car il eft certain que plus on avance dans les Sciences, plus on s'apperçoit de la foibleffe des lumieres de l'Homme & de l'incertitude de fes connoiffances; c'est ce qui fait qu'on se persuade aifément qu'on peut fe tromper, & qu'on fait volontiers at tention aux raifonnemens des gens fenfés.

J'appelle donc mauvaise Philofophie celle qui apprend aux Hommes à combattre des chofes claires & évidentes, quand elles ne s'accordent point avec leurs préventions, qui font fi fortes dans la plupart de ceux à qui on donne le nom de Philofophes, qu'elles ne leur permettent point de fe défaire de leurs préjugés pour corriger leurs fentimens, & qu'elles les portent à s'éloigner entierement de la droite raifon, quoique ce foit souvent fans qu'ils s'en apperçoivent ;

de forte qu'ils violent la Loi fur laquelle font fondées toutes nos connoiffances naturelles. Ils tâchent d'accommoder leurs raifonnemens à leurs égaremens: au lieu que c'eft la raison qui devroit leur fervir de régle pour corriger leurs erreurs, & réformer leurs opinions.

Ils fe font laiffés prévenir que les Bêtes ont des Ames, qu'un Chien, par exemple, connoît les objets, qu'il les voit, qu'il fent du plaifir & de la douleur ; pourvû qu'on leur accorde ce Sistême, ils fe mettront peu en peine de tomber dans quelque inconvenient que ce puiffe être: il n'y aura point d'abfurdité qui leur faffe peur, point de fâcheuse conféquence qui les embarraffe. Qu'on leur dife, que connoître, voir, fentir, font des actions purement fpirituelles; & des productions d'un véritable efprit, & d'une Ame qui ne peut être différente

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différente de la leur; c'eft ce qui ne les ébranle point : Qu'on leur dife qu'on ne peut avoir de connoiffance, fans avoir du raifonnement: parce que les conféquences qu'on prend ordinairement pour des raisonnemens ne font que de véritables connoiffances; par exemple, fi un Chien connoît qu'un morceau de viande vaut mieux qu'un morceau de pain fec,& qu'il connoiffe qu'il lui eft avantageux de manger ce qui lui eft meilleur, pourquoi ne connoîtra-t'il point qu'il lui eft avantageux de manger le morceau de viande en laiffant le morceau de pain fec? Or, c'est là fans doute un raifonnement, que le Chien eft capable de faire, s'il eft capable de connoître: & s'il eft capable de raisonner, il eft certain qu'il a une Ame femblable à celle des Hommes; ce qu'on ne fçauroit admettre à caufe des fâcheufes B*

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