d'elles; mais il leur eft impoffible de dire ce que c'eft que cette Ame. Tout ce que Dieu a créé dans les fix jours qu'il employa à tirer le monde du Néant, fe réduit à deux choses; au corps, qui eft une fubftance étendue, & à l'efprit, qui eft une fubftance qui penfe, qui connoît, qui juge, qui doute qui fent de la douleur & du plaifir. Qu'ils choififfent lequel ils voudront du corps & de l'efprit pour en faire une Ame à une Bête, qui puiffe remuer une Machine, & foit la cause de toutes fes actions. Or il faut néceffairement qu'ils fe réduisent à l'une.

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* Quoique nous ayons dit au commencement que l'on ne fçauroit comprendre, comment un efprit peut penfer, il eft cependant certain que nous avons en nous une fubitance fpirituelle & penfante; car il fe paffe en nous des chofes qui ne peuvent avoir pour caufe qu'une fubstance immatérielle. D'ailleurs, Dieu a créé l'Ame féparément du corps: il l'a créée à fon Image & à fa reflemblance, en ce qu'elle eft com me lui fpirituelle & intelligente.

ou à l'autre de ces deux chofes: car il n'eft pas juste que pour donner une Ame aux Bêtes, par laquelle ils expliquent leurs actions à leur mode & felon leurs préjugés, ils fabriquent un nouvel Etre à leur fantaifie, fans fçavoir quel il cft, & fans qu'on en puiffe avoir aucune idée.

Que difent-ils donc quand on leur demande ce que c'eft que l'Ame d'une Bête? Les uns difent, que cette Ame eft matérielle mais qu'elle n'eft point matiere; d'autres, que c'est une matiere mais fort fubtile, qui connoît,qui voit, & qui fent comme nous de la douleur & du plaifir:les autres, que c'eft un Efprit, mais groffier & matériel; on en trouve même qui difent , que c'est une Ame qui ne différe de la nôtre, que comme celle d'un ignorant différe de celle d'un Homme fçavant.Iln'y a point de doute qu'ils n'ay ent eux-mêmes honte de ces

bifareries. Mais, difent-ils, il faut qu'il y ait une Ame dans les Bêtes qui connoiffe; car autrement on ne pourroit rendre raifon de toutes leurs actions, dont quelques-unes font fi furprenantes, qu'il paroît impoffible qu'elles les faffent fans connoître. Ainfi l'on voit qu'ils ne donnent pas des Ames aux Bêtes, parce qu'ils voyent qu'elles en ont mais parce qu'ils croyent que fans elles, on ne peut expliquer leurs actions. C'eft de même que fi un Homme ne fçachant point la caufe pour laquelle un jet d'eau

s'éleve à une hauteur confidérable, vouloit opiniâtrement foutenir qu'il y a un Homme fous le baffin qui pouffe l'eau avec. violence.

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ARTICLE V.

Refutation du fentiment de ceux qui difent que l'Ame des Bètes eft matérielle, quoiqu'elle ne foit point matiere.

MA

A is examinons préfentement le fentiment de ceux qui difent que l'Ame des Bêtes eft matérielle, quoiqu'elle ne foit point matiere. Lorfqu'on dit à ces Philofophes que l'on ne comprend point comment une chofe peut être matérielle fans être matiere; ils répondent que cela eft cependant très naturelle; l'étendue,difent-ils,eft matérielle, & cependant elle n'eft point matiere. Peut-on rien de fi abfurde que ce raifonnement? comme si l'étendue d'un corps, d'une planche, par exemple, de troispieds en longueur, étoit autre chofe qu'une planche longue de

trois piés; comme fi la courbure de mon doigt étoit autre chofe que mon doigt courbé: car telle ou telle étendue eft auffi accidentelle à la matiere que la courbure l'eft à mon doigt. D'ailleurs, cette Ame matérielle ne fçauroit être autre chofe que la forme de la matiere: or la forme de la matiere n'eft précifément que la difpofition des parties de la matiere. Alors cette ame prétendue ne fera qu'une difpofition méchanique du corps de la Bête, qui ne fera qu'un accident modale de la matiere comme telle ou telle figure imprimée fur de la cire: car, felon le fentiment des Philofophes, la matiere eft par tout la même & les corps n'en font que les différentes modifications. Il ne fe trouve de différence dans la ma

tiere que par rapport à nous c'est-à-dire, qu'autant qu'elle fait fur nous de différentes im